Discours de Daniel KELLER, Grand Maître du GODF, lors des hommages rendus à Jean ZAY et Pierre BROSSOLETTE les 11 et 12 juin 2015
Madame Catherine Martin-Zay,
Madame Hélène Mouchard-Zay,
Monsieur le Président de l’Association Jean Zay au Panthéon, cher Jean-Michel Quillardet,
Cher V∴ M∴ de la R∴L∴ Etienne Dolet,
Messieurs les anciens Grands Maitres du G.O.D.F,
Monsieur Henri Jean, concepteur de la stèle que nous inaugurons ce jour,
Mes TT∴ CC∴ FF∴ et mes TT∴ CC∴ SS∴,
Chers amis,
Mesdames et Messieurs,
Ce jour est pour le G.O.D.F. un jour d’émotion et de fierté. Emotion quand on pense au chemin de souffrance de Jean Zay, fierté aussi de constater que le long combat pour Jean Zay au Panthéon a finalement triomphé, au prix d’une ténacité de tous les instants, lors de l’annonce par Monsieur le Président de la République au Mont Valérien le 21 Février 2014.
Qu’hommage soit rendu à la R∴ L∴ Etienne Dolet d’Orléans qui la première s’est mobilisée ainsi qu’à l’Association Jean Zay au Panthéon qui prit le relais. Toute ma gratitude également à tous les Grands Maîtres qui depuis Jean-Michel Quillardet se sont succédés et reprirent inlassablement le flambeau. Qu’ils soient remerciés pour avoir su manifester cet esprit de continuité sans lequel nulle action ne saurait aboutir, et j’en profite pour saluer Guy Arcizet ici présent et qui fut l’un d’eux.
Né le 6 août 1904, Jean Zay est l’exemple d’une carrière fulgurante qu’un destin tragique brisa : Député à 27 ans en 1932, Secrétaire d’Etat en 1936 et Ministre de l’Education Nationale quelques mois plus tard. Mais à peine la guerre commencée, celui-ci démissionna de ses fonctions le 2 septembre 1939 pour s’engager dans l’armée. En juin 1940 il rejoint Bordeaux. Le 21 juin il est de ceux qui s’embarquent sur le Massilia pour poursuivre le combat depuis l’Afrique et non pour déserter comme le régime de Vichy tentera de le faire accroire. Sur le bateau, il retrouve alors Pierre Mendès France. A peine arrivé à Casablanca il est consigné puis renvoyé le 15 août en métropole en état d’arrestation.
Interné à la prison de Clermont Ferrand le 20 août 1940, il est condamné pour désertion le 4 octobre puis à la déportation au bagne. Sa peine est commuée en internement. Il est alors incarcéré à la prison de Riom le 7 janvier 1941. Le 20 juin 1944 alors que la victoire commence à se dessiner, il est assassiné au lieu dit de Malavaux dans la faille du puits du Diable à Molles dans le département de l’Allier.
Le 5 juillet 1945, la cour d’appel de Riom annule le jugement d’Octobre 1940 et réhabilite Jean Zay à titre posthume.
Le 15 mai 1948 il est inhumé au cimetière d’Orléans. Le 27 mai 2015 ses cendres sont transférées au Panthéon.
Ce court résumé ne prétend pas restituer la vie dense et fiévreuse qui fut celle de Jean Zay. Ces quelques lignes ne sauraient résumer la vie de celui qui fut un Franc-maçon en politique, celle d’un homme dont les convictions et la rectitude morale donnèrent à son engagement politique la hauteur de vue d’un authentique républicain.
Jean Zay était fils de maçon et fut même élevé au grade de compagnon en même temps que son propre père. Initié à la RL Etienne Dolet à l’Orient d’Orléans, il fut un maçon engagé dans la vie de sa Loge dont il occupa le plateau d’Orateur.
Son œuvre politique fut consacrée entièrement à cette volonté d’améliorer l’homme et la société qui est si chère aux francs-maçons. Cette ambition trouva à s’exprimer dans la prolongation de la scolarité obligatoire de 13 à 14 ans, la création des bibliothèques mobiles pour tous, dans la mise en place du collège unique en imposant le même programme au primaire supérieur et au premier cycle du 2nd degré, dans sa volonté de démocratiser la haute fonction publique en créant une école chargée de former les futurs hauts fonctionnaires et qui préfigurait la future Ecole Nationale d’Administration. Mais il faudrait aussi évoquer le projet de création du C.N.R.S. ainsi que celui du festival de Cannes.
Jean Zay fut l’artisan infatigable d’une démocratisation de la société par le savoir, convaincu qu’il était de la puissance émancipatrice de la connaissance et de la culture. Le progrès par l’éducation fit de lui le digne descendant de Condorcet. Mais Jean Zay faut aussi le militant de la justice sociale. De telles ambitions politiques étaient bien sur le fond des ambitions maçonniques.
Le Président de la République associa dans son hommage Jean Zay à la laïcité. Comment ne pas constater l’actualité des circulaires ministérielles de 1936 et 1937 qui mettaient alors en garde contre la propagande politique et religieuse à l’école ? Elles semblent avoir été écrites pour les temps présents et nous rappellent que la laïcité déjà était le seul ciment possible d’une société à l’abri des injonctions dogmatiques de toute nature.
La réclusion de Jean Zay fut celle de la République, une République bâillonnée, puis assassinée, cette République dont Jean Zay fut le martyr parce qu’il était juif, franc-maçon et radical-socialiste.
A un moment où la République est de nouveau malmenée, il est important pour les Francs-Maçons du G.O.D.F. de s’inspirer de l’engagement de Jean Zay, des convictions qui étaient les siennes. Son combat pour l’école est encore le nôtre, l’école lieu du savoir où apprendre veut dire d’abord comprendre ; l’école sanctuaire où se fabrique l’éthique républicaine sans laquelle la République n’est qu’un mot périssable ; l’école lieu de la transformation à venir de la société, lieu d’une révolution sans violence, une révolution qui prétend élever l’individu et non l’asservir ; une école toujours à refonder car si son ambition reste la même aujourd’hui qu’hier, encore faut il qu’elle sache comprendre que le monde change.
Jean Zay fut un ministre bâtisseur. Aussi au nom du G.O.D.F. je suis particulièrement fier d’inaugurer cette stèle en présence de Catherine et d’Hélène les filles de Jean Zay. Je profite de ces instants pour rendre hommage au concepteur de la stèle, le sculpteur Henri Jean. Qu’il soit remercié pour la créativité dont il a fait preuve. Son œuvre vient donner à notre Hall la solennité dont la franc-maçonnerie doit savoir s’entourer lorsqu’elle se tourne vers ceux qui peuvent être regardés comme ses pères fondateurs.
J’invite désormais Mesdames Catherine Martin-Zay et Hélène Mouchard-Zay à m’accompagner pour dévoiler cette stèle.
Ce faisant, je vous remercie de votre attention.
Discours de Daniel KELLER, Grand Maître, Président du Conseil de l’Ordre
Lors de l’hommage rendu à Pierre Brossolette à Troyes le 12 juin 2015
Monsieur le Maire adjoint,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Madame Anne Brossolette Branco,
Madame Isabelle Brossolette Branco,
Monsieur Miguel Brossolette Branco,
Mes Très Chères Sœurs et mes Très Chers Frères,
Chers amis,
Mesdames et Messieurs,
Lors de la cérémonie de Panthéonisation du 27 Mai dernier, la République a rendu hommage aux Francs-Maçons que furent Jean Zay et Pierre Brossolette, deux figures exemplaires du combat pour la liberté, réunis dans un destin tragique par-delà la différence de leur chemin de douleur. C’est pour Pierre Brossolette que nous sommes aujourd’hui réunis à Troyes, sur cette place qui rappelle l’homme qu’il fut.
Pierre Brossolette est un homme dont l’engagement maçonnique fut précoce. Il fut initié à la G.L.D.F. dans la RL Emile Zola le 3 Juin 1927, à 24 ans. Loge dans laquelle il devint Maître en 1930, où il occupa des fonctions, Loge qu’il représenta au Convent de son Obédience. Méditons en ces instants la précocité de cet engagement dans une époque où la jeunesse ignore trop souvent ce qu’est la franc-maçonnerie.
L’engagement de Pierre Brossolette dépassa les contingences obédientielles. Candidat aux législatives dans l’Aube en 1936, il s’affilie peu après dans une Loge du G.O.D.F., L’Aurore Sociale, à Troyes, montrant par la même son attachement aux principes fondateurs de la Franc-Maçonnerie, soucieux avant tout de conjuguer l’engagement maçonnique et l’engagement profane comme si ces deux engagements n’étaient que les deux faces d’une même cause, car ils ne sont que les deux faces d’une même cause.
La Franc-Maçonnerie est fille des Lumières, elle voue un culte à la Raison, mais c’est aussi un ordre initiatique qui essaie de comprendre la nature humaine dans toute sa complexité, raison et passion, réflexion et sentiment pour forger une éthique de l’engagement.
Alors qu’il est un combattant de l’ombre, Pierre Brossolette n’abandonnera pas cette réflexion sur la complexité de la nature humaine. Réfléchissant à la pensée de Marx, il dira qu’elle est un aboutissement du rationalisme en soulignant que les passions matérialistes n’étaient pas le seul moteur de l’individu. Il y a dans tout homme un élément passionnel irréductible sans lequel on ne peut comprendre les grands sursauts individuels et collectifs.
Ecrivant ceci, dans des cahiers non retrouvés, en 1943, au cœur de la nuit du combat, Pierre Brossolette mit en abîme l’engagement qui fut le sien, le choix qu’il fit d’œuvrer à l’honneur de la France, de s’engager au péril de sa vie. Sa réflexion englobait aussi l’audace de toutes celles et de tous ceux qui choisirent l’honneur au péril de leur vie plutôt que leur vie au péril du déshonneur. Pierre Brossolette fut en cela un vrai maçon, un maçon que nous avons tous dans notre temple intérieur. Il en est la figure solaire foudroyée par la tragédie de l’Histoire. Comment ne pas entendre avec émotion, au vu du destin qui fut le sien, lors de notre initiation en tant que Franc-Maçon, l’énoncé de la formule selon laquelle on préfèrerait avoir la gorge tranchée plutôt que de révéler les secrets qui nous ont été transmis ?
Ces maximes à résonance symbolique paraissent parfois grandiloquentes, elles renvoient à une histoire où la réalité et le mythe s’entremêlent, mais Pierre Brossolette nous rappelle qu’elles constituent l’éthique du Maçon.
La Maçonnerie commande aussi de répandre en dehors du temple les vérités qu’on y acquiert. Cette formule répétée à l’issue de chaque tenue n’a parfois hélas qu’une portée rituellique. Sachons nous regarder dans le miroir pour mesurer la consistance qu’on lui donne au long de notre existence. Mais là encore le destin de Pierre Brossolette nous rappelle que ce travail peut aller jusqu’au risque de soi et que parfois il doit aller jusqu’au risque de soi. C’est ce qui fait un homme droit, debout, non pas un homme de légende, mais un homme d’action ici et maintenant. Brillant élève qui fut reçu major au concours de l’Ecole Normale Supérieure et fut agrégé d’Histoire, Pierre Brossolette préféra la dure exigence de l’action aux cimes silencieuses de la pensée.
Comme journaliste, dénonçant la guerre d’Espagne, répétition macabre de la catastrophe à venir, les accords de Munich qui virent déjà triompher l’esprit de capitulation, défendant la SDN, un projet de francs-maçons, commentateur lucide qui alertait avant les autres que l’impuissance et le renoncement des démocraties pavaient le sentier du malheur.
Comme soldat, mobilisé en Août 1939, il fit face à l’ennemi, fit preuve de courage pour maintenir l’unité de ses troupes au pire moment de la débâcle. Au milieu de celle-ci, Pierre Brossolette eut toujours la volonté de sauver sa compagnie et il y parvint.
Il fut décoré de la Croix de Guerre que le régime de Vichy, ce régime de l’indignité sans nom, devait rapidement lui retirer.
Comme résistant, Pierre Brossolette fut un combattant de la première heure quand dans l’hiver 40-41, il rencontra le groupe du Musée de l’Homme où il retrouva Jean Cassou, Agnès Humbert, Maurice Abraham, Jean Duval et tant d’autres.
Cet engagement honore la Franc-Maçonnerie car ce fut un engagement de conviction où se conjugait la conscience immédiate du désastre et l’espoir infatigable de la victoire. L’espérance fait le maçon à condition qu’elle soit liée à l’action. La truelle dans une main, l’épée dans l’autre. Tel un chevalier le Franc-Maçon avance pour délivrer le monde de la souffrance et de l’oppression. Pierre Brossolette fut ce grand Connétable allant au devant du danger sans redouter le sacrifice de soi, semblant même l’avoir accepté si ce n’est le revendiquer, comme si son martyr devait être le creuset de la rédemption de la Nation.
Vint rapidement le temps de la résistance active entre Paris et Londres. La volonté de rassembler la résistance intérieure pour l’unifier et préparer l’après guerre. Pierre Brossolette déclarera qu’il ne souhaitait pas être « un rond de cuir de la Résistance » préférant le combat au constat. Mais là encore on retrouve le Franc-maçon toujours soucieux de rassembler ce qui est épars, de rassembler tous ceux qui sans la Franc-Maçonnerie se seraient ignorés.
La volonté de restaurer la République ne l’a jamais quitté, par patriotisme, par sens de l’humanisme, par certitude que l’humanité ne pouvait définitivement sombrer.
Maurice Schumann dira de Pierre Brossolette : « avant lui, je croyais à la flamme de la Résistance, après lui je crus à sa force ». Créer la France Nouvelle, là encore il s’agit de l’œuvre d’un maçon, la volonté de bâtir une société où tous les hommes et toutes les femmes pourraient enfin vivre en paix et en harmonie.
Telle était l’étoile flamboyante de Pierre Brossolette, l’incarnation de la République universelle à laquelle nous croyons et qui devait conduire à ne pas laisser renaître « la France comitarde d’hier ». La France Combattante était le cœur, le sanctuaire d’où cette France Nouvelle devait naître. Pierre Brossolette en était le héraut, il fut dans son combat le centre de l’union que l’on cherche en franc-maçonnerie.
S’il fut radié de la fonction publique parce que franc-maçon, il fut pour l’honneur de la France résistante, Compagnon de la libération en 1942, avant d’intégrer le Conseil de l’Ordre de la Libération, puis le Conseil National de la Résistance. Le Général de Gaulle lui attribua la Croix de guerre pendant que Vichy lui retirait la nationalité française.
A lui seul Pierre Brossolette syncrétise dans son destin le conflit des deux France, la France qui pourchassa la République, les Francs-maçons et les juifs, pensons en ces instants à Jean Zay, et auxquels elle n’eut de cesse de faire payer leur engagement, cette France qui ne cessa de le traquer, mais aussi cette France de lumière, la France combattante. « L’Histoire un jour dira ce que chacun d’eux a dû devoir accomplir pour retrouver dans la France combattante son droit à la mort et à la gloire » dit dans cet esprit Pierre Brossolette dans un discours à l’Albert Hall à Londres en 1943.
Lors d’une rencontre qui devait être la dernière, Pierre Brossolette dit à sa sœur, conscient de la fin tragique qui serait vraisemblablement la sienne, « on voudra me faire parler… le mieux est que je disparaisse avant même qu’on m’interroge : j’en ai les moyens ! ».
C’est dans la tentative malheureuse de gagner les côtes anglaises dans la nuit du 2 au 3 Février 1944, que Pierre Brossolette eut rendez vous avec son destin. Une traversée manquée, une arrestation de routine, allaient être les stations de son martyr à un moment où les beaux quartiers parisiens avaient été transformés en lieu de torture.
La franc-maçonnerie recherche la vérité, sans concession, elle est notre boussole, elle nous rappelle qu’être Franc-Maçon c’est avoir le sens élevé de l’intransigeance. Lors d’une manifestation commémorative à la Sorbonne, le 22 Mars 1945, René Pléven, Ministre des Finances, qui fut son ami déclarait : « Je n’ai jamais connu Brossolette acceptant un compromis avec ce qu’il croyait juste ou vrai ». Aucune préoccupation d’intérêt ne l’a jamais fait dévier de ce qu’il croyait la bonne voie ».
En ces temps où la République connaît des tensions, où le destin semble hésiter, à un moment où les Français semblent prompts à nouveau à se diviser, à oublier que ce qui les unit est plus fort que leurs éternelles querelles, il n’est pas inutile de rappeler la figure de Pierre Brossolette. Il n’est pas un simple mot d’or sur nos places, son souvenir ne doit pas s’effacer car c’est dans la conscience toujours vive et présente de l’action de ceux qui ont fait la France que notre pays saura trouver le chemin de lumière qui doit être le sien.
Au nom de tous les Frères et de toutes les Sœurs réunis dans cette chaine d’union impérissable qui nous unit à tous nos Maîtres vénérés qui nous ont précédés hier, je veux exprimer l’infini sentiment de reconnaissance et d’humilité que nous inspire encore aujourd’hui la vie et l’œuvre de Pierre Brossolette, une vie et une œuvre de combat consacrée à la France et à la République.
Vive la République ! Vive la France !
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Appel lancé par le magazine Marianne le 1er juillet 2015 en faveur de la Grèce
Daniel KELLER, Grand Maître du Grand Orient de France, est signataire de l’appel lancé par le magazine Marianne le 1er juillet 2015 en faveur de la Grèce : « Sauver la Grèce, c'est sauver l'Europe ».
Sauver la Grèce, c'est sauver l'Europe
Mercredi 01 Juillet 2015 à 12:00
Magazine Marianne
"Marianne" lance un appel, signé par une quarantaine de personnalités politiques et intellectuelles, à l'attention des gouvernements et des dirigeants des institutions européennes. Car si nous n'y prenons pas garde, il faudra peut-être bientôt ramasser deux cadavres : celui de la Grèce mais aussi celui de l’idée européenne. Lisez-le, signez-le et partagez-le
La Grèce : onze millions d’habitants, 2 % du PIB européen, 4,8 millions de chèvres, une destination de vacances rêvée... Et, depuis le week-end dernier : l’objet d’une vive émotion, d’une solidarité. À table en famille, dans les discussions impromptues au kiosque à journaux, dans les digressions de machine à café : on parle des Grecs et, souvent, on soutient les Grecs. On les soutient contre une Europe qui persiste et signe dans une politique d’airain, qui n’a jusqu’à maintenant pas porté ses fruits et qui semble devenue sourde à l’expression des peuples.
La France a connu cela en 2005. Consultés par la voie d’un référendum, les citoyens avaient rejeté le traité constitutionnel européen. Et pourtant, à Bruxelles, on avait fait peu de cas de cette expression souveraine. C’était il y a dix ans. Depuis, nous n’avons cessé d’en payer le prix. Quelle est la part de ce passage en force dans l’étiolement de l’idée européenne, dans nos niveaux d’abstention électorale historiques ou dans la désaffection amère à l’égard nos représentants politiques ?
Aujourd’hui, avec le cas grec, l’Europe est devant son heure de vérité : elle ne se relèverait pas d’un tel déni de démocratie. C’est ce que ressentent beaucoup d’Européens, quoi qu’ils pensent de la responsabilité des dirigeants grecs et de la nécessité de mettre en place des réformes structurelles. C’est une émotion qui transcende les clivages, et les signataires de notre appel le prouvent.
Bien sûr, nous avons essuyé quelques refus – certains, qui sont pour la fin de l’euro, trouvaient notre texte « petit bras » ; d’autres l’approuvaient en off mais ne voulaient pas publiquement s’éloigner de la ligne du parti... Mais beaucoup, donc, ont répondu présent : ils ne pensent la même chose ni d’Alexis Tsipras, ni de l’euro, ni des politiques économiques à mener, mais tous se retrouvent autour de la défense de l’expression démocratique sans laquelle il n’y aura plus d’idéal européen.
Anne Rosencher
L'appel de "Marianne"
SAUVER LA GRÈCE, C'EST SAUVER L'EUROPE
Qu’on y prenne garde : au-delà du cas grec, de la responsabilité des dirigeants de ce pays et de la nécessité d’y mettre en place des solutions structurelles, c’est l’idéal européen même qui est aujourd’hui en question.
Si les opinions retiennent de cette crise que l’expression démocratique d’un peuple ne compte pour rien et que des institutions aveugles sont seules habilitées à imposer, par-dessus la tête du citoyen, des solutions quasiment non négociables même si elles ont échoué dans le passé, l’image de l’Europe n’y survivra pas. Et il faudra ramasser deux cadavres : celui de la Grèce et celui de l’idée européenne…
>>> Les premiers signataires :
Michel Aglietta, économiste, professeur à l’université Paris-X
Guillaume Balas, eurodéputé PS
Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale
Jean-Luc Bennahmias, président du Front démocrate
Karine Berger, députée PS des Hautes-Alpes
Dominique Besnehard, comédien et producteur
Philippe Besson, écrivain
Jean de Boishue, ancien ministre, ancien conseiller de François Fillon à Matignon
David Cayla, économiste
Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du Parti socialiste, député de Paris
Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre, président de République moderne
Benjamin Coriat, économiste, professeur à l’université Paris-XIII
Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts, vice-présidente de la région d’Ile-de-France
Philippe Doucet, député PS du Val-d'Oise
Julien Dray, vice-président PS de la région Ile-de-France
Cécile Duflot, ancienne ministre, députée EELV de Paris
Nicolas Dupont-Aignan, député, président de Debout la France
Aurélie Filippetti, ancienne ministre, députée PS de Moselle
Cynthia Fleury, philosophe
Jacques Généreux, économiste et essayiste
Henri Guaino, député LR des Yvelines
Jérôme Guedj, conseiller départemental PS de l’Essonne
Benoît Hamon, ancien ministre, député PS des Yvelines
Yannick Jadot, député européen EELV
Jean-François Kahn, journaliste, cofondateur de Marianne
Daniel Keller, grand maître du Grand Orient de France
Chaynesse Khirouni, députée PS de Meurthe-et-Moselle
Catherine Kintzler, philosophe
François Lamy, député PS de l'Essonne
Pierre Larrouturou, conseiller régional d’Ile-de-France, fondateur du parti Nouvelle Donne
Pierre Laurent, secrétaire national du PCF
Anne Lauvergeon, PDG d'ALP
Corinne Lepage, présidente de Cap 21 le Rassemblement citoyen, ancienne députée européenne
Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice PS de Paris
Joseph Macé-Scaron, directeur de la rédaction de Marianne
Dominique Méda, philosophe
Jean-Pierre Mignard, avocat au barreau de Paris
Arnaud Montebourg, ancien ministre, vice-président d’Habitat
Pierre-Alain Muet, député PS du Rhône
Christian Paul, député PS de la Nièvre
Jean-Vincent Placé, sénateur de l’Essonne, président du groupe écologiste au Sénat
Barbara Pompili, députée de la Somme, coprésidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale
Roberto Romero, vice-président PS de la région Ile-de-France
François de Rugy, député de Loire-Atlantique, coprésident du groupe écologiste à l’Assemblée nationale
Danièle Sallenave, écrivain, membre de l’Académie française
Thomas Piketty, économiste, professeur à l’Ecole d’économie de Paris
Rama Yade, ancien ministre, conseillère régionale UDI d’Ile-de-France
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Participation du GODF à la réunion de haut niveau organisée par la Commission Européenne sur la base de l'article 17 du Traité de Lisbonne
La Commission réunit des organisations non confessionnelles pour discuter sur le thème «Vivre ensemble et surmonter les différences»
Bruxelles, 02 juin 2015
Aujourd’hui Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne, a accueilli une réunion de haut niveau avec onze représentants d’organisations philosophiques et non confessionnelles de toute l'Europe. Cette sixième reunion annuelle de haut niveau a donné lieu à une discussion sur le thème «Vivre ensemble et surmonter les différences». Elle s’est tenue dans le cadre du dialogue continu avec les églises, les religions et les organisations philosophiques et non confessionnelles organisé en vertu de l’article 17 du traité de Lisbonne.
M. Timmermans a déclaré: «Dans nos societes européennes heterogenes, le dialogue est essentiel pour créer une communauté dans laquelle chacun peut se sentir chez soi. Vivre ensemble signifie pouvoir gérer les différences, meme lorsque nous sommes fondamentalement en désaccord. Grace à leurs contacts avec les citoyens, les organisations non confessionnelles qui se réunissent aujourd’hui peuvent nous aider à trouver des solutions concrètes pour faire face aux défis de societé et à reflechir aux contributions que peuvent apporter les politiques europeennes à cet egard.»
Antonio Tajani, vice-président du Parlement européen chargé de la mise en œuvre du dialogue, a ajouté: «Le dialogue avec les religions et les organisations non confessionnelles joue un role essentiel dans la realisation du projet de paix qui est au cœur de notre Union européenne. Il s'agit d'une condition sine qua non pour comprendre nos differences; nous devons être capables d'etre en desaccord et de vivre ensemble malgré tout.»
Les principaux résultats des reunions de haut niveau alimenteront le premier Colloque annuel sur les droits fondamentaux dans l'UE, qui se tiendra les 1er et 2 octobre 2015. Le thème central du colloque sera «Tolérance et respect: prévenir et combattre l'antisémitisme et la haine envers les Musulmans en Europe».
Lors de cette réunion, les questions suivantes ont été débattues: comment instaurer la confiance entre personnes et entre communautés, comment vivre ensemble et construire une société dans laquelle chaque personne et chaque communauté attachéeaux valeurs fondamentales européennes peut se sentir chez elle et, enfin, comment gérer les différences dans une société hétérogène.
Contexte
Des réunions de haut niveau et des discussions au sein des groupes de travail ont lieu régulièrement entre la Commission européenne et les organisations philosophiques et non confessionnelles, ainsi qu’avec les églises et les associations et communautés religieuses. Le dialogue est actuellement sous la responsabilité du premier vice-président Timmermans. La réunion de haut niveau avec des représentants d’organisations philosophiques et non confessionnelles qui s'est tenue aujourd'hui est la sixième d'une série de réunions qui a été lancée par la Commission en 2009, lorsque le dialogue avec les églises, les religions et les organisations philosophiques et non confessionnelles a été inscrit dans le traité de Lisbonne.
La Commission tiendra sa réunion annuelle avec les responsables religieux le 16 juin 2015.
Elle contribue au développement de l'esprit communautaire en organisant des dialogues comme celui- ci et en apportant un soutien financier à des projets qui favorisent une meilleure compréhension interculturelle, interreligieuse et interconfessionnelle. Dans le cadre du programme «L’Europe pour les citoyens» 2014-2020, la Commission cofinance des projets de sensibilisation aux valeurs de l'UE telles que la tolérance, le respect mutuel et la promotion de la participation de la société civile, pour un budget total de 185,5 millions d’euros.
Le programme «Droits, égalité et citoyenneté» pour la période 2014-2020 soutiendra en 2015 des projets visant à prévenir et combattre l'antisémitisme ainsi que la haine et l’intolérance envers les Musulmans, mais aussi des projets promouvant la mise au point d’outils et de pratiques pour prévenir, surveiller et combattre les discours haineux sur l’internet, notamment par l'élaboration de messages visant à contrer ces discours. Les instruments législatifs et les politiques de l’Union peuvent soutenir l’action aux niveaux national et local. Certaines formes de criminalité inspirées par la haine et de discours haineux sont déjà interdites par la législation européenne, en vertu de la décision-cadre sur la lutte contre le racisme et la xénophobie au moyen du droit pénal; la directive relative au droit des victimes, qui entrera en vigueur en novembre 2015, améliorera sensiblement la protection des victimes de la criminalité; en 2011, le réseau de sensibilisation à la radicalisation a été crée. Le programme européen en matiére de sécurité et le programme de mise en place du marché unique numérique contribueront à la lutte contre les actes criminels inspirés par la haine et à l'amélioration des efforts de prévention et des mesures de déradicalisation.
Plus d’informations
Dialogue de la Commission européenne avec les églises, les communautés religieuses et les organisations philosophiques et non confessionnelles sur la page d’accueil de la direction générale de la justice et des consommateurs consacrée aux droits fondamentaux:
http://ec.europa.eu/justice/fundamental-rights/dialogue/index_en.htm
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De la création des Bourses du Travail à la naissance de la CGT...
Lorsqu'en 1886, le Conseil municipal de Paris prend l'initiative de créer une Bourse du Travail, ce n'est pas sans arrière-pensées. La municipalité met à la disposition des chambres syndicales des bureaux, des salles de réunion et une documentation. Elle espère ainsi placer, au moins partiellement, sous contrôle le mouvement syndical en plein essor.
L'exemple de Paris fait rapidement école à Marseille, Nîmes, Bourges, Saint Etienne, Toulouse, Elbeuf, Agen, Montpellier, Bordeaux...En 1892, on recense 14 Bourses, 40 en 1895, 74 en 1901 et 157 en 1908.
Les syndicalistes ne tombent pas dans le piège, bien au contraire : les Bourses du travail deviennent les bastions des représentants ouvriers soucieux de l'indépendance syndicale par rapport à l'Etat, ainsi qu'aux partis. Contrairement aux guesdistes qui prônent, au moins dans un premier temps la grève générale pour renverser le régime en place, les Bourses du Travail se veulent les héritières des Société de Résistance: c'est au syndicat de décider des grèves et les Bourses du travail doivent assurer la solidarité effective entre les ouvriers. Elles sont le foyer de la vie syndical et le levier de l'action pour défendre les salariés face aux employeurs et au gouvernement.
Réunis en Congrès à St Etienne le 7 février 1892, les syndicalistes créent la Fédération des Bourses du travail. Le Congrès déclare :
"Les Bourses du travail doivent être absolument indépendantes pour rendre les services qu'on en attend. Les travailleurs doivent repousser d'une façon absolue l'ingérence des pouvoirs administratifs et gouvernementaux dans le fonctionnement des Bourses, (ingérence qui s'est manifestée par la déclaration d'utilité publique qui n'a été proposée par le gouvernement que pour nuire à leur développement).
Le Congrès invite les travailleurs à faire les plus énergiques efforts pour garantir l'entière indépendance des Bourses du travail".
Un "service de la mutualité" aide au placement des syndiqués, assure un secours aux victimes d'accidents du travail et aux chômeurs. Les syndicats se multiplient, des bibliothèques sont crées et un enseignement général et professionnel est dispensé aux ouvriers.
Cependant la structure nationale reste fragile, la solidarité s'exprimant d'abord au niveau local, et les ouvriers ne voyagent guère. Pourtant le Congrès de Nantes en Septembre 1894 constituera une étape importante puisqu'il consacrera le principe d'unification syndicale (qui sera officiellement entériné l'année suivante avec la création de la CGT)
Les délégués adoptent deux motions essentielles : "l'indépendance syndicale" et le principe de la "grève générale". Au cours de cette réunion, l'influence de Fernand Pelloutier devait se montrer prépondérante. (Anarchiste militant, il avait par de nombreux articles popularisé l'idée de la grève générale émancipatrice).
L'éloignement entre syndicats et partis politiques qui s'opère à Nantes va de pair avec l'intégration des anarchistes dans les organisations ouvrières. Ces derniers avaient dénoncé les "lois scélérates" de 1884 qui avaient légalisé les syndicats, considérées comme une tentative de récupération du mouvement ouvrier par le pouvoir. A Nantes, ils réaffirment que ce n'est pas la prise du pouvoir qui importe mais sa destruction ! Seul le moyen pour parvenir au but a changé : la grève générale prend le pas sur les actions violentes. (Par la suite, la symbiose de la pratique syndicale et de l'idéologie anarchiste marquera profondément le mouvement ouvrier: de 1895 à 1914, le syndicalisme révolutionnaire sera dominant et marginalisera les tendances collectivistes : "seule la cessation complète du travail ou la révolution peut entraîner les travailleurs vers leur émancipation»).
Dans son "Histoire du mouvement anarchiste en France, l'historien Jean Maitron estime que" le Congrès de Nantes clôt la phase de la subordination de l'économique au politique. Les syndicalistes, secouant la domination dans laquelle les avaient maintenus jusqu'alors les guesdistes, se débarrassent de cette tutelle et affirment leur autonomie".
Trois ans donc après le Congrès de St Etienne, l'impulsion donnée aboutit à la création de la première centrale syndicale, la Confédération Générale du Travail, au Congrès de Limoges, du 23 au 28 Septembre 1895.
Après un débat désordonné, les congressistes déclarent:
" Entre les divers syndicats et groupements professionnels, de syndicats d'ouvriers et d'employés des deux sexes, existant en France et aux colonies, il est créé une organisation unitaire et collective qui prend pour titre : Confédération Générale du Travail".
Les délégués , qui s'appellent encore "citoyen", rassemblés dans l'arrière salle du Café de paris à Limoges pendant les quelques14 séances de travail savaient-ils qu'ils étaient en train de bâtir une organisation unique au monde qui continuera de vivre et porter bien des espoirs plus de 100 après ?
Forte de l'aspiration à l'unité de la base ouvrière, la CGT naissante fédère 18 Bourses du travail, 26 chambres syndicales et 28 fédérations syndicales, soit 300 000 membres sur les 420 000 syndiqués existant à l'époque.
Ouverte à tous, la jeune CGT est alors un conglomérat de différentes organisations verticales et horizontales : unions locales, départementales, régionales, nationales, fédérations d'industries, Bourses du travail... les contours sont mal définis et les ouvriers sont représentés aussi bien au niveau géographique que professionnel et interprofessionnel. Dans cette organisation qui se cherche, Fédération Nationale des Syndicats et Fédération des Bourses du travail restent jalouses de leurs prérogatives. Fernand Pelloutier, dirigeant les Bourses du travail, s'oppose à une direction unifiée.
Il faudra attendre 1901 pour mettre un peu d'ordre avec, entre autre, la nomination du premier Secrétaire Général : l'ouvrier cordonnier Victor Griffuelhes. Les bases sont alors stabilisées et permettent l’équilibre.
Est programmé : " les éléments constituant la CGT devront se tenir en dehors de toutes les écoles politiques. La CGT a exclusivement pour objet d'unir sur le terrain économique et dans les liens d'étroite solidarité, les travailleurs en lutte pour leur émancipation intégrale".
Cette farouche volonté d'indépendance du syndical par rapport au politique est due à deux principaux facteurs. Premièrement les guesdistes ont quitté le mouvement syndical (pour former plus tard avec les marxistes le Parti Ouvrier Français et le Parti Socialiste Unifié). En revanche, la majorité des anarchistes abandonnent l'action directe et le terrorisme.
En 1892, le groupe de Londres (Louise Michel, Malatesta, Kropotkine) appelle les anarchistes à entrer en masse dans les syndicats : l'anarcho-syndicalisme est né....
Les premiers grands dirigeants de la CGT sont presque tous de formation anarchiste : Fernand Pelloutier, Emile Pouget, Yvetot....
Un mois après le congrès de Limoges, Fernand Pelloutier publie un article manifeste dans lequel il défend le développement des idées anarchistes dans les syndicats. Cette influence libertaire aidera assurément la jeune CGT à maintenir son indépendance par rapport à l'Etat et aux partis politiques. Cette indépendance sera codifiée et fortement réaffirmée 11 ans plus tard lors du Congrès d'Amiens, en 1906.
Mais ça, c'est pour plus tard !
JCF
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Une histoire populaire de la laïcité.
Pour une laïcité d’émancipation, par Marceau Pivert.
Préfacé par Eddy Khaldi
mardi 2 juin 2015
Par Bernard Treper
Co-animateur du Réseau Éducation Populaire (REP).
Ce livre (Editions Demopolis 2015, 205 pages, 19 euros) est une réédition du livre de Marceau Pivert de 1932. En lisant ce livre, tous les militants de la laïcité et tous les militants de la gauche de transformation sociale et politique apprendront quelque chose. Car la connaissance de l’histoire des luttes est un impératif catégorique pour mener les bons combats aujourd’hui. La ligne directrice de ce texte est qu’il y a un lien charnel entre le combat laïque, le combat social et le chemin de l’émancipation humaine.
C’est d’abord et avant tout un livre d’histoire des rapports entre l’Eglise et la laïcité dans les luttes sociales en partant des origines jusqu’à l’alliance de la bourgeoisie et de l’Eglise du vivant de Marceau Pivert en passant par le christianisme dans l’Empire romain, le moyen âge , la Réforme, la Révolution française, l’Empire, la Restauration, la loi Falloux, la Commune de Paris, les lois laïques du début de la troisième République. Dans une deuxième partie plus courte, c’est ensuite un travail doctrinal sur le catholicisme social comme idéologie de l’Eglise contre le prolétariat et un travail de clarification entre la laïcité bourgeoise de Jules Ferry, la laïcité ouverte (eh oui, c’était déjà un concept clérical : il a été repris depuis les années 1970 par la Ligue de l’Enseignement, la Ligue des droits de l’homme et la gauche néolibérale, puis par la droite néolibérale avec Sarkozy) de l’abbé Desgranges et bien sûr une conception de la laïcité qu’il qualifie d’émancipation.
L’auteur montre très bien la capacité de la mobilisation de l’Eglise catholique contre la loi de 1905 puis dans sa bataille contre la loi, puis son accommodement lorsqu’elle s’allie avec la bourgeoisie contre le prolétariat. Il explique bien l’action conjointe de la droite, de l’extrême droite et de l’église à partir de 1918 grâce à l’Union sacrée pour reconquérir le terrain qu’ils ont perdu entre 1905 et 1914. On mesure là que l’Eglise a bénéficié de l’assassinat de Jean Jaurès le 31 juillet 1914, lui qui s’opposait à l’Union sacrée…
Il explique en détail la mobilisation massive de l’alliance de la droite, de l’extrême droite et de l’église contre le Bloc des gauches en 1924 contre l’application de la loi de 1905 en Alsace et en Moselle.
Il montre que de tout temps depuis le IVe siècle, l’Eglise a été du côté des puissants contre le mouvement progressiste et contre la volonté du peuple de s’émanciper. Il montre pourquoi les structures religieuses, toutes les structures religieuses, sont des adversaires de la révolution et du progressisme.
Quel beau livre à opposer à la partie actuelle de la gauche et de l’extrême gauche qui accepte les alliances avec les tenants de la doctrine sociale des églises ou avec les islamistes obscurantistes et réactionnaires, car ils pensent que les « musulmans » ont remplacé la classe ouvrière dans le schéma marxiste (en utilisant un mot d’ordre mortel pour le prolétariat : les ennemis de mes ennemis sont mes amis) et que la lutte contre les discriminations a remplacé la lutte des classes devenue obsolète pour eux.
Quelle belle occasion de remarquer que les arguments contre le principe de laïcité d’avant 1932 sont les mêmes aujourd’hui – réactualisés bien sûr avec les mots de notre époque – tant chez les adeptes de la laïcité d’imposture fréquents dans la gauche solférinienne et aussi dans l’Autre gauche, que chez les adeptes de l’ultra-laïcisme anti-laïque de la droite et de l’extrême droite. La reprise des écrits des cléricaux de l’époque permet facilement de faire ce parallèle.
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