Premier Mai, poésie et chanson populaire :
Le 1er Mai, symbole des revendications et de l’émancipation du monde du travail, a en effet inspiré souvent les poètes et les chansonniers révolutionnaires. Pour eux, sa puissante aspiration collective exprime, depuis 1890, la fraternité des âmes et le bonheur universel, une forme de vie qui correspond avec le progrès de la civilisation humaine.
Chaque poème contient la même révolte, la même espérance et le même idéal, une même unité profonde de sentiments et de pensées. Le sens du 1er Mai, c’est, comme l’a dit Jaurès, la victoire du travail, la victoire de la Paix.
Cette poésie typiquement prolétarienne a parfois plus de valeur morale et sociologique que littéraire… le premier poème consacré à la fête du Travail de 1890 est d’un ancien communard ; Eugène Chatelain, qui exalte la grève par laquelle se réalisera la coopération des peuples et la rénovation du monde :
« …la grève se prépare et chaque peuple uni
Ira détruire ses frontières ;
Le drapeau du Travail a déjà réuni
Des populations entières… »
Un plus grand souffle traverse la Marche du premier Mai de Charles Gros,
militant fougueux, animé par une foi vraiment sincère. Son poème a d’abord été chanté en 1890 sur l’air du chant des ouvriers de Pierre Dupont. L’auteur compare la renaissance du 1er Mai à l’éveil de l’esprit prolétarien aux idées sociales nouvelles. Il représente aussi une pensée et une volonté internationales :
« … O premier mai, passant les ondes,
Par-dessus frontières et lois, ton soleil luit sur les deux mondes… »
Et le dernier couplet rappelle que c’est l’action concertée des travailleurs qui assurera leur libération :
« …c’est pourquoi d’un cœur sûr et gai
Comme une fête de l’histoire,
Nous chantons notre premier Mai,
Notre union, c’est la victoire !
Lorsque nous crions : en avant !
Sous notre élan, la terre bouge
Et sur notre front claque au vent
Le grand frisson du drapeau rouge… »
Le massacre de Fourmies (voir pages précédentes) du poète ouvrier Pédron obtint un grand succès : il associe d’abord à l’émancipation et à la concorde des travailleurs du monde entier la revendication de la journée de 8h :
« …Premier mai, date immortelle,
C’est la fête universelle.
Flotte au vent, rouge drapeau
Les peuples n’ont plus de haine,
Ils disent : brisons nos chaines,
C’est huit heures qu’il nous faut !... »
Le 1er Mai est traduit avec plus de réalisme encore par Jean Baptiste Clément.
Sa vive sensibilité, sa conviction éthique et sa fois dans le prolétariat vibrent avec une force particulière ( il mériterait bien que je luis consacre une « page »). Pour lui, le 1er mai incarne la lutte entre le capitalisme et la classe ouvrière pour la conquête de l’égalité des droits :
« …au capital qui parle en maître,
Disons en ce jour de réveil,
A chacun sa part de bien être.
Célébrons, frères d’ateliers,
La fête internationale,
Le premier Mai des ouvriers,
L’aurore de la sociale !
Ca continuera, mangeurs d’hommes !
Ogres gorgés dans vos châteaux,
Vous serez troublés dans vos sommes,
Les détenteurs de capitaux !
Quittant la fabrique ou la forge,
Ils se révoltent, les pillés.
Ils vous feront tous rendre gorge,
Les ouvriers !... »
D’autres poètes vont ainsi évoquer sans fioritures la condition injuste des travailleurs qui sauront un jour défendre leurs droits pour une vie digne d’eux.
A la fin du XIXème siècle, Jaurès avait mené la bataille à la Chambre pour réclamer la réforme de la législation sociale du monde du travail. En même temps, la jeune CGT appelait les salariés à l’action revendicative par la grève générale et des manifestations massives. L’état d’esprit des ouvriers se reflète dans cette chanson tendre et
pathétique : la rouge églantine de Gaston Montéhus ( 1900) :
Beziers 1907: Revolte chanté également par Montéhus
« O ma rouge églantine
Sers nous de ralliement
Ne courbons plus l’échine
Pour nos droits, en avant,
Fleur emblème sublime,
Couleur de notre sang,
Contre celui qui nous opprime,
Les églantiers « en avant »..
Et puis, dans une autre veine : « la cigale des bons bougres» de Gaston Couté :
« C’est le premier Mai. Debout camarades !
Déjà l’avenir se laisse entrevoir :
Ayons confiance.
Après l’hiver le printemps s’avance,
Chassant les corbeaux au triste vol noir.
C’est le premier Mai. Marchons camarades,
Les jeunes rameaux sont couleur d’espoir… »
La plupart de ces poèmes ont été écrits dans le climat révolutionnaire de la fin du XIXème et au début du XXème siècle, ce qui explique leur tournure d’esprit, leur ton souvent exaspéré, leur style direct…ils font l’éloge des ouvriers « qui travaillent durement pour que leurs fils soient fiers, joyeux et ftraternels », écrit Maurice Magredans son hymne au Travail.
Mais le plus mélodieux et émouvant des poèmes écrits sur la fête du Travail est peut-être( pour moi) le chant du Premier Mai, composé en 1918 par Marcel Martinet, poète tourmenté, empli de mélancolie et d’amertume :
« …Premier Mai, Premier Mai, fête de la lumière,
Fête des travailleurs, ô fête de la vie,
Ouvriers, paysans, soldats, tous ceux du monde,
Compagnons, quand voudrez vous ?
Premier Mai, les choses naissent
Toutes neuves, compagnons,
C’est la fête de la vie,
Les blés sont verts, l’oiseau chante,
Aujourd’hui c’est Premier Mai
Ah compagnons, quand voudrez vous ? »
N’y a-t-il pas dans ce poème une musicalité du verbe qui fait que la beauté des sentiments et l’intensité des pensées frappent par leur résonance ?
A travers cette nouvelle évocation du Premier Mai, j’ai cherché à montrer qu’il incarnait, et qu’il incarne toujours, l’espérance, la générosité et l’élévation des âmes .
Enfin, je reste persuadé que seules des idées pures et fortes sauveront l’humanité de son désarroi et la libéreront de sa torpeur.
Pardon pour tous les poètes que je n’ai pas honoré.
JCF
Martinet poète
Gaston Couté chansonnier de Montmartre
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Le Grand Maître,
Président du Conseil de l'Ordre
Allocution à la Tenue mémorielle de la R∴L∴France Arménie 24 Mai 2015
VV∴MM∴en chaire,
VV∴MM∴ à l’Orient,
Dignitaires des Obédiences amies,
Mes TT∴ CC∴FF∴Conseillers de l’Ordre,
C’est à un moment particulièrement solennel que la Loge France Arménie nous a conviés en ce midi. Il y aura cent ans dans quelques jours, le peuple arménien empruntait malgré lui le chemin de la mort. Ce fut d'abord le dramatique destin des conscrits qui servaient dans l'armée puis ce fut le tour des élites civiles avant que la population des anonymes ne subisse enfin le même sort. Triste cortège de martyrs, victimes d’une fatalité qui fut un supplice, boucs émissaires d’une haine aveugle annonciatrice de la longue théorie des exterminations qui resteront la marque tragique du XXème siècle.
De mars 1915 à février 1916 l’extermination implacable, systématique et méthodique de tout un peuple vint ajouter au malheur de l'humanité par delà les atrocités de la Grande Guerre qui sévissait alors. Nos frères et amis arméniens connurent les exécutions sommaires, l’asservissement du travail forcé, la déportation et comme épilogue d’une longue souffrance l’anéantissement des enfants.
Plus d’un siècle après ces tourments, alors que les témoignages s’estompent et font place au travail mémoriel, en ce jour qui nous réunit comment ne pas évoquer la mobilisation spontanée des Francs-Maçons pour la cause arménienne, mobilisation où nous retrouvions au premier rang les membres de la jeune loge France Arménie ? Ma pensée se tourne notamment vers notre Frère Aroutunian qui dès 1920 interpellait le Convent du Grand Orient de France. Comment ne pas entendre les déclarations d’alors rappelant l’attachement des Francs-Maçons à l’Arménie considérée comme « le trait d’union naturel entre l’Orient et l’Occident » et soulignant alors que « la question de l’Arménie au G.O.D.F. était sainte et sacrée et hors de discussion » ?
Il faut bien entendu faire la part de la position de nos Frères d’alors souvent plus prompts à regarder l’avenir avec espoir qu’à faire l’inventaire de la tragédie qui venait d’avoir lieu. Ils exprimaient le vœu que l’avenir de l’Arménie soit placé sous la garantie de la SDN. On sait ce qu’il en fut. Et puis vint aussi le temps de l’oubli.
Néanmoins le G.O.D.F., dans une période plus proche de nous, a su réaffirmer son soutien à la cause arménienne. Je pense au message fraternel adressé par le Grand Maître Philippe Guglielmi lors du 80ème anniversaire de la Loge France Arménie à notre Frère Jacques Balian et demandant qu’il soit rendu justice aux arméniens. Il rappelait alors que la République française ne pouvait que s’enorgueillir qu’après tous les massacres et déportations subis, vos ancêtres et vous-mêmes ayez si bien servi notre pays. Je pense également aux positions exprimées par le G.O.D.F. devant la Grande Loge Libérale de Turquie avec laquelle nous entretenons des relations fraternelles, par la voix du Grand Maître Jean Michel Quillardet en 2007 sur la reconnaissance de l’extermination dont le peuple arménien fit l’objet, sans qu’il s’agisse pour autant de vouloir culpabiliser le peuple turc d’aujourd’hui.
L’histoire n’est pas un tribunal mais elle sert à comprendre et son rôle est de permettre le rapprochement des peuples.
L’histoire ne doit pas être l’instrument de la politique, elle n’a pas vocation à régler les problèmes d’aujourd’hui en prenant le passé en otage ; elle doit au contraire régler les divisions d’hier pour libérer le présent et l’avenir.
Affronter l’histoire est un processus encore plus douloureux quand il n’est pas le fruit d’un partage, d’une mutuelle reconnaissance où la contrition et le pardon ne sont que les deux faces d’une seule et même réconciliation.
A un moment où le chaos semble s’installer sur les marches de l’Orient, il est encore plus urgent de restaurer l’esprit de concorde sans lequel la haine engendrera toujours plus de conflits. Il est impératif de restaurer des espaces de stabilité à partir desquels la paix pourra regagner du terrain. Plus que jamais le rôle de trait d’union qui est le vôtre, doit être la vocation de l’Arménie de demain. Une telle mission ne pourra se concevoir que sur la base d’une concertation régionale.
Je voudrais souligner la dimension intrinsèquement maçonnique du travail à entreprendre. Il nécessite une prise de distance, de l’écoute, un esprit de compréhension mutuelle, autant de qualités qui font défaut au monde profane.
Il s’agit bien entendu d’un travail qui requiert aussi un sens profond du dépassement de soi, des préjugés et des pesanteurs héritées de l’histoire, une volonté de bâtisseur, l’envie de construire un monde commun qui repousse la confrontation entre le faible et le fort.
C’est pourquoi, dans un monde exposé aux risques de dislocation qui touchent tout particulièrement cette région du monde, le Grand Orient est disponible pour apporter sa contribution à ce qui pourrait être un travail de vérité et de réconciliation retraçant la genèse et les étapes de l’extermination d’une population dans le contexte de la Première Guerre Mondiale qui ensanglanta l'Europe.
Ce travail doit s’appuyer sur les cadres légaux en vigueur.
La France en reconnaissant le génocide arménien dans la loi du 29 janvier 2001 n’a cherché ni à stigmatiser ni à provoquer. Elle a simplement voulu, de manière symbolique, recouvrir du linceul qui lui avait été refusé le million cinq cent mille victimes arméniennes.
Le droit nous saisit également à travers l’instance en cours également devant la CEDH. Dans quelques mois, on en sera un peu plus sur les limites raisonnables qui peuvent être imposées à la liberté d’expression. Mais n’oublions pas que le juge règle le plus souvent des conflits sans toujours être en mesure de produire la concorde.
L’incapacité des hommes à s’entendre reste la principale faiblesse d’une humanité dont nous souhaitons qu’elle s’améliore. Cette ambition n’est pas pour les Francs-Maçons un simple rêve lointain et évanescent. Elle est l’expression d’une volonté de changer le monde à travers des actes dont la dimension symbolique éternise l’action de leurs porte-paroles et grandit l’humanité toute entière. Pensons en ces instants à l’agenouillement de Willy Brandt à Varsovie, à la reconnaissance du rôle de l’Etat Français dans la déportation des Juifs du Vel d’Hiv par le Président Chirac.
Gageons que l’avenir apporte à l’Arménie la paix intérieure et la reconnaissance que son peuple recherche depuis cent ans et puisse le message de fraternité que nous lui adressons rendre à chacun de ses membres, vivants et disparus, la lumière qu’il recherche.
J’ai dit.
Daniel KELLER
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Léon JOUHAUX
Je vous propose de retraçer la vie d’un syndicaliste exemplaire, un grand penseur du mouvement ouvrier : Léon JOUHAUX.
Léon Jouhaux au bureau
En effet, la vie exemplaire passionnée de Léon JOUHAUX se confondit, tour à tour, pendant plu de 50 ans avec les combats âpres et durs pour la liberté et l’indépendance syndicale, avec des défaites passagères, l’essor et l’épanouissement en 1936/1937, les crises, les scissions, les drames, la dissolution pendant l’occupation et la renaissance des organisations syndicales après la libération.
Il avait pris d’abord, comme simple militant de la « vieille » CGT, part à toutes les grèves et manifestations, aux négociations paritaires du monde du travail (dans les milieux syndicaux, on dit souvent que les droits sociaux aujourd’hui inscrits dans la législation, arrachés au patronat et aux gouvernements, n’auraient pu être obtenus dans ses interventions vigoureuses et efficaces !).
Il est né le 01 Juillet 1879 dans un milieu ouvrier plein de souvenirs révolutionnaires : son grand père avait été fusillé pendant les journées de Juin 1848, son père, employé dans une fabrique d’allumettes, était tambour de la Commune.
A 12 ans, il doit quitter l’école à cause d’une grève, et part travailler dans une manufacture de savonnerie. Ainsi, très jeune, il découvre les servitudes du travail et prend conscience de « l’injustice sociale ». a la suite d’une bagarre où fut mêlé l’anarchiste Libertad) il est arrêté et condamné à 3 mois de prison. Il est alors fiché par la police comme « individu dangereux » et contraint de quitter la manufacture…
Révolté contre la société bourgeoise et la morale du régime capitaliste fondée sur le profit à tout prix, il entre au Cercle Libertaire et devient militant du syndicalisme révolutionnaire.. Doué d’une vive intelligence et d’une remarquable mémoire, il s’instruit en autodidacte, en chômage forcé, en dévorant les ouvrages de Proudhon et Pelloutier, ses véritables »maitres à penser ». Il s’inspirera toute sa vie de leur philosophie et de leur éthique syndicale selon lesquelles : « chaque individu doit conquérir sa liberté par son effort, sa propre culture, le progrès de ses connaissances, son action raisonnée et personnelle ».
En 1906, il représentait la Bourse du Travail d’Angers à la CGT et en devient le président en 1909 (il avait alors 30 ans). Sa préoccupation, après les résolutions de la charte d’Amiens de 1906, était de ne pas aliéner la doctrine syndicale à une idéologie politique, défendant le principe que l’indépendance doit toujours être liée à la destinée d’un syndicalisme libre.. Cette conviction restera inébranlable jusqu’à sa mort.
Comme on l’a déjà vu, à la veille de la guerre de 1914, la CGT s’engagea dans une lutte antimilitariste. Il était profondément pacifiste, mais, après l’assassinat le 31 juillet de Jaurès, il modifia son attitude, face aux évènements dramatiques du conflit mondial, pour servir son pays, préserver les organisations ouvrières. Il accepta de collaborer avec le gouvernement pour participer à la « mobilisation économique » afin de défendre les intérêts ouvriers.
Cette position lui valut quelque temps plus tard une forte divergence avec la minorité communiste à l’intérieur de la CGT. La CGT est divisée, déchirée et malgré ses efforts une scission interviendra au Congrès de Lille en 1921. Tout d’abord affaiblie, mais débarrassée des « minoritaires », elle retrouvera peu à peu sa puissance et son autorité auprès de la classe ouvrière.
Léon Jouhaux avait créé le Conseil Economique du Travail dont la première tâche était de définir les principes fondamentaux de la nationalisation industrialisée, et le but de « procurer aux consommateurs le maximum d’utilité et d’économie ». (oui, le premier C.E.T était une manifestation de l’effort constructif de la vieille CGT !).
Entre 1929 et 1935, nous avons vu que la France traversait une grave crise économique, avec un chômage atteignant des proportions considérables. Léon JOUHAUX proposa un plan de rénovation économique dont le gouvernement Léon BLUM s’inspirera deux ans plus tard pour la création d’une législation ouvrière toute moderne (les accords Matignon de 1936)
Léon JOUHAUX représenta la France dans l’élaboration de la Charte Internationale du Travail et fut membre de la délégation ouvrière du B.I.T (dans cet organisme mondial, il lutta avec force contre l’admission des pays fascistes et totalitaires).
Après la débâcle de 1940 et la destruction de la CGT, JOUHAUX entra dans la clandestinité. Il fut arrêté en décembre 1941 par les autorités de Vichy et déporté en Allemagne en 1943, d’abord au camp de Buchenwald (où il retrouvera BLUM et DALADIER) puis une annexe du camp de Dachau (avec DALADIER). A sa libération en 1945, il reprit aussitôt sa place à la CGT (renaissante) et au B.I.T. Il fut aussi désigné délégué adjoint de la France à l’assemblée générale des Nations Unies. En 1947, il fut élu Président du Conseil Economique.
1947 est, souvenons nous, marquée par la pauvreté, la pénurie, l’agitation c’est aussi l’année de l’offensive du Kremlin et les débuts de la guerre froide. A l’est, seule la Tchécoslovaquie résiste encore. Les américains ripostent en lançant la doctrine Truman en mars 1947… Le 8 mai, les communistes sont chassés du gouvernement français…Le 5 Juin, Washington lance le plan Marshall, que Staline refuse 3 semaines plus tard, suivi naturellement par le PC et la partie de la CGT qu’il contrôle.
Le 24 Juillet, Léon JOUHAUX annonce dans le journal FORCE OUVRIERE (créé en 1945 pour remplacer « résistance ouvrière », journal clandestin lancé en 1943 par des militants CGT en lutte contre Vichy et l’oppresseur): « le plan Marshall peut offrir une base positive à la reconstruction d’une Europe unie. s’il devait attenter à la souveraineté nationale des différents pays européens en plaçant leur économie sous l’hégémonie de l’Amérique, il devrait être combattu…c’est dans ces conditions que le plan permettra la réalisation de la reconstruction d’une Europe unifiée dans laquelle toutes les nations trouveront leur place, à l’exception des blocs antagonistes». Mais, minoritaires, les « amis de FO » ne peuvent empêcher la CGT de rejeter le dit-plan. Et le PCF lance alors la CGT dans une série de grèves dans le but d’imposer son retour au gouvernement et de faire prendre une orientation pro-soviétique à la diplomatie française.
Les militants non communistes commencent à quitter la centrale syndicale plus de 15000 départs sont enregistrés), et certains à créer des syndicats autonomes. Avec ces départs, le groupe « Force ouvrière » ne sent pas assez fort pour réussir une contre offensive interne : en décembre de cette même année, il décide donc de partir et créer une nouvelle confédération syndicale. Pour sauvegarder l’indépendance et la liberté syndicale, n’acceptant plus la « machine à broyer communiste » (voir mes pages précédentes) gangrénant l’organisation, Léon JOUHAUX et ses amis fondent la CGT- FORCE OUVRIERE afin de « défendre la case de l’humanité qui ne se sépare pas de la cause du syndicalisme ». Le 18 décembre 1947, la salle de la Société nationale des horticulteurs à Paris fut le théâtre d’une mort, celle de l’ancienne CGT, et d’une naissance, celle d’une nouvelle organisation !
Cette fracture n’est pas une rupture avec la tradition syndicale française, elle s’inscrit dans l’historique volonté des syndicats par rapport aux partis politiques, aux organisations confessionnelles et à l’Etat.
Les communistes étant restés maîtres de l’Immeuble de la rue Lafayette, de la trésorerie, de l’appareil administratif, c’est à partir de rien que JOUHAUX ( et son ami BOTHEREAU) vont reconstruire l’organisation qu’ils revendiquent comme « l’héritière de la charte d’Amiens ».
Les 12 et 13 Avril 1948, se tenait le congrès constitutif de la CGT-FO (mon père en faisait partie..) qui porta JOUHAUX à sa présidence. Les congressistes se posaient en continuateurs de la vieille CGT, c’est pourquoi ils intitulèrent ce congrès « 33ème congrès corporatif ». Ils votèrent leur adhésion au plan Marshall pour « que les usines ne s’arrêtent pas, que le chômage régresse, et dans la mesure où le syndicalisme international veillera sur l’application du plan ». Ne disposant de rien, la nouvelle centrale bénéficiera d’aides financières des syndicats américains
Le prix Nobel de la Paix qui lui fut décerné en 1951 couronnait enfin 50 années de luttes courageuses pour l’établissement de la paix mondiale.
Durant ses combats syndicalistes d’un demi-siècle au service de la classe ouvrière, JOUHAUX n’a jamais rien renié de son idéal de justice sociale et de paix universel. Il a maintenu l’existence du mouvement ouvrier dans ses étapes successives de développement en lui conservant les traditions qui avaient fait sa grandeur, notamment l’exigence de liberté et la dignité de la personne humaine ;
Dès lors, et jusqu’à son dernier souffle, le 28 Avril 1954, il a consacré ses forces à « éduquer la classe ouvrière pour la rendre capable de prendre en mais, plus tard, la gestion de la société ».
On dit que Léon JOUHAUX était Franc Maçon : rien d’étonnant eu égard à la personnalité de l’homme, à ses engagement et ses combats… mais je n’ai (malheureusement) rien qui me permette de confirmer cela.
JCl.F
La tombe de Léon Jouhaux
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Avril 1989 à Pékin : « Le printemps chinois »
Les plus anciens se souviennent certainement de cette image saisissante, qui a fait le tour du monde, d’un homme seul arrêtant une colonne de chars.
Elle symbolise ce désir de liberté de millions d’individus écrasés depuis une quarantaine d’années par la dictature maoïste.
Le 15 Avril 1989, Hu Yao Bang, secrétaire général du parti communiste chinois, limogé en 1987 pour « réformisme », meurt. Deux jours plus tard, des étudiants pékinois manifestent en son souvenir et réclament sa réhabilitation posthume. Le 19, ils se retrouvent devant le siège du PC d’où ils sont violemment dispersés par la police. Ils se déplacent alors vers la place Tien An Men qu’ils occupent.
Le 25 Avril, les étudiants fondent une organisation indépendante, alors que le PC parle de « complot contre le parti communiste et le système socialiste » ; les manifestations reprennent, et le 4 Mai, plus de 300 000 étudiants défilent à Pékin et dans d’autres grandes villes.
Le lendemain, Zhao Ziyang, secrétaire général du PC accepte de négocier. Rien n’y fait, et une semaine plus tard, les étudiants débutent une grève de la faim à Tien An Men.
Le 15 Mai, les manifestants profitent de la venue de Mickhail Gorbatchev et des télévisions étrangères pour se faire entendre. Trois jours plus tard, ils sont un million sur la grande place, demandant la mise ç la retraite du vieux Deng Xiao-ping et la démission du premier ministre Li Peng.
Des tensions se font alors jour au sein de la direction communiste entre réformateurs et conservateurs. Zhao Ziyang vient parler aux grévistes de la faim, mais le lendemain, Li Peng proclame sans prévenir la Loi martiale et évince le secrétaire général !
Aussitôt les pékinois se massent aux portes de la ville pour empêcher l’entrée de 300 000 soldats.
Les millions de manifestants demandent la liberté d’expression, l’indépendance syndicale, le droit de contrôler les dirigeants, la lutte contre la corruption des cadres. C’est dans ce mouvement qu’apparait la Fédération autonome des syndicats de Pékin.
Mais, le 25 Mai, l’armée se rallie aux conservateurs. Pendant ce temps, les étudiants construisent la fameuse « déesse de la démocratie » (statue érigée par les élèves des Beaux Arts de Pékin) au centre de la place Tien An Men. Finalement, le 04 juin à 2h du matin, le 27ème corps d’armée pénètre sur la place, la « nettoyant » par la mitraille : on parlera de plus de 1300 morts.
Après ce véritable massacre, des millions de manifestants envahissent les grandes villes de province. Les démocraties occidentales condamnent. Les autres pays de l’Est se taisent, la RDA et Cuba approuvent…
La chape de plomb retombe alors sur l’Empire du milieu. A partir du 10 juin, plus de 100 000 chinois sont arrêtés. L’astrophysicien Fang Lizhi, le Sakharov chinois doit se réfugier à l’ambassade américaine où il vivra cloîtré pendant un an.
Une dizaine de contre-révolutionnaires seront exécutés après un jugement sommaire.
Les occidentaux prennent quelques sanctions, mais devant l’énormité du marché économique chinois, ils se taisent vite. En effet, les massacreurs de Tien An Men viennent tout juste d’inventer le « capitalismo-communisme », en clair : l’ouverture du pays à l’économie de marché, sans démocratie, et pour le compte de la seule nomenklatura !
Ainsi, les 1,2 milliard de chinois de cette époque n’ont vécu que deux mois le « printemps de Pékin ». Pour eux, et encore aujourd’hui, la Liberté est un rêve, tout comme pour des centaines de millions de travailleurs du Tiers monde, qui n’ont que le droit de courber l’échine pour quelques miettes. Des « esclaves » modernes, utilisés par les grands spécialistes des délocalisations, qui se recrutent des Philippines à la Malaisie, en passant par l’Inde, le Pakistan, le Moyen- Orient, l’Afrique dans sa quasi-totalité, et une partie de l’Amérique latine. Hommes, femmes et enfants triment, et dès qu’ils osent relever la tête, ils sont assassinés individuellement ou collectivement.
Accidents de l’Histoire ? Certainement pas. Ce qui se passe dans le monde ne peut ni ne doit nous laisser indifférents !
JC.F
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