République héroïque
La République est donc à l’honneur. Sarkozy veut, à marche forcée, transformer l’U.M.P. en « Républicains ». Mélenchon crie au kidnapping. Il a peut-être raison. Marine Le Pen, elle, s’en réclame. Elle l’enveloppe dans l’oriflamme tricolore et veut la confisquer. Dupont-Aignan nous la sort matin, midi et soir. Son bréviaire est « républicano-souverainiste » comme peut l’être, à sa façon, celui de Chevènement. Tant d’autres encore… La République a beaucoup de soupirants. Qui aime-t-elle finalement ? Je la vois quelquefois détournée, canalisée, comme on le fait pour les fleuves intrépides. On l’oublie : elle fut abandonnée par la majorité des parlementaires français, réunis à Vichy le 10 juillet 1940. Ils donnèrent à Pétain et sa cohorte de collaborateurs les « pleins pouvoirs constituants » pour l’emprisonner, la torturer et in fine l’abattre. Quatre-vingt d’entre eux ne les votèrent pas dont Jean Zay, Pierre Mendés-France, mais aussi deux Béarnais, Maurice Delom-Sorbé et Auguste Champetier de Ribes. La Résistance fut sa lumière. Les deux femmes et deux hommes entrés au panthéon en sont les symboles. D’autres, bien sûr, auraient mérité d’y dormir du sommeil des Justes. Je pense à Missak Manouchian, fusillé au Mont-Valérien, le 21 février 1944. À Simone Weil, auteure, entre autres, de L’Enracinement (1), livre qui me marqua à jamais. Dans La Pesanteur et la grâce (1), elle définit ainsi l’héroïsme : « Quoi qu’on donne de soi à autrui ou à un grand objet, quelque peine qu’on supporte, si c’est par pure obéissance à une conception claire du rapport des choses et à la nécessité, on s’y détermine sans effort, bien qu’on accomplisse avec effort. On ne peut faire autrement, et il n’en résulte aucun retournement, aucun vide à combler, aucun désir de récompense, aucune rancune, aucun abaissement. » La République, parfois, s’absente. Ses derniers temps, elle semble se taire, honteuse. De qui a-t-elle peur ? Depuis le 11 janvier, on se pose la question ?
SJ
1. Folio, essais, 2003.
2. éd. Pocket, 1993.