La guerre d’extermination en Syrie et la fin du sens commun par Nicolas Tenzer
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Article de Jean Pierrre Filiu dans le journal Sud Ouest du 2 octobre 2016
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Choisir
Il y a quelques mois, faisant mes courses dans un hypermarché palois, j’ai été mis en présence d’une dame toute de noir vêtue. Seul, en effet, le regard de cette femme était visible. Un trouble m’a saisi, soudain. Certes, l’horreur sidérante du 13 novembre 2015 hantait encore mon esprit ; certes, le débat autour de la place de l’Islam dans notre république battait son plein, quand il n’était pas instrumentalisé par tous les fondamentalistes. Je dis bien tous, y compris ceux se réclamant d’une fausse laïcité pour vomir leur racisme. Je changeai de rayon pour souffler. Tour à tour, j’étais pris à partie par la colère ou la culpabilité. « Étais-je devenu islamophobe ? » Arrivé « a casa », j’ai compris que mon âme et mon corps associés avaient refusé cette extériorisation religieuse. D’autres rencontres me dirent, après, que cette émotion n’exprimait nul rejet de telle ou telle croyance. Dieu merci, si j’ose dire. C’était le citoyen libre, l’humaniste, qui s’était vu menacé. Hier, je voyais d’élégantes étudiantes de Sciences-Po Paris se voiler à dessein, pour revendiquer la liberté des femmes de se couvrir d’une « capula » (1), au nom de Dieu ou d’une identité qui lui serait attachée. J’en ai été encore heurté. Il m’a semblé étrange que ces futures responsables de notre république — bien qu’elle soit bien mal en point — puissent ainsi défier ses valeurs laïques au nom de la liberté, oubliant les deux autres éléments du triptyque républicain : l’égalité et la fraternité. J’ai pensé à la déclaration de mon compatriote Kamel Daoud, l'auteur de Meursault, contre-enquête (2), écrite dans Le Quotidien d’Oran, faisant suite aux violentes critiques essuyées de la part d’universitaires français, après son texte sur les viols commis lors du Carnaval de Cologne : « Nous vivons désormais une époque de sommations. Si on n'est pas d'un côté, on est de l'autre ». J’ai choisi comme Daoud, lui qui vit chaque instant sous la menace des islamistes algériens, de rester libre et vigilant.
SJ
1. Capuchon ; naguère, les femmes en Gascogne s’en couvraient la tête et les épaules.
2. Actes Sud, 2015, Goncourt du 1er roman.
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La fin de l’été
Septembre a sa lumière et ses couleurs. Ce n’est pas encore l’automne, mais on distingue ça et là les premières rides d’un visage qui fut verdoyant, et qui bientôt ne le sera plus. Si l’on voulait bien se donner la peine d’approcher notre regard de nos « Pirenèus », on apercevrait leur peau d’arbres souffrants dont la plainte nous est trop souvent inconnue, leurs veines de sources et de ruisseaux attendant la pluie comme un miracle. On entendrait leur cœur qui bât plus vite qu’à l’accoutumée. La chaleur, que dis-je ?, le « caumàs » (1) les accable et les fatigue. Et que dire aussi des habitants de Séville et ne parlons pas de Phoenix, en Arizona où la température moyenne diurne a été de 37,5° ! La touffeur de ces derniers jours m’a fait penser aux premières lignes de « Lo Camin de tèrra » (2), le roman de Bernard Manciet : « Nous sommes en pleine sècheresse. Le maïs a mauvaise mine. » On nous dit pourtant que ces excès climatiques ne sont que le début d’un cruel roman qui verrait le Béarn passer allègrement de l’autre côté, pour connaître un climat méditerranéen, sans doute insupportable aux corps et âmes de nos concitoyens. Mais qui s’en soucie ? On ne nous parle que de primaires à Droite et à Gauche. De « burkini », d’islamisme radical et de Sarkozy, de son éternelle volonté d’en découdre avec Hollande pour guérir une blessure narcissique : sa défaite en 2012. Nous voici réduits à assister au spectacle affligeant d’une pré-campagne électorale où les candidats se multiplient « shens cès, ni pausa » (3). Je le répète, ce pays se cherche un homme providentiel — où est la femme. Notre République est assurément malade de sa verticalité. Elle ne répond plus au besoin vital d’une société qui vit, invente, avance, recule, repart, dans l’horizontalité. Que dire encore de la pauvreté et de la misère grandissantes ? Ce pays à des rêves d’autrefois, comme si l’avenir ne pouvait être que la répétition névrotique d’un passé fantasmé et « glorieux », tel l’été resplendissant d’un premier amour, qui n’a peut-être jamais existé.
1. Touffeur
2. Le Chemin de terre (à paraître)
3. Sans trêve ni repos.
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