Page Laïcité de Mars

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Ne nous payons pas de mots ! Affirmation souvent répétée,  mais… Ce mois-ci, pourquoi ne pas tenter, au risque de déplaire ou de choquer, d’aller un peu plus loin dans ma réflexion sur un aspect de la Laïcité : Laïcité, communautés et cléricalismes.
Les laïques ne constituent pas une communauté fermée comme sont souvent les autres familles spirituelles (religieuses notamment) : l’univers laïque est ouvert à tous, il est divers, multiple. Il ne repose sur aucun dogme, sur aucun enkystement culturel, ethnique. Ainsi, innombrables sont les « croyants »qui acceptent les valeurs de l’éthique laïque et ne sentent pas leur foi menacée par elle.
En France, les protestants s’y sont reconnus depuis toujours, eux qui ont tant souffert des persécutions et de l’intolérance, nées de l’existence d’une religion d’Etat. Ils s’y sont d’autant plus intégrés que leur mode d’étude des questions théologiques atteste (le plus souvent) d’un esprit de libre interprétation, à ce titre proche de l’idée laïque.
La communauté juive, elle aussi, a longtemps considéré la laïcité comme un bouclier contre les persécutions et les exclusives : la laïcité garantit à ses membres les droits civiques fondamentaux et leur donne la possibilité légale d’harmoniser leur spécificité culturelle avec l’ensemble de la diversité nationale française. Elle combat le racisme sous toutes ses formes et lutte pour qu’il ne réapparaisse pas ou ne puisse pas se développer là où il existe encore. La laïcité a toujours permis aux juifs attachés à leur identité de vivre leur judéité sans crainte ni réserve…même si, depuis quelques années, certaines évolutions intérieures à cette communauté ont laissé apparaitre des velléités d’intégrisme religieux très autoritaire, rendant plus difficile le respect du caractère laïque de nos institutions et de nos lois…
Les musulmans constituent numériquement la seconde communauté culturelle en France (même si elle est plus récente). Ce sont sans doute les moins « laïcisés » de tous : non pas comme je pense qu’on le croit trop souvent et abusivement, parce que l’Islam serait par nature intolérant, voire générateur de fanatisme, mais parce que les communautés musulmanes, sur le plan humain, ont été marginalisées par l’opinion publique, le plus souvent manipulée par divers cléricalismes religieux (sur ce sujet, tous d’accord). L’Islam a longtemps fait la preuve, au contraire, de comportements plus tolérants vis-à-vis des minorités qui coexistaient avec lui, que ne le faisait bien souvent l’Occident chrétien…L’intolérance n’est réelle qu’au sein de certains courants islamiques qui revendiquent pour le dogme la gestion du politique, du social et de la vie privée.
Parmi les diverses communautés françaises, on  compte en outre de multiples groupes, sectes, minorités de toutes sortes, toutes protégées par la laïcisation des institutions et des mentalités. Comme dit au début, la Laïcité ne constitue pas un pôle idéologique de regroupement d’une communauté de plus : les laïques sont partout et c’est bien cela qui permet à l’esprit laïque de tendre à l’universel !
Est-ce à dire que la laïcité ne connait pas d’adversaires ? Bien sûr que non. Elle en a même d’irréductibles, avec des discours qui évoluent au fil du temps, un jour combat sans nuances, un autre récupérant ses valeurs…
Oui, la laïcité a toujours été et reste l’adversaire à abattre pour le/les cléricalisme/s.
Encore faut-il se mettre d’accord sur le sens du mot cléricalisme : c’est l’emprise, avouée ou non, déguisée ou officielle, d’un dogme religieux, des intérêts d’une Eglise, des ambitions d’un clergé, sur la vie civique d’une nation, sur le fonctionnement d’un Etat, sur l’évolution des affaires politiques d’un pays et dans les modalités d’organisation de la vie sociale et es mœurs. Les exemples au quotidien ne manquent pas dans tous ces domaines…
La Laïcité, en raison même des valeurs sur lesquelles elle se fonde, ne peut accepter le cléricalisme, cela par attachement à l’indépendance des institutions, à la tolérance, au respect des libertés fondamentales et par recherche constante de l’harmonie sociale dans le respect des diversités. La laïcité se doit de s’opposer à tous les cléricalismes en cultivant un « anticléricalisme » de défense républicaine et démocratique !
Mais vigilance anticléricalisme et comportements antireligieux ne se confondent pas.  L’anti religiosité est une conviction privée, personnelle au même titre que la croyance : l’une et l’autre peuvent s’exprimer librement, dans le respect de la loi républicaine, c’est à dire avec tolérance. L’anticléricalisme, qui respecte la foi mais résiste aux pressions dogmatiques et aliénantes sur le plan de la vie publique, se justifie, lui, sur le plan du civisme.
De nombreux croyants, pratiquants ou non, sont (heureusement) des anticléricaux résolus, parce qu’ils n’acceptent pas les débordements socio-politiques que s’autorisent certaines Eglises (en France, l’église catholique romaine en particulier).
Il est donc logique (et heureux) que la laïcité, née de la nécessité de combattre le cléricalisme institué, se manifestant par une mainmise exclusive, autoritaire, pendant des siècles, sur l’Etat, les services publics, la Justice, la Science, l’éducation…etc…Tout cela pour des raisons évidentes (et à peine masquées) de prosélytisme, de domination idéologique liées à sa vocation déclarée.
Il était donc logique et compréhensible que sur ces plans, se soient manifestées les premières actions émancipatrices. La tâche est loin d’être achevée… N’oublions pas que chaque entorse aux modalités de mise en pratique du statut laïque de l’Etat républicain, chaque coup porté, chaque retour en arrière, est un coup grave porté à l’harmonie civique et sociale de la France, et plus grave encore, aux libertés individuelles et collectives, au respect de la dignité humaine, à l’ambition de Paix entre les peuples.
JCF

 

Un petit livre dont on peut ne pas tout partager mais qui rapelle, utilement, le texte et le contexte de la loi de 1905. A lire!