Serres Castet, le 19 juin 2017
Mots d’accueil
Des Racines et des ailes
Mots d’accueil
MMTTCCFF, MMTTCCSS, Mesdames, Messieurs, chers enfants, chers amis,
Merci une nouvelle fois de nous honorer de votre présence. Notre engagement maçonnique repose sur des bases solides et parmi celles-ci, la famille et les amis tiennent bien évidemment une place tout à fait particulière et essentielle. A l’issue de cette réunion, que nous appelons tenue, nous espérons que vous comprendrez davantage pourquoi nous vous abandonnons parfois, mais toujours trop, pour nous réunir afin de contribuer à l’épanouissement de nos valeurs.
Les rituels que vous avez vus ce soir, nous les utilisons pour la première fois, (et je remercie au passage tous les exécutants pour leur travail), leur puissance symbolique est très forte et il nous a apparu intéressant de vous les faire partager car ils rappellent à tous, que les symboles que nous utilisons ont une origine opérative. Oui, les constructeurs des cathédrales utilisaient des cordes à nœuds, oui tous les temples dans toute l’Histoire et dans tous les lieux, ont été orientés grâce aux étoiles. Nos symboles ont des origines, des racines. Mais nous y reviendrons dans cette soirée.
Il y a deux ans, nous étions au fond d’une grotte à Dargilan en Lozère, aujourd’hui à quelques kilomètres de notre temple, en pleine nature, sous l’immensité calme et magnifique de la Voie Lactée. Les raisons sont les même : partager ensemble un moment privilégié. Comme l’Alchimiste de Coelho, inutile d’aller chercher le bonheur à l’autre bout de la planète, il est là, à côté, dans le monde qui nous entoure, dans la main qui tient la vôtre, dans le regard qui vous regarde. Pour le trouver ce bonheur, il faut avant tout l’accepter.
Soyez tous les bienvenus, mes SS et mes FF, chers amis. Je vous propose de faire, ensemble, pour quelques instants, un petit bout de chemin vers la Vérité et la Fraternité.
Pour quelques instants, quittons nos préjugés, ce que nous appelons nos métaux, mettons-nous tous dans une attitude d’accueil de la parole, d’ouverture d’esprit. Ecoutons l’autre sans jugement, entrons en résonnance avec lui, acceptons l’autre comme un prolongement de nous-même. Soyons tolérants, respectueux, et libres. Mesdames, Messieurs, vous serez invités à prendre la parole au cours de cette soirée. Soyez tolérants, respectueux, et libres.
Je demande à tous de parler haut et fort, distinctement, comme on se doit de le faire quand on veut échanger.
Bonne tenue à tous et maintenant quelques instants de silence. J’ai dit.
Des Racines et des ailes
MMTTCCFF, MMTTCCSS, Mesdames, Messieurs, chers enfants, chers amis,
En résonnance avec les deux planches précédentes qui ont évoqué les étoiles, puis les arbres, j’ai intitulé la mienne, « Des racines et des ailes ».
La Franc Maçonnerie va fêter cette année ses trois cents ans d’existence. C’est beaucoup pour une institution, mais c’est très peu au regard des valeurs qui constituent ses principes, et qui remontent aux temps anciens où l’homme a pris conscience que son avenir était étroitement lié et dépendant de l’avenir de l’Autre. Ce que l’on pourrait appeler le principe d’altérité.
Cette prise de conscience, dans son expression, a atteint son apogée lors du siècle des Lumières par la naissance de ce que l’on appelle l’humanisme. Il repose sur des principes : la tolérance mutuelle, le respect des autres et de soi-même, la liberté absolue de conscience. Il a pour objectif l’amélioration matérielle et morale, le perfectionnement intellectuel et social de l’humanité. Au-delà de la couleur de peau, de l’origine sociale, de la pratique ou non de rites religieux, au-delà de nos différences apparentes, nous sommes coresponsables les uns des autres.
L’arbre maçonnique a des racines profondes, solides, parfois fragilisées par les contingences, les turpitudes humaines, les actions humaines inhumaines. Mais ces racines en ont vu d’autres, et toutes les attaques contre les valeurs humanistes sont, par leur nature même, vouées à l’échec. C’est pour cela qu’il faut avoir confiance et surmonter la peur. C’est pour cela qu’il faut abandonner le penchant naturel du repli sur soi et de l’exclusion de l’autre. Les terres humanistes sont des terres d’accueil. Je ne parle pas seulement de l’accueil des étrangers, mais aussi et peut être surtout, de l’accueil de nos différences. Ces différences qui nous complètent et comme le dit Saint Exupéry dans Lettre à un otage: « Si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente. »
Bien chers tous, qu’est-ce être franc-maçon ? C’est une vaste question, et ce soir, sans doute aidé et désinhibé par les agapes et les liquides plus ou moins frelatés qui les accompagnaient, je vais tenter d’y répondre, en tout cas de vous donner, ma vision des choses.
Nous l’avons vu, le FM a besoin de racines. Il ne vient pas de nulle part, il prend place dans une longue chaine qui traverse le temps et l’espace. Outre l’humilité, cela lui apporte l’expérience collective. Comme le dit Tocqueville : « Quand le passé n’éclaire plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres. » Le FM s’intéresse donc au passé pour en comprendre les rouages, en tirer des leçons. Il s’intéresse au passé, non comme une espèce de sanctuaire immuable, qui émerge dans le présent par ce concept dangereux que l’on appelle « tradition », la tradition pouvant être à mon sens, la manifestation présente d’un temps révolu, et un prétexte à un conservatisme dangereux qui mène à la stérilisation de l’esprit, et à l’acceptation de pratiques qui pouvaient être tolérées par le passé, mais qui sont aujourd’hui parfois condamnables. Non, le FM s’intéresse au passé, pour conserver les traditions qui sont en accord avec ses valeurs. Il étudie le passé et ses traditions, pour apprendre sur le présent afin de préparer l’avenir. Car le champ de travail du FM, c’est précisément l’avenir.
En plus des racines, le FM a donc besoin d’ailes. (Je précise, A.I.L.E.S., même si parfois, le FM a besoin d’elle E.L.L.E.S. Je note d’ailleurs que le GODF, malgré la tradition est devenu mixte.) Ces ailes lui permettent de s’élever au-dessus des bassesses humaines, de prendre du recul, de la hauteur, afin de lutter davantage contre les penchants naturels et la facilité qu’engendrent la peur et le rejet. Ainsi éclairé, le FMcontinue sa marche inexorable vers la lumière et la Vérité. Conscient de n’être rien au regard des étoiles, conscient d’être un atome dans l’immensité de l’Univers, conscient de la fragilité de sa petite planète dans la chorégraphie cosmique, il n’est qu’un maillon éphémère dans la longue chaine maçonnique. Mais sa modeste condition renforce son devoir de préparer le monde de demain, de s’améliorer lui-même, pour son bien propre, et celui de l’humanité toute entière. Le Franc Maçon regarde le monde qui l’entoure, observe ces arbres bien plus anciens que lui, écoute dans les feuillages le bruit du vent qui peut être brise ou tempête, ressent sur sa peau la douceur environnante ou les morsures actuelles, goute le miel des abeilles ou l’amertume du rejet. Le FM est installé dans le monde qui l’entoure, mais regarde et marche vers les étoiles pour, en retour, changer le monde contemporain et préparer un monde à venir meilleur et plus éclairé. L’utopie est son œuvre. Il sait que toutes les avancées dans l’Histoire sont le fruits d’utopies inventées par des esprits libres et éclairés. Le FM ne renonce jamais et n’a que faire de reconnaissance. Quand on a des étoiles comme compagnes, on n’a que faire du regard de ses contemporains bipèdes quand il s’agit de travailler à l’avènement d’un monde plus juste et plus éclairé. Alors les FMet les FMaçonnes travaillent, sans relâche, se remettent en question, et avec courage et munis de leurs outils, œuvrent à la construction d’un Temple toujours plus humaniste.
J’ai eu, pendant trois ans, l’immense honneur et le plaisir, la lourde tâche et le bonheur de conduire les travaux de notre Respectable Loge Le Réveil du Béarn, vieille dame née en 1888, mais fringante, inventive, germinale, et enthousiaste, ne reculant jamais devant les difficultés, toujours prête à se remettre en question, reposant sur une transmission toujours fraternelle. Et, si je suis rentré au côtés de notre VM élu, Philippe tout à l’heure au commencement de nos travaux, c’est pour manifester l’immense plaisir de le voir, avec son collège, accéder aux commandes de notre Atelier. Car nous savons tous que nous ne sommes que de passage et que l’avancée de nos projets passe par le renouvellement de nos effectifs. Place aux jeunes ! Place à cette jeunesse qui est seule compétente pour les combats contemporains. La maçonnerie d’aujourd’hui n’est plus celle d’hier. Elle doit s’adapter. Elle doit communiquer, elle doit s’extérioriser, dire et expliquer quels sont ses engagements, quelles sont ses luttes, quels sont les dangers qui nous entourent. Elle doit offrir des axes de progrès, éclairer le monde profane, servir de moteur et de force de proposition à la société qui nous entoure.
La FM voit loin, voit haut, parle de valeurs universelle, de l’Europe qui doit être maintenant son terrain de prédilection.
Alors le FM s’élève pour mieux voir, afin de ne plus considérer les individus mais l’humanité toute entière… Il relie, pour mieux les comprendre les problématiques, entre elles. Il relie, rassemble et unit. Enfin, il situe pour mieux agir et pour toujours mieux faire.
Une question s’impose : l’avenir est-il une page blanche que le FM peut écrire librement ? La FMaçonnerie, entre indéterminisme et refus du fatalisme, pense que l’avenir est un domaine de pouvoir, de volonté, et de liberté. Elle propose une méthode de pensée pour le construire. En réponse à Aristote qui déclarait « la science connait par les causes » ce qui est la base de la démarche scientifique, et qui signifie que si je sais que A est la cause de B, je peux alors prévoir l’avenir car dès que A arrive, je sais que B arrivera, en réponse à Aristote, donc, la FM déclare qu’il n’y a pas de fatalisme en matières humaines. A l’image du philosophe Hume, elle pense que ce déterminisme supposé est un renoncement, une abdication devant l’habitude et la routine. Un aveux d’impuissance. Non ! L’homme peut faire et doit faire. Nous pouvons agir, nous ne sommes pas impuissants. Nous sommes responsables du monde qui nous entoure. A nous, à vous, de le changer et d’empêcher que A entraîne toujours B.
Et le bonheur dans tout cela ? Il n’est possible que s’il repose sur l’éthique et sur le bien commun de la cité. Une vie heureuse est une vie vertueuse guidée par la juste mesure. La vertu s’acquiert par la raison et se fortifie par la pratique. Je dis toujours que l’engagement maçonnique est une praxis. Comme le dit René Char : « il faut passer de la parole à l’écriture. » Alors écrivons, agissons pour notre bonheur qui consiste en la sérénité de l’âme, un état de paix intérieur où l’on se débarrasse des craintes imaginaires, des ambitions futiles et où l’on choisit les plaisirs simples à l’image d’Epicure : avoir un jardin et des amis. Epicure avait bien raison, comme nous ce soir : nous avons un jardin, et des amis. Merci encore aux propriétaire de ce magnifique jardin de nous accueillir, merci à tous, les amis de votre présence.
Il me faut conclure et terminer cette modeste planche. Comment un FM pourrait-il conclure cette soirée, et son vénéralat sans parler d’amour ? L’amour de l’humanité bien sûr, de ses FF et SS, de la justice, de la vérité, des siens, de ses amis, de sa famille. L’amour des choses bien faites, de la beauté. Et l’Amour du prochain qui nous emmène vers des logiques de compréhension plus collectives : nous nous émouvons des malheurs des autres, nous sommes plus enclins à comprendre les difficultés de chacun…L’amour doit devenir le moteur de la pensée humanitaire et même de la pensée politique, inaugurant un nouvel âge de l’humanisme. Ce deuxième humanisme que j’appelle de mes vœux, est un humanisme de la fraternité et de la sympathie : de la bienveillance en somme. Ma conviction est qu’il est désormais la seule vision du monde portée par le souffle d’une utopie positive. Car l’idéal qu’elle vise à réaliser est de préparer l’avenir de ceux que nous aimons le plus, c’est-à-dire des générations futures. C’est à dire, vous les jeunes, et ceux qui vous suivront.
Le FM a des devoirs, mais aucun, n’est supérieur au devoir d’Amour. C’est celui qui donne ses ailes aux FM, et lui permet de s’élever vers les étoiles… Des Racines et des ailes….
La boucle est bouclée… Mon Vénéralat s’achève. Je suis en paix. Soyez en paix.
Demain matin, je fête cette période qui s’achève, je m’envole vers Paris, avec tout à la fois, mes racines, mes ailes, et mon Amour.
J’ai dit.
Xavier Alzieu, V :. M :. du Réveil du Béarn.
Se renier, c’est se dissoudre.
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