Choisir

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Choisir

Il y a quelques mois, faisant mes courses dans un hypermarché palois, j’ai été mis en présence d’une dame toute de noir vêtue. Seul, en effet, le regard de cette femme était visible. Un trouble m’a saisi, soudain. Certes, l’horreur sidérante du 13 novembre 2015 hantait encore mon esprit ; certes, le débat autour de la place de l’Islam dans notre république battait son plein, quand il n’était pas instrumentalisé par tous les fondamentalistes. Je dis bien tous, y compris ceux se réclamant d’une fausse laïcité pour vomir leur racisme. Je changeai de rayon pour souffler. Tour à tour, j’étais pris à partie par la colère ou la culpabilité. « Étais-je devenu islamophobe ? » Arrivé « a casa », j’ai compris que mon âme et mon corps associés avaient refusé cette extériorisation religieuse. D’autres rencontres me dirent, après, que cette émotion n’exprimait nul rejet de telle ou telle croyance. Dieu merci, si j’ose dire. C’était le citoyen libre, l’humaniste, qui s’était vu menacé. Hier, je voyais d’élégantes étudiantes de Sciences-Po Paris se voiler à dessein, pour revendiquer la liberté des femmes de se couvrir d’une « capula » (1), au nom de Dieu ou d’une identité qui lui serait attachée. J’en ai été encore heurté. Il m’a semblé étrange que ces futures responsables de notre république — bien qu’elle soit bien mal en point — puissent ainsi défier ses valeurs laïques au nom de la liberté, oubliant les deux autres éléments du triptyque républicain : l’égalité et la fraternité. J’ai pensé à la déclaration de mon compatriote Kamel Daoud, l’auteur de Meursault, contre-enquête (2), écrite dans Le Quotidien d’Oran, faisant suite aux violentes critiques essuyées de la part d’universitaires français, après son texte sur les viols commis lors du Carnaval de Cologne : « Nous vivons désormais une époque de sommations. Si on n’est pas d’un côté, on est de l’autre ». J’ai choisi comme Daoud, lui qui vit chaque instant sous la menace des islamistes algériens, de rester libre et vigilant.

SJ

1. Capuchon ; naguère, les femmes en Gascogne s’en couvraient la tête et les épaules.
2. Actes Sud, 2015, Goncourt du 1er roman.

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