ALLOCUTION EN HOMMMAGE A EMILE COMBES
MARDI 29 Mars 2016
En la ville de Pons
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Monsieur le Maire adjoint,
Mes TT∴ CC∴ FF∴ et mes TT∴ CC∴ SS∴,
Chers Amis,
C’est un honneur de rendre hommage à Emile Combes devant la stèle qui consacre en votre ville son action.
Comme je le rappelais à l’ensemble des FF∴ et des SS∴ qui étaient rassemblés il y a quelques instants au cimetière devant la tombe d’Emile Combes, j’ai rendu hommage il y a de cela quelques mois à une autre grande figure de la République, je veux parler de Jules Ferry, lors de mon passage à Saint-Dié-des-Vosges, ville dont il était originaire. Ce n’est pas tout à fait dans le même secteur géographique mais c’est la fonction du Grand Maître du G∴O∴D∴F∴ de traverser la France pour honorer les grandes figures de la République et de la Maçonnerie qui se sont longtemps confondues.
Vous avez souligné, Monsieur le Maire, qu’Émile Combes a été une grande figure du radicalisme. Le radicalisme est peut-être une idée d’avenir dans un monde politique en proie à l’incertitude.
Nous avons l’habitude au G∴O∴D∴F∴ de saluer ce que j’appelle les Républicains des deux rives et force est de constater que la caractéristique du parti radical est d’être aujourd’hui précisément sur ces deux rives de la République de notre pays.
Émile Combes a été une grande figure de la République française : Maire de Pons pendant plus de 40 ans ‑ quel mandat ! ‑, Président du parti radical, Sénateur de la gauche radicale car, à cette époque, les idées qu’il incarnait sur l’échiquier politique étaient des idées qu’on dirait aujourd’hui très à gauche. Il ne faut pas perdre de vue ce message.
Vous avez rappelé la contribution qui a été la sienne dans la préparation de la loi de séparation des Églises et de l’État. Bien entendu, on ne sait pas ce qu’aurait été cette loi si Émile Combes n’avait pas dû démissionner et s’il avait toujours été à la tête du gouvernement lorsque cette loi a été adoptée.
La désastreuse « affaire des fiches » mit en cause le gouvernement d’Émile Combes. Bien entendu, on ne peut pas cautionner la méthode qui consista à ficher les opinions des uns ou des autres. Tout ceci ne correspond pas aux idées démocratiques qui sont les nôtres, mais il ne faut pas non plus oublier que la France de 1905 était une France où la République devait encore se battre contre ses ennemis, qu’il fallait républicaniser l’administration mais aussi l’armée dans un contexte où les tentatives de coup d’État et de renversement de la République n’étaient encore pas si anciennes.
On aurait d’ailleurs tort de croire que la République est un régime définitivement acquis, qui ne serait plus jamais menacé et qui pourrait s’accommoder de la part de l’ensemble des citoyens d’une sorte d’assoupissement qui, de mon point de vue, serait un assoupissement funeste.
La République, à travers la loi de 1905, se plaît aujourd’hui, de façon un peu systématique, à célébrer Aristide Briand au nom d’une logique du compromis qui me semble, un siècle plus tard, avoir malgré tout pavé le chemin de très nombreux renoncements.
Cela étant, on ignore souvent qu’Émile Combes lui-même n’était pas au départ favorable à la loi de séparation des Églises et de l’État. C’est ce que soulignent ses propos tenus à la Chambre et dans lesquels il rappelait qu’on ne pouvait pas effacer d’un trait de plume quatorze siècles écoulés.
Mais c’est à l’épreuve de la réalité politique qu’Émile Combes sera conduit à devenir le promoteur de la séparation, à la lumière des conditions dans lesquelles tout d’abord fut appliquée la loi de 1901, laquelle conduisit à la fermeture de milliers d’écoles congréganistes qui menaçaient à l’époque le développement de l’école publique, mais aussi à la lumière de l’offensive pontificale soucieuse de voir en ce temps-là l’Église réinvestir le champ politique, à la lumière enfin des provocations des partis cléricaux qui, poussant à bout l’autorité civile, présentaient les actes d’autorité comme d’atroces violences selon la formule célèbre de Renan.
Comment ne pas voir dans ces rappels des similitudes avec les temps que nous vivons ? Comment ne pas s’interroger sur l’indispensable volontarisme sans lequel la laïcité ne serait qu’une posture incantatoire ? A ce titre, je partage, Monsieur le Maire, vos réflexions et vos inquiétudes sur le devenir de notre laïcité.
Cette séparation qu’Émile Combes a portée n’était que la sublime protestation d’un peuple qui, par les armes de la loi, décida de briser les chaînes qui menaçaient à nouveau de l’emprisonner.
La séparation voulue par Émile Combes devint ainsi le prolongement naturel de l’idéal révolutionnaire, la matérialisation de cette souveraineté nationale que rien ni personne ne devait contraindre, un prolongement qui trouva à s’incarner dans cet État républicain et laïque dont il était le promoteur.
Mettre l’État au-dessus des dogmes et des confessions, tel devait être l’objet d’une politique républicaine porteuse de liberté et c’est bien cela qui anima Émile Combes et c’est bien entendu cela dont nous devons nous rappeler aujourd’hui.
Il est temps, en effet, de souligner que la République dut être anticléricale pour s’imposer et triompher.
Nous devons en ce jour nous rappeler aussi que la laïcité est bien un combat perpétuel et permanent, comme vous l’avez rappelé, le fruit d’une mobilisation sans faille pour tracer le chemin d’une liberté qui doit encore aujourd’hui affronter tant d’ennemis.
Émile Combes a été ainsi le digne continuateur de l’esprit révolutionnaire, parce que son action politique tendait à transformer la société. La laïcité devait avoir pour but de permettre la sécularisation progressive de la société.
Cette sécularisation n’est pas l’ennemie des religions mais elle est simplement le résumé d’un type de civilisation qui place le gouvernement des hommes sous le seul empire de la raison fondé sur un respect et une compréhension réciproque et dans lequel la religion devient une affaire de spiritualité intime.
Programme trop ambitieux, programme utopique diront certains mais qui ne voit encore aujourd’hui que le recul de la laïcité coïncide avec une nouvelle confessionnalisation de la société qui pourrait être mortifère si nous n’y prenons pas garde, que le sentiment religieux s’engouffre dans le désespoir de celles et de ceux qui ne croient plus en la République et voudraient la faire à nouveau plier ?
L’œuvre d’Émile Combes nous montre que derrière les nuages il n’y a que des chimères. La grandeur de la République est d’avoir su éteindre dans le ciel des lumières que l’on ne doit pas chercher à rallumer.
Émile Combes nous a légué un message qui reste d’actualité : la laïcité est le creuset d’une civilisation moderne qui croit à l’affirmation souveraine de l’esprit. Sachons être dignes de ce noble engagement en pensant au combat qui fut le sien et celui de tous les Maçons qui l’ont accompagné dans les LL∴ où il a travaillé depuis « Les Amis Réunis » à l’O∴ de Barbezieux jusqu’à la L∴ « Tolérance » qu’il a fondée lui-même à Pons.
Merci de votre attention.
Daniel KELLER