Glaive, bienveillance et fraternité, démarche symbolique et apprentissage au grade de Compagnon : initié-initiant le viatique du compagnon.
Frères, vous voilà compagnons.
Croissant avec le blé, nourri des 5 éléments, vous avez, pour augmenter votre salaire, effectué 5 voyages. Vous avez dégrossi la pierre brute avec le maillet et le marteau de l’apprenti, manipulé L’équerre, le compas, la règle, le levier, le niveau et la truelle.
Jusqu’alors, vous tailliez la Pierre en vous et d’autres la polissaient et la posaient. Dorénavant, vous la travaillerez avec nous et la jointerez dans l’édifice commun.
Encore enfants, vous mettant debout, vous éprouviez la verticalité. Adolescents, vous explorerez l’horizontalité et l’œuvre du bâtisseur.
Apprenti, vous cherchiez dans la roche brute votre pierre. Compagnon, vous chercherez avec nous son emplacement.
Mais tout n’a pas commencé le jour de notre naissance. Poussés par la soif obscure de croître, nous avons laissé nos certitudes et poussé la porte d’un monde inconnu. La porte passée, les voyages se sont enchaîné : l’attente anxieuse, l’exploration viscérale, l’exposition aveugle aux regards, l’épreuve émouvante, l’accouchement douloureux. D’abord enfant effrayé, puis adolescent timoré, enfin adulte accompagné, nous découvrions dans la grande lumière les visages rassurants d’une nouvelle famille. À peine sortis du ventre de réflexion, débarrassés du sérum physiologique vitriolant, nous recevions comme premier viatique des outils lourds, trop lourds pour des enfants de trois ans.
Brutalement conscients de ce que nous sommes, nous avons découvert ce que nous aurions voulu être. Il nous fallait mourir pour renaître, il nous fallait extraire l’aile du papillon de la dépouille rampante.
Vous êtes deux, nous étions trois et déjà une fratrie.
Le temps a passé, un temps distinct du temps profane, discontinu, parallèle, à apprendre, muets, les rites, les traditions, les coutumes; à observer, dans la pénombre lunaire, nos frères et nos sœurs; à manier, maladroits, le maillet et le ciseau, taillant peu par crainte, taillant trop par orgueil, mal protégé des aveuglements et des éclats par le tablier jauni.
D’abord triplés, nous avons été rejoints par un frère d’ailleurs et, bienveillance et fraternité, nous voici quadruplés.
Devenue régulière, notre marche nous a mené dans des contrées étrangères et familières, proches et lointaines, des paysages où la lumière efface les ombres, ou l’ombre obscurcit les miroirs. Naissances à l’Occident, rappels à l’Orient, notre famille à décliné sans heurt de l’aube au crépuscule, du crépuscule à l’aube, notre vaisseau a parcouru la voûte céleste de midi à minuit et de minuit à midi. Initié un jour, initiés chaque jour.
Dans l’égrégore ou le désaccord, la fraternité s’est renforcée. Dans la bienveillance généreuse et protectrice, chaque pierre a trouvé sa distance aux autres pierres. Chaque maillon singulier s’est lié à la chaîne universelle. Chacun s’est apprêté à d’autres voyages, à la découverte du moi, à la découverte du monde.
Mais le soleil déjà nous appelle, le Midi symbolique, la colonne Boaz, la parole libre. De la terre vierge à la germination, du fruit à la moisson, la deuxième initiation nous transporte, de millénaire en millénaire, du paléolithique au néolithique. Et le temps maçonnique laisse son empreinte inexorable, matériau de notre passé et de notre devenir.
D’abord brute, la pierre est devenue cubique. Maintenant accoutumés, nos yeux s’ouvrent à l’étoile. À présent affûtées, nos mains apprennent le glaive.
Le Glaive! Arme de taille et d’estoc, le glaive est double. Tranchante, sa lame sépare, divise, partage, répartit. Perçante, sa pointe menace, ouvre, pénètre, traverse. Temporel et spirituel, opératif et spéculatif, il est le viatique du compagnon dans son exploration.
De taille, le glaive de l’évangile sépare « l’homme de son père, la fille de sa mère ». Il condamne l’homme à devenir lui-même. Avec Pindare, voyageur armé de son seul glaive, le compagnon pourra « devenir qui il est en l’apprenant ».
D’estoc, le glaive perce, les portes et les carapaces, la surface des choses et des humains. Il libère les pensées, les humeurs, le savoir, du sachant au sachant. Mais touchant Achille à son talon, il le tue.
Alors, compagnons, pour manier le glaive, il faudra la mesure : menacer sans blesser, percer sans tuer, éclairer sans aveugler. Armés de votre seule conscience, vous affronterez les armes les plus puissantes. Armés de vos nouveaux outils, vous ajusterez votre pierre aux autres pierres.
Comme le glaive est double, le compagnon chemine de concert, apprenant en apprenant, initié en initiant, toujours commençant, toujours progressant.
Hier enfant, maintenant adolescent, il chemine ici mais aussi ailleurs, 3 pas devant, 1 de côté avant de revenir librement vers ses sœurs et frères, ou de ne pas revenir, ou de revenir différent.
Alors Frères, comme nous, vous voici compagnons.
Partis de rien, nés d’un cabinet obscur et froid, nous grandirons ensemble, et, pour suivre Oswald Wirth, « [nous sommes] appelé, désormais, à vivre […] en conformant tous [nos] actes à l’idéal [à notre Etoile Flamboyante] que [nous devons] porter en [nous]-même ». «entre ce commencement, l’Apprentissage, et cette fin, la vraie Maîtrise, s’étend toute la vie maçonnique figurée par le Compagnonnage ».
En passant de la perpendiculaire au niveau, devenez ce que vous êtes, soyez curieux, attentifs, observateurs. Lisez et apprenez sans relâche. Affinez la taille de votre Pierre.
Voyagez, voyagez, voyagez.
NOUS AVONS DIT
Planhe au grade de copm.°. 29/01/2016