Allocution du V.°. M.°. Xavier Alzieux le 18 09 2015 (Installation)

 

                                    

V Maîtresses, VM, MTCF Président de la Chambre Suprême de Justice Maçonnique, et « the last, but not the least », vous tous mes FFet SS en vos grades et qualités.

Le jour de sa réinstallation, le VM du Réveil doit produire un discours ayant de la hauteur, de la profondeur, vous noterez la condition physique nécessaire au grand écart imposé…, discours qui doit, en outre, être consensuel si possible…

Pour ce qui est de la hauteur, les FM bénéficiant de bientôt 300 ans d’expériences et de déboires, pallient les déficiences du VM par la lumineuse habitude d’équiper le temple d’une estrade surélevée de trois marches à l’Orient, ce qui place le VM au-dessus de la mêlée et lui donne topographiquement parlant, la hauteur requise. Certains remarqueront que le VM est au même niveau que l’Orat et que le Sec, ce qui relativise les choses. Certes… Admettons que ce soit pour montrer qu’il n’est qu’un FM comme un autre, et que seule sa fonction hautement symbolique lui permet d’occuper non seulement la place centrale de l’Orient, mais aussi ce confortable siège de cuir tout à la fois envié et redouté. Fonction symbolique éphémère qui, une fois quittée, ne donne aucun privilège particulier à ceux qui l’ont occupée, comme toutes les fonctions électives d’ailleurs. Je m’inscris dans une longue chaine aux maillons égaux, avec l’un deux cependant particulier, mon prédécesseur. C’est par lui que j’ai tenu à être installé pour montrer cette chaine inexorable, mais aussi, il faut bien le dire, car j’aime bien la loyauté. Le VM a une fonction estimable. C’est la fonction qui donne l’éclat, pas celui qui l’occupe. L’honneur et le respect pour la fonction, le laborieux plaisir pour celui qui l’occupe avec l’humilité nécessaire à une descente sereine. Que mon successeur se rassure je ne m’assiérai pas sur ses genoux. Il sera libre.
Le discours d’installation doit être également, nous l’avons dit, consensuel… Ça, c’est moins facile… Car qu’est-ce qu’être consensuel ? Le VM n’a pas à se substituer à la Loge dans la prise de décision. C’est à la loge de trouver, ou non d’ailleurs, une réponse consensuelle. Le VM lui, son boulot, c’est de rassembler, sans faiblesse, sans renier ses valeurs, et de donner confiance à la Loge afin qu’elle ait le courage d’aborder tous les sujets, y  compris les plus clivant.  Le VM doit créer le climat propice à ces débats qui doivent demeurer fraternels et respectueux. Mais en aucun cas, le VM est légitime à censurer une question par crainte du débat. Et je ne le ferai pas, car j’ai toute confiance en vous, et en la maturité de la Loge, et en sa capacité à travailler sur les divergences et à sublimer les oppositions. Le travail de l’an dernier le prouve bien. Nous avons réussi tous ensemble à réformer les statuts de notre association votés à l’unanimité.

Ce début d’année maçonnique n’est pas banal : il s’inscrit à quelques mois des attentats de Charlie qui nous ont tous bouleversés, et qui ont fédéré non seulement les laïques, mais tous les humanistes lors des manifestations du 11 Janvier. Les plus convaincus d’entre nous portant leurs décors, non pour marquer leurs différences, mais pour rappeler l’attachement profond de notre Ordre à la tolérance et à la liberté absolue de conscience. Si nous n’avons pas ce courage, qui l’aura ? Ceux qui sont morts dans les locaux de Charlie Hebdo, avaient ce courage. Et je pense particulièrement à Bernard Maris et Michel Renaud du GODF.

Cette France solidaire s’est levée ce jour-là. Bien sûr, on peut craindre que l’ampleur de la mobilisation n’ait été due qu’à l’émotion suscitée : je ne le crois pas. Les débats qui ont suivi ont duré des semaines entières, et continuent sur les réseaux sociaux auxquels les jeunes participent en nombre.
Cette solidarité, et quand je vous parle je regarde au-dessus de la porte de notre temple, c’est le point de rencontre des trois termes de notre triptyque républicain, Liberté, Egalité, Fraternité,  devise du GODF. Cette solidarité qui ne doit pas rester qu’un mot, doit se manifester dans le monde profane, comme dans le monde maçonnique, dans nos villes comme dans nos ateliers. Cette solidarité sera l’un des fils rouges de cette année et plusieurs planches y seront consacrées. Et à l’heure où beaucoup d’entre nous connaissent des difficultés qui se traduisent par des retards de paiements dans les capitations et cotisations, nous ne pouvons pas faire l’impasse d’un débat sur la cotisation variable. J’ai demandé à notre frère hospitalier de préparer une planche introductive à ce débat. Etant bien entendu que la Loge est souveraine, et vous savez tous ici mon extrême attachement à cette souveraineté, (pas une décision l’an dernier n’a été prise sans l’accord de la Loge et il en sera de-même cette année), et donc vous choisirez de faire, ou de ne pas faire, et comment vous le ferez. Et quelle que soit mon opinion, c’est la vôtre qui compte. La commission des finances réunie en début d’été a émis un avis favorable à ce que nous ayons ce débat. Il aura donc lieu.
Cette année encore le monde qui nous entoure est en tumulte. Essayons de le rendre un peu plus doux pour ceux que nous côtoyons sur nos colonnes, afin de nous rapprocher un peu plus des rêves et des idéaux que nous portons. Et si la méditerranée, berceau de nos valeurs, et tombeau  de tant d’innocents partis reconquérir une dignité, nous jette à la face notre incapacité à résoudre une crise humanitaire majeure et intolérable, ne reculons pas devant une solution à portée de la main pour nos FF et SS de notre atelier pour quelques dizaines d’euros négligeables pour beaucoup d’entre nous, mais énormes pour certains d’entre nous. Je vous demande d’avoir le courage de ce débat.

Ce courage, il est nécessaire à l’engagement maçonnique. Cet engagement transcende nos différences politiques, culturelles, raciales, nos différences d’origines, et nous rassemble dans ce noble combat pour la République et ses valeurs, et devrait nous rendre exemplaires comme nous tous devrions l’être à tout instant, tout lieu, et toute circonstance. L’engagement maçonnique n’est ni une pénitence, ni un amusement, pas davantage un moyen de combler la vacuité de son existence. Il n’y a pas de place pour les faux débats, les fausses querelles. L’engagement maçonnique c’est avant tout une responsabilité, un engagement éthique.

Début d’année également exceptionnel, car deux d’entre nous sont entrés au Panthéon : Jean Zay et Pierre Brossolette, et cela nous honore. Leur combat se poursuit encore aujourd’hui. Nous devons en être dignes, et nous engager également pour la défense de nos valeurs et principes, de tolérance, de respect, de liberté. Nous devons être inflexibles et fermes quand nous sentons ces principes attaqués, remis en cause par des profanes, ou par des Francs-Maçons devenus indignes. La mission que vous m’avez confiée me rend responsable dans mes actes comme dans mes pensées, et sachez que, comme l’an dernier, j’essaierai d’être digne de cette confiance en défendant à chaque instant ce en quoi nous croyons, la démocratie, la liberté, et la souveraineté de notre Loge qui ne peut être inféodée qu’au respect de nos engagements et à rien d’autre. Le Réveil du Béarn ne saurait être inféodé à  quiconque ni à aucune structure. Vous êtes des francs-maçons libres, et nous devons tous être garants de cette Liberté. Vous pouvez compter sur ma détermination…

…… Nous travaillerons cette année à préparer le monde de demain. Nous devons anticiper ce qu’il sera, et ceux que nous serons. C’est notre condition maçonnique, exigeante mais exaltante, difficile mais enrichissante. C’est notre essence. C’est notre avenir.
Mais cet avenir nous le devons à nos anciens. L’an dernier nous avons fêté chaleureusement les 50 ans de maçonnerie de Jean. Les FM de la génération encore antérieure se sont battus, ont pris des risques, et ont laissé de nombreuses traces dans nos archives. Ces archives, nous devons les recenser, les copier, les sauvegarder. Le Réveil va tranquillement sur ses 128 ans. 128 ans de preuves et de traces qui constituent une mine dont les possibilités d’études sont nombreuses et dépassent nos capacités. Moralement, ces archives ne nous appartiennent pas, ne nous appartiennent plus : par leur volume, par leur richesse, elles deviennent le patrimoine de tous, y compris des profanes. Elles sont le fruit du travail et de l’engagement de ceux qui nous ont précédés. Ceux-ci se sont engagés pour l’amélioration de la société, pour le bien de l’humanité. Et c’est leur rendre hommage que de procéder au recensement de ces archives, à leur rassemblement, et sans doute, selon la décision que la Loge aura à prendre, à leur mise à disposition sous forme de copies, aux archives départementales, seules compétentes pour en faire l’étude, l’analyse, l’exégèse. Avec, bien entendu, la prudence nécessaire au respect de l’anonymat. Il me semble que c’est une obligation morale que nous avons, bien plus germinale que la dissémination chez tel ou tel. Un document enfermé dans un tiroir devient stérile. Damien, comme archiviste bibliothécaire excusé ce soir car en Australie, nous présentera les axes de ce travail. Il aura une tâche hautement respectable et impérieuse à accomplir. Notre travail mémoriel est un devoir envers la lignée de nos ancêtres, nos M vénérés qui formaient la FM d’hier. C’est un voyage dans le temps comme dans l’espace, un voyage dans le passé pour préparer l’avenir. C’est une façon de renforcer l’extériorisation et la propagation de nos valeurs.

Cette extériorisation impose aussi d’aller vers les autres. Nous l’avons réussi l’an dernier avec le voyage à Dargilan, dont vous trouverez les souvenirs sur le site du Réveil, et nous essaierons de le refaire cette année avec un déplacement lors du premier Mai à Paris au mur des fédérés. Nous n’en sommes encore qu’à l’avant-projet, mais comme l’an dernier nous ferons en sorte que l’aspect financier ne soit un frein pour aucun d’entre nous et nous essaierons, comme l’an dernier, de n’impacter ni les finances de la Loge, ni celles de la caisse hospitalière, ni davantage le budget général.  Nous en profiterons pour faire découvrir la rue Cadet et le musée de la Franc Maçonnerie dans son nouvel écrin. Une commission sera montée et elle nous tiendra régulièrement au courant de ses avancées.

Mes FF et mes SS la Franc-Maçonnerie est fille des Lumières, elle voue un culte à la Raison, mais c’est aussi un ordre initiatique qui essaie de comprendre la nature humaine dans toute sa complexité, raison et passion, réflexion et sentiment, pour forger une éthique de l’engagement. Cette pratique initiatique sera ponctuée par l’ensemble des planches symboliques qui nous serons soumises. Nombre de ces planches seront collectives, et j’appelle de mes vœux dès que cela sera possible chacun d’entre vous à participer à l’une d’entre elles.
Un des fils rouge remarquablement traités par nos plus jeunes et par certains plus aguerris l’an dernier, a été l’Europe. Si des conceptions différentes ont été exprimées, tous ont été d’accord sur leur attachement à cette belle idée. Que penser donc de juxtaposer à côté du drapeau français qui orne notre temple, celui de l’Europe qui marquera notre attachement à cette dimension qui reste encore à travailler dans un sens plus respectueux de nos idéaux humanistes et laïques ? Des planches poursuivront encore ce travail d’approfondissement cette année.

Le Réveil du Béarn a de tout temps été ouvert :
•    Ouvert aux LL amies, et les échanges seront poursuivis cette année. Je tiens à souligner le travail remarquable fait par nos surveillants à la tête des délégations en cette rentrée, et à remercier encore les LL amies pour leur présence ce soir. Je prends cela comme une marque de plaisir pour le travail que nous avons accompli l’an dernier ensemble.
•    Ouvert aux mondes profanes et nous referons une Tenue Blanche Fermée sur le Soufisme, dans la continuité de celle sur le bouddhisme, et en y associant comme toujours les LL amies.
J’appelle tous et toutes à sortir et à visiter : le rayonnement de notre Atelier l’exige. Nous poursuivons les propositions faites aux LLamies de travailler ensemble : visite chez le préfet, lettres aux députés, aux sénateurs et aux élus, manifestations communes comme les portes ouvertes 2016 qu’il nous faudra organiser dès le printemps, que sais-je encore, les idées ne manquent pas.

Voilà mes FF et SS quelques pistes proposées. Vous l’avez compris : l’heure du repos n’est pas arrivée et un peu de courage est encore nécessaire « Il n’est pas très facile de rester hissé sur la vague du courage » dit René Char : le mien ne se ranime qu’à une seule source : celle de la loyauté. Je tiens à souligner le soutien du collège ; sans lui, rien n’est possible. Mais par-delà ce collège, les FF et SS du Réveil dans leur immense majorité, ont compris que ce qui nous anime, c’est le bien de tous, l’apport à la communauté, assis sur des valeurs maçonniques réelles et partagées. Qu’importe l’avenir de nos petits égos, seul compte le devenir du Réveil qui passe par une transmission active et généreuse basée sur la confiance.

C’est à cette transmission que je m’attèlerai dès cette année, car nul ne connait l’avenir… La sagesse c’est aussi de comprendre que nul n’est irremplaçable, que tout peut arriver à tout instant, comprendre enfin, et admettre, que nos successeurs feront mieux que nous. Un ancien que j’ai sollicité pour une fonction cette année m’a répondu : « Je suis heureux que tu me le proposes, mais j’ai 69 ans, alors place aux jeunes. » Il faut apprendre à laisser sa place, à transmettre, à confier, à accompagner. Je préparerai mon successeur dès cette année, même si l’habitude du Réveil est que le VM fasse trois ans, et je me plierai à cette habitude bien évidemment si vous l’acceptez, mais un accident  ou une maladie sont vite arrivés et le Réveil mérite cette précaution. Mon collège et moi-même ferons tout pour transmettre un Réveil apaisé mais réformé, fraternel mais installé dans une dynamique constante de remise en question, un Réveil fidèle à nos traditions démocratiques de transparence, un Réveil adapté au monde d’aujourd’hui et préparé à celui de demain.

Enfin, mes FF mes SS ce  début d’année est également exceptionnel à cause de l’actualité brulante, affreuse, révoltante de ces destins brisés sur les côtes européennes, dont certains vautours se nourrissent des restes pourris par notre indifférence,  pour justifier leur xénophobie, leurs calculs électoraux, et je le dis tout net, leur inhumanité. Ces gens-là sont des salauds, faisant croire à un passé glorieux, à un âge d’or nostalgique. Nous en oublions Pol Pot, Staline, Mao, Mussolini,  Hitler. Nous en oublions l’horreur de la shoah.
 … Nous en oublions notre histoire, ses traces dans le nom même de nos villes et villages : Fleurance dans le Gers, Grenade près de Toulouse, voire Bruges pour certains d’entre nous : des noms venus d’Italie, d’Espagne, d’Europe du Nord, traces indélébiles dans notre géographie administrative des flux migratoires ayant toujours existés. N’en ayons pas peur, ils sont une chance, ils sont notre renouvellement, ils sont notre enrichissement, ils sont nos mutations adaptatives aux mondes de demain. L’accueil des migrants ne peut se faire que dans une société laïque.
La laïcité n’est pas comme certains voudraient nous le faire croire une idéologie de la bienpensance. Le combat pour la liberté de conscience est un combat rude qui insupporte et dérange, mais c’est un combat digne et nécessaire. Francs-Maçons, nous avons un rôle à jouer pour lutter contre les confusions, confusions entretenues par l’extrême droite, par le front national qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez électoral. Et j’appelle ici ce soir les loges amies du Réveil pour nous réunir et nous organiser afin de fêter comme il se doit le 110 ième anniversaire de cette loi qui fait notre fierté, celle de la séparation des églises et de l’Etat.

MMTTCCSS, MMTTCCFF, je voudrais vous dire toute ma reconnaissance pour me renouveler ainsi votre confiance malgré les difficultés rencontrées qui ne nous ferons pas dévier d’un pouce sur la défense de nos valeurs et l’engagement éthique qui est le nôtre. Lors d’une manifestation commémorative à la Sorbonne, le 22 Mars 1945, René Pléven, Ministre des Finances, qui fut son ami déclarait : « Je n’ai jamais connu Brossolette acceptant un compromis avec ce qu’il croyait juste ou vrai. Aucune préoccupation d’intérêt ne l’a jamais fait dévier de ce qu’il croyait être la bonne voie ». MMTTCCSS, MMTTCCFF, sachons nous en inspirer.
« L’acquiescement éclaire le visage, le refus lui donne la beauté » dit le poète. « Etre libre, c’est savoir dire non » surenchérit Sartre. Quant à Antigone, elle déclare : « Je suis là pour dire non, et pour mourir » et à Créon qui lui répond « C’est facile de dire non ! » elle lance « Pas toujours ! »…
Alors cette année œuvrons pour le pouvoir de dire oui. Oui à quoi ? Oui à nos valeurs, à notre fraternité, à notre travail en commun, à votre force de propositions, oui à vos planches, oui à nos voyages, oui à nos agapes préparées en commun, oui à une bière partagée, à un morceau de pain rompu, oui à la mise en commun de nos énergies en une synergie créatrice, oui à la démocratie, oui à la transparence.

Oui, enfin, à la volonté de travailler ensemble pour le bien de tous, au-delà de nos égos.

Mes SS.°., mes FF.°., je ne sais pas si j’ai pris de la hauteur, ou fais dans la profondeur, mais j’aime le Réveil du Béarn. J’aime ma loge. Mais ce n’est pas ma loge. Ma loge, c’est la nôtre, c’est la vôtre.

J’attends vos idées et vos suggestions, vos envies, vos besoins, et surtout, surtout, votre bonne humeur, votre fraternité, votre confiance, votre sens de la dérision et votre humour qui sont l’ADN du Réveil du Béarn.

MMTTCCSSMMTTCCFF Bonne année à tous !!!!!!!
J’ai dit.

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