Dargilan le 8 mai 2015: Ensemble des allocutions et planches

 

 

 

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1-Remerciements du V.°.M .°. à Malo (Serres-Castet, le 11 mai 2015)

Madame, Ma chère Amie, Ma très chère Malo, Ma Très Très Chère Grenouille de Confessionnal,
J’ai bien reçu ton mail dans lequel tu nous remercies. C’est un message intéressant car tu y inverses les rôles. C’est nous en réalité, et en particulier moi, qui sommes tes débiteurs, vos débiteurs.
Nous avons passé un moment fabuleux.
Ce déplacement avait plusieurs buts parmi lesquels, sans ordre de priorité :
•      Faire plaisir à Damien
•      Faire plaisir à mes Frères et Sœurs
•      Créer, tisser, entretenir des liens entre initiés, entre profanes, et entre initiés et profanes
•      Inscrire ce rassemblement dans une farouche démarche de ma part, d’extériorisation de
notre vision du monde et de nos valeurs
•      Mettre en pratique ces valeurs : le fameux : « Passer de la parole à l’écriture » de René
Char
•      Faire partager un des lieux les plus magiques, qu’il m’a été donné de visiter en famille à
plusieurs reprises
•      Montrer qu’on peut s’amuser sérieusement, et que la détente est indispensable à la
profondeur
•      Faire rencontrer des mondes habituellement étanches
•      Montrer enfin, que la difficulté c’est de rêver et d’oser. J’aime beaucoup cette phrase de
Sénèque : « Ce n’est pas parce que les choses sont inaccessibles que nous n’osons pas, c’est par ce que nous n’osons pas qu’elles nous demeurent inaccessibles. » Je voulais montrer que les limites étaient bien plus loin que ce que nous imaginons habituellement.
Je pense que le résultat a été à la hauteur de mes espérances les plus folles. Et cette réussite, nous la devons en grande partie à toi, Malo, dont la personnalité a fait l’unanimité parmi nous, et à ta famille dont la gentillesse et l’accueil m’ont touché au plus profond.
Je voudrais te redire, et te le redirai encore, mon plaisir lorsque je t’ai vue t’emparer de ce projet qui est devenu également le tien. Ton engagement aveugle, nous ne nous connaissions pas, mais confiant au côté de Damien, m’a assuré rapidement d’une réussite certaine.
Damien, je le connaissais, et il a répondu à mes attentes parfois farfelues, avec cette envie de bien faire et ce talent qu’on lui attribue justement. Nous sommes, et lui et moi, des cartésiens poètes, des scientifiques cyranesques, habiles à la plume virevoltant sur la feuille agitée par la brise rêveuse, traçant des arabesques déroutantes sur nos chemins de vie. Il avait toute ma confiance qu’il n’a bien évidemment pas déçue.

Vous avez été tous les deux, tous les trois si l’on rajoute ta famille, l’exemple de la complémentarité par la différence. Vous avez été solidaires dans l’effort, et le don de soi. Cette exemplarité, nous qui nous targuons parfois d’être irréprochables, a été à mon avis la cerise sur le gâteau. Si, et je ne le pense pas, certains de chez nous étaient arrivés avec la secrète intention de donner des leçons, de montrer où est le bien, avant de dénoncer le mal en un dogmatisme de mauvais aloi, ils ont dû ravaler leurs propos et regarder, écouter, apprendre, et, comme moi, être bouleversés par votre généreuse attitude.
Et si, par hasard, vous avez pu avec ta famille, retenir une chose, une petite chose de notre message dont j’ai pu faciliter la transmission grâce à vous et à Damien, hé bien tant mieux !
La rencontre avec les Lozériens et parmi eux les spéléologues, restera un moment rare. Nous avons, ensemble, contribuer à faire sauter les cloisons, les murs, les parois, et à rassembler ce qui est épar, sous la grande voute de la fraternelle humanité. Oui, nos mondes sont déplacés, mais pas tellement différents. Si la vérité était une lumière, disons que nos prismes dévient nos trajets, mais que la source est la même. En un retournement des choses, les buts le sont aussi. Redis à tes amis toute notre sympathie. La manière dont ils ont pris la parole et accepté d’échanger avec nous a constitué la réussite de cette démarche d’échanges.
Enfin, quelques mots plus personnels. Véro, et mes enfants qui se joignent à moi dans ces lignes, t’ont trouvée « très chouette ». Il parait même que « tu pèses ! » Imagines-tu bien derrière ce vocable abscons, la portée de la déclaration admirative et reconnaissante ? Quant à ta famille, Alain, Corine et bien évidemment Huguette, elle a remporté un vif succès et a provoqué un désir certain d’une suite dans cette rencontre.
A nous donc de passer de la parole à l’écriture.
Ma très chère Malo, je te redis ma sincère considération, ainsi que toute l’amitié sincère et fraternelle, d’un de tes coloca-terres.
PS : Bien évidemment tu peux faire circuler cette lettre auprès de ta famille et de nos amis. Très fraternellement,
Xavier Alzieu, V :. M :. du Réveil du Béarn.

2-Allocution du Samedi 9 mai-PCASUS

La Bécarrie, le 20 avril 2015

Mesdames, Messieurs, mes chers amis, VM, MMTTCCSS, MMTTCCFF, soyez les bienvenus.

Mesdames, Messieurs, mon amie Malo, c’est avec beaucoup de plaisir et d’humilité, que nous vous accueillons ce soir, chez vous, pour partager cette soirée exceptionnelle.

Exceptionnelle, elle l’est par le lieu que nous appelons « temple », de notre réunion que nous appelons « tenue », dans notre langage maçonnique. Mais exceptionnelle elle le sera également car nous allons vous faire partager des choses qu’habituellement nous ne montrons pas. Nous ne suivrons pas, et j’en suis le seul responsable, tout à fait ce que nos règlements nous imposent en présence de profanes, c’est-à-dire de non-initiés. Mais il n’y a ici que des proches : nos femmes, nos maris, nos enfants qui nous permettent de vivre notre engagement au quotidien, mais aussi des hommes et des femmes de confiance, qui nous l’ont manifestée, cette confiance, en nous prêtant ce havre magique, ce cadre magnifique, ces colonnes qui défient le temps comme l’apesanteur, nous invitant à nous élever et à nous dépasser pour le bien de tous, et de toutes.
Plutôt que d’expliquer ce qu’est la maçonnerie, nous allons vous la montrer. Nous vous demanderons seulement la plus grande discrétion sur ce que vous pourrez voir. Non pas car nous avons des secrets à cacher, mais tout simplement car l’expérience maçonnique est indicible, et que ce que vous allez vivre et ressentir, n’est tout simplement pas racontable ni sans interprétations, ni sans déformations, dues aux expériences de chacun et aux ressentis individuels. Il n’y a pas une maçonnerie, mais dix, quinze, mille ! Autant que de FM et de FMaçonnes. Alors, laquelle raconter ? Laquelle est la vraie ?
Oh, vous le verrez, notre rituel ne casse pas trois pattes à un canard, mais  celui que nous utilisons est le plus ancien en France, et ses origines remontent au XVIII e siècle. Ce n’est quand même pas si mal, et sa longévité s’explique par sa profondeur, sa plasticité et son efficacité sous des apparences simples, voire simpliste. Alors, Mesdames et Messieurs, ne vous arrêtez pas à ces apparences, mais partez à la découverte de ses profondeurs cachées. Nous allons le faire ensemble.
Le Grand Orient de France auquel nous appartenons presque tous ici, fondé le 22 octobre 1773 par le Duc d’Orléans, est la plus ancienne et la plus importante, par le nombre de ses membres, des obédiences maçonniques françaises. 50 000 FM et FMaçonnes y travaillent dans 1 200 LL.
Chaque FM possédant en moyenne un cerveau… parfois moins… mais très rarement plus, cela fait 50 000 encéphales mobilisés sur les mêmes causes, les mêmes questions, éthiques, morales, sociétales ou symboliques. Ca non, plus, ce n’est pas si mal.
Parmi ces questions, il en est une récurrente, mobilisatrice, à nos yeux fondamentale comme vous l’avez entendu tout à l’heure à l’ouverture de nos travaux : la « laïcité ». Elle n’est pas comme le prétend parfois la médisance, un combat anti religieux de notre part. Nous en avons une conception tolérante et salvatrice pour le monde de demain : la laïcité est le seul moyen de vivre, dans sa propre sphère privée, sa pratique religieuse ou de n’en vivre aucune, et ce dans le respect de la sphère publique et commune. La laïcité, c’est la liberté de croire ou de ne pas croire, de pratiquer un culte ou de n’en pratiquer aucun.
« Rien n’est plus contraire à la religion que la contrainte », a dit Saint Justin… Et dès 197 après J. C., il y a 1 818 ans, tout de même ! Tertullien dans l’Apologétique écrit : « C’est une impiété d’ôter en matière de religion la liberté aux hommes, d’empêcher qu’ils ne fassent choix d’une divinité : aucun homme, aucun Dieu, ne voudrait d’un service forcé. » Belle définition de la tolérance et appel au combat contre l’intolérance…
Cette dernière, l’intolérance, à mes yeux, ne peut produire que des hypocrites, ou des rebelles. En aucun cas la paix sociale et le bonheur de chacun. Mesdames, Messieurs, vous êtes ici et ce soir, dans le temple de la tolérance ! Soyez donc en paix, et heureux.
Les FM du GODF, sont des hommes et des femmes libres, courageux, engagés au service de tous et de chacun, dans un idéal de perfectionnement, certes difficile voire impossible à atteindre, mais à l’enjeu exaltant. Ils travaillent, beaucoup. Aucune des grandes questions de société ne leur aura été, ne leur est, ou ne leur sera étrangère. Du droit à l’avortement, au combat contre la peine de mort, de la procréation médicalement assistée à la protection sociale, de la dépendance en fin de vie au combat pour le droit de mourir dans la dignité, de l’éducation populaire à la lutte contre l’intolérance et le rejet de l’autre, de l’importance de la culture dans l’émancipation du citoyen à l’amour irrépressible de la Liberté, rien, aucune question ne leur est indifférente. Les débats sont parfois vifs entre nous, mais toujours respectueux de l’avis de l’autre et sans jamais aucun jugement de valeur. Notre façon de faire circuler la parole que vous allez découvrir et pratiquer, permet cette franchise fraternelle et germinale.

La FM n’est pas un pouvoir occulte, elle est un formidable moyen de progrès individuel et de proposition collective.

Je voudrais terminer en remerciant très sincèrement comme hier, nos VM et FFet SS visiteurs pour leur accueil,  leur bienveillance, et leur tolérance. Ils ont compris ce que nous voulions faire et l’ont accepté. Un clin d’œil, personnel, à Franck et Anne, Gérard et Chantal, mes prolongements. Et merci à tous nos FF et SS du Réveil dont l’aide et l’implication sont indispensables à la réussite de ce voyage. Enfin, et peut être surtout, merci à tous ceux qui nous permettent de vivre la FM au quotidien en acceptant nos absences, nos préoccupations, nos réunions… Je veux parler de nos conjoints et conjointes, de nos enfants, de nos amis. Rien ne serait possible sans eux. Rien. Merci encore à eux.

Mais il y a une mention spéciale à faire dans cette longue énumération. Celle pour la famille Passet qui nous accueille en se site. Je commencerai par l’élément que je connais le mieux : notre Frère Damien. Damien, tu nous as accordé aux uns et aux autres, une double confiance : à nous tes FF et SSen proposant ce projet de voyage. Et quand je t’ai dit : « Ok, on le fait » Tu as immédiatement compris que ce n’était pas une parole en l’air. Ta disponibilité a répondu à notre résolution. Mais double confiance car la situation t’a amené à te découvrir auprès des tiens, de ceux qui ignoraient encore ton engagement maçonnique. C’est une belle marque de confiance que tu leur as faite, à laquelle leur enthousiasme à répondu de façon formidable.

Merci également à toi Malo la très belle, la franc maçonne sans tablier, la grenouille du confessionnal ! Tu gères ce lieu emblématique de la Lozère avec tes deux frères Alain, qui est ici ce soir, et Roland, aidé en cela par Corine également indispensable au succès familial. Vous avez repris le flambeau paternel, et ce, de façon extraordinaire. Vous ne comptez pas vos heures et je sais que votre travail fait l’admiration de toute la région. Tous les contacts que j’ai eus avec les gens d’ici, font état de cette fierté de vous avoir.
Une pensée pour votre père, Ephrem, sur le compte duquel on m’a dit tant de choses touchantes et émouvantes, Ephrem, le nom d’une des douze tribus d’Israël, et pour Cathy qui ne renierait rien de votre action et de votre implication, surtout en cette date si particulière d’aujourd’hui. Tous les deux auraient été très fiers. Comme l’est sans doute Huguette qui tient cette si précieuse place au sein de votre famille. Je voudrais lui dire toute ma déférence, et mon immense joie de la rencontrer. Vous étiez bouchers, en 1 977 quand vous avez acquis cette grotte explorée en 1 888 par Martel, bizarrement l’année de naissance de notre Loge Le Réveil du Béarn. Je dois dire que vous avez bien plus de visiteurs que nous puisque vous approchez les 60 000 visiteurs par an. Belle réussite ! Il m’a été dit, Huguette, vous permettez que je vous appelle Huguette, de toute façon vous n’avez pas le choix, que vous avez pris une part fondamentale à ce succès. Cette tenue pas très protocolaire est aussi pour vous, Huguette, pour répondre à la question que vous avez posée à Damien : « Mais comment peut-on travailler du chapeau avec des gants blancs ? » Ma chère Huguette, j’espère vous amener une réponse au moins partielle ce soir.
Un dernier mot sur la spéléologie et le club de l’Engarenne dont Malo est présidente et Alain membre. Non, mais dites-moi tous les deux ? Qu’est-ce qui peut vous pousser à jouer à la corde à sauter à plusieurs centaines de mètres sous terre ? Vous n’avez pas passé l’âge de ces enfantillages ? Si j’osais, je dirais : « Arrêter de vous mettre Martel en tête ! »
A moins que … à moins que, sans le savoir, ou en le sachant d’ailleurs, vous ne jouiez aux apprentis francs-maçons. Nous avons un symbole, je vais vous le confier, car je sais qu’il ne sortira pas d’ici : VITRIOL. Il ne s’agit pas de l’acide sulfurique qui ferait bien des dégâts sur ces roches calcaires, et qui sert parfois de moyen expéditif pour rendre la justice immonde contre les femmes victimes de viols, justice rendue par certains males incultes qui insultent la conscience humaine, en défigurant et souvent rendant aveugles ces femmes, bousillant leur regard, expression de la féminité, regard qui renvoie aux bourreaux leur propre image qu’ils ne supportent pas. J’ai parfois honte d’être un homme.
Non, VITRIOL, cela veut dire :
Visita Interiora Terrae Rectificando Occultum Lapidem : visite l’intérieur de la Terre et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée. Ces initiales ont formé un mot initiatique, VITRIOL, qui exprime la loi d’un processus de transformation, d’amélioration, de perfectionnement, presque un commandement :
Descends au plus profond de toi-même et trouve le noyau insécable, sur lequel tu pourras bâtir une autre personnalité, un homme nouveau, une femme nouvelle. Confucius disait : « fends le cœur de l’homme tu y trouveras un soleil. » VITRIOL, c’est un de nos symboles fondamentaux. Vous le voyez, pas si éloignés du monde de tous les jours…

Un petit mot pour la petite Dalva, la fille de Damien et Malo… Dalva, littéralement, celle qui écoute, c’est l’émouvante pudeur de Jim Harrison, amoureux de la terre, attaché à cette force vive que nous donne la vie, principe de renaissance, de renouveau et de transmission.

Merci donc à tous, et à ceux que j’ai oubliés. Il me faut maintenant me taire, car mieux vaut se taire et passer pour un imbécile, que de parler et ne laisser plus aucun doute sur le sujet. Une dernière chose cependant : nous venons de fêter les 250 ans de la réhabilitation de Jean Callas, protestant accusé du meurtre de son fils et assassiné par les juges catholiques de Toulouse. Voltaire termine son traité sur la Tolérance écrit pour la réhabilitation de Calas, par ces mots : « cette sombre superstition qui porte les âmes faibles à imputer des crimes à quiconque ne pense pas comme elles. »… « Cette sombre superstition qui porte les âmes faibles à imputer des crimes à quiconque ne pense pas comme elles. »  Mesdames, Messieurs, mes SS, mes FF, je vous en conjure, ne soyons donc jamais faibles.

Mesdames, Messieurs, VM, mes SS, mes FFnous allons poursuivre l’ordre du jour, j’ai dit.

3-Allocution (bis)du vendredi 8 mai 2015 Grotte de Dargilan

VM, MMTTCCSS, MMTTCCFF, MTCF Damien,

Nous y voici, enfin, dans cette grotte ! Quelques mois pourtant à peine après avoir relevé ce défi qui jusque-là n’était qu’un projet un peu fou, de ceux que l’on tient après les tenues du Réveil, quand la fatigue, la fraternité, et avouons-le, la poudre forte, libèrent la parole, l’esprit, l’imagination, en un enthousiasme touchant d’adolescents inconscients. Mais bizarrement, une fois rentrés, une fois la nuit passée, une fois les vapeurs enivrantes estompées, on sait bien que notre parole engage, et qu’il faut passer de la parole à l’écriture, comme le dit le poète René Char. La liberté vagabonde de nos esprits doit trouver un prolongement réel, concret, se réaliser en somme, car la parole d’un FM, même dans ces moments débridés, est toujours responsable et engageante.

Je savais pouvoir compter sur mon collège des Off Off, et sur la commission rapidement montée. Je savais pouvoir compter sur toi, MTCF Damien. Et sur ton épouse Malo, touchante de sincérité, et qui a pris immédiatement la mesure de l’enjeu.

Une fois l’autorisation du Conseil de l’Ordre reçue, encore fallait-il partager le projet avec les LL locales. C’est mon truc, ma façon de voir, de faire et de vivre : partager et partager encore. Le contact avec les VM d’ici a été d’une facilité et d’une simplicité extraordinaires avec pour seul but une fraternelle communion. Votre présence ici, VM, MMTTCCFF Jean Michel et Noël, MMTTCCFF visiteurs, concrétise cette fraternité sincère. Je vous en remercie. Vous avez accepté de plancher et c’est avec une immense joie et avec beaucoup d’attention que nous allons vous écouter.

Ce soir, mais également demain, nous prendrons certaines libertés avec les rituels. J’en assume, seul et par avance, toute la responsabilité. A circonstances particulières, comportement particulier. La transgression est nécessaire à des situations imprévues par nos textes. J’ai prévenu les VMvisiteurs de ces entorses aux habitudes et ils les ont comprises et acceptées. Pour la TBO de demain par exemple, ceux qui voudront porter leurs décors pourront le faire. Mais il n’y a bien évidemment aucun caractère obligatoire. Ce n’est pas réglementaire, mais l’investissement des profanes qui nous accueillent en ces lieux, mérite bien certains égards, et toute notre reconnaissance.

Cette grotte, je l’ai visitée trois fois par le passé avec Véro et mes quatre gamins, bien avant que Damien soit initié et que je le connaisse… et reconnaisse comme F. Elle est superbe, et malgré l’intemporalité des lieux dont la maturation se compte en siècles et millénaires, goutte par goutte, millimètre par millimètre, nous renvoyant à notre condition d’épiphénomène éphémère, de bipèdes pensant mais momentanés,  ce soir, elle prend un charme tout à fait particulier.

Notre réalité tient davantage en ces lieux, de l’ombre et de l’immatérialité, que de la réalité physique. Platon est là qui nous invite et nous interroge.  Armée des ombres, nous le sommes ce soir avant de l’être demain, où les périls extrémistes du monde profane nous pousseront, sans aucun doute possible, à prendre les armes de l’engagement citoyen. Faute de quoi, le royaume des ombres ne sera plus confiné en ces lieux magiques et souterrains, mais étendra ses ailes sombres sur nos plaines devenues infertiles et pestilentielles. Le crépuscule rallonge les ombres, la lumière descendante du soir est inquiétante de beauté pourtant fascinante. L’ombre ouvre la porte aux ténèbres.
Mais le chemin du sage est celui de la limite entre l’ombre et la lumière.
Il est midi, venons-nous de dire, l’heure de l’ombre la plus courte, où les mondes tangible et intangible se chevauchent, et où les FM ouvrent leurs travaux. La lumière qui éclaire ce temple est celle de la fraternité, de la confiance, de la loyauté. Et si les lumières de la raison ont aussi leurs zones d’ombre, la présence rassurante de l’éternité de ces colonnes, apaise notre sentiment de responsabilité envers l’avenir. Pourtant, la FM ne doit pas être la grotte refuge du FM qui a peur du monde profane. Si elle était ce refuge, elle deviendrait le caveau de nos buts et de notre mission. L’initié doit être au service d’autrui, sa vie le dépasse et il n’appartient plus qu’aux autres. L’initiation n’a de sens que si elle est au service du plus grand nombre. Alors, mes FF, mes SS, sortons de nos cavernes, de nos grottes, de nos refuges, et prenons nos responsabilités. Allons à la rencontre du monde extérieur en même temps qu’à la rencontre de nos limites. Dépassons-les car nous n’avons pas le choix, l’enjeu est de taille mais exaltant. Si nous ne défendons pas nos valeurs, qui le fera ? Si nous ne les propageons pas qui s’en chargera ?

Le Réveil du Béarn a 127 ans. L’âge de la découverte de cette grotte. Curieux parallèle qui me conduit à une réflexion : la famille de Damien, la famille Passet, s’investit au-delà de ce qu’il est imaginable pour faire connaitre et partager ce patrimoine extraordinaire. Et nous, nous en sommes encore à nous interroger sur la nécessité de l’extériorisation ! Mais qu’attendons-nous donc ? Qu’en fermant les portes de nos temples devenus des grottes stériles, la lumière qui les éclaire rayonne tout de même sur l’Univers ? Non ! Chacun, muni de son flambeau, allumé au feu commun de nos tenues, doit être conscient de son devoir de partage et d’exemplarité. C’est ce que nous essaierons de faire avec nos familles et nos amis durant ces deux jours, en particulier avec la TBO de demain. Mais nous devons, vous le savez, aller bien au-delà. Nous devons quitter le confort de nos LL. Le FM n’a que faire de confort ; il aime le déséquilibre, et même le danger. Non, nous ne laisserons pas faire !

Je vous remercie tous, simples participants mais raison d’être de ce voyage, ou bien plus impliqués dans l’organisation sans lesquels rien n’aurait était possible, les LLamies et locales qui nous ont prêté du matériel, et jusqu’à Damien qui m’appelle désormais à 1 h 30 du matin, pour m’a-t-il dit, s’adapter à mon rythme. Merci donc encore à tous pour votre présence. C’est pour moi une grande joie et je dois dire une certaine fierté.

VM, MMTTCCFF, MMTTCCSS, soyez tous les bienvenus, et partageons ces moments par la pensées avec tous ceux, restés à Pau, qui auraient tant aimé être parmi nous.

J’ai dit.

4-Planche du F.°. D .°.Dho.°.

Mesdames, Messieurs, mes chers amis, ma chère famille, VM, MMTTCCSS, MMTTCCFF,
Se réunir dans les profondeurs d’une grotte pour y assister à une tenue maçonnique pourrait se révéler incongru. En effet, ici le taux d’humidité de 90% avoisine celui du Béarn. Et face à une température de 10°C, les plus frileux d’entre-nous ont du chausser des gants blancs et se parer de tabliers imperméables, cordons et sautoirs faisant mesure de protection individuelle contre les éclaboussures d’éventuelles gouttes d’eau pouvant tomber de la voute calcaire.
Les non-initiés pourront spéculer mais il comprendront maintenant que les FM souhaitent se mettre à l’abri, et que leur accoutrement déroutant est essentiellement une mesure de protection contre d’éventuels éclaboussures ou éclats qui pourraient les altérer.
A l’instar des premiers explorateurs de grottes, nos ancêtres maçons n’avaient d’autres moyens d’éclairage que flambeaux et bougies pour éclairer leurs travaux. On y retrouve ici ces flammes briller sur les différents plateaux.
Car, vous l’avez bien compris, en FM, tout est symbole…
Parce que les FM voient en chaque mot une métaphore, ce décor souterrain constitue un symbole, une terra incognita à explorer. Et pour mieux l’appréhender et lui donner tout son sens, quel meilleur endroit pour traiter de la caverne que dans la caverne elle-même ?
Je partage depuis presque 20 ans ma vie entre la ville et la campagne. Une campagne magnifique, celle des Grands Causses, plateaux calcaires ondulés où l’eau s’infiltre sans ruisseler. L’eau pénètre dans la roche en y creusant des vides, avens ou grottes. J’ai le privilège de séjourner ici une partie de l’année, accroché aux falaises d’où débouche l’entrée d’une grotte. Je me sentirais presque privilégié.
Je commencerai par ouvrir ma caverne et reviendrai sur quelques anecdotes du passé. Car chaque homme a sa propre caverne et pour citer Jean-Pierre Bayard « chaque grotte est un des nombrils du monde ». Et puisque nous parlons de nombril, ma naissance fut quelque peu mouvementée. N’ayant pas réussi à m’extraire de la matrice par les voies naturelles, j’ai du être ébloui par les premiers rayons artificiels de lumière du jour sous une couveuse, sorte d’antichambre, entre la grotte originelle et le monde extérieur. Ma légère claustrophobie serait-elle liée à cette difficulté première de n’avoir pas pu passer la première étroiture qui mène vers la vie ?
A l’image du spéléologue en progression dans un labyrinthe inconnu, pour avancer dans sa vie il faut savoir être vigilant et persévérant. L’expérience, les rencontres et l’accompagnement aident au cheminement, surtout si on souhaite descendre dans les entrailles de la Terre. J’ai eu la chance d’être initié en 1991… mais à la spéléologie dans la rivière souterraine de Bramabiau. J’avais à cette époque 3 maitres à penser : 2 barbus et un joueur de cabrette que vous n’aurez nulle peine à identifier dans l’assistance même quelques 25 années après. Alors merci Pierre, Alain et Daniel, merci Christine et Pétacaillou, car cette initiation souterraine a largement participé aux fondations de mon aventure personnelle. Mon attirance du monde du dessous, probablement en raison de son mystère et de sa beauté, m’a d’abord conduit à participer à des chantiers de réhabilitation du patrimoine souterrain, à Pontoise. Est-ce un hasard ? Car E.-A. Martel, premier explorateur de Dargilan était précisément né à Pontoise. Vous comprendrez mieux pourquoi je fus rapidement attiré par la conservatrice de la grotte de Dargilan. Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour dire que la grotte est à ton image Malo: tempérament constant toute l’année, naturelle et vivante, fragile et cristalline, avec des couleurs et un naturel accentué, à la fois proche et inaccessible, brillante, impressionnante et captivante de part ses dimensions humaines, et avec encore de nombreux réseaux cachés à découvrir.

La caverne, cet univers mystérieux qui fascine par sa richesse infinie. Cet écrin qui ne se révèle pas à celui qui habite au dessus, mais qui nous livre des richesses une fois l’entrée passée. Elle représente à la fois le ciel, dont les gouttes d’eau accrochées aux stalactites forment la voûte étoilée, et la porte du royaume des ténèbres et des esprits.
Dans cette nuit souterraine et hermétique où il n’existe plus ni d’espace et ni de temps, nos points de repères habituels sont faussés. Qui pourrait me dire où est le nord? Je vous donne un indice… je suis à l’Orient. Quelle heure peut-il être? Vous serez surpris après ce passage dans la pénombre de redécouvrir la lumière du jour une fois sorti.
Il est temps d’explorer et d’inventer ; car l’inventeur est bien celui qui découvre et explore pour la première fois une grotte.
Le mot grotte est issu du latin crupta ou crypta qui a lui-même pour origine le mot grec kruptein qui signifie cacher ou couvrir. Pour le Robert, la caverne est une cavité naturelle dans la roche alors que la grotte est une cavité plus vaste. Pour le Larousse, c’est l’inverse tout en précisant que la grotte peut être artificielle. Il n’y a donc pas de consensus dans la langue française pour les sens des mots grotte et caverne. J’emploierai donc indifféremment ces mots dans ma présentation.
Les cavernes sont devenues dès la préhistoire des lieux de culte. Elles figurent dans les mythes de renaissance et d’initiation de nombreux peuples. On en tient pour exemples les grottes sépulcrales du Néolithique, le lieu du culte initiatique de Mithra pendant le Bas Empire Romain, le lieu de la naissance de Jésus dans la grotte de la Nativité, celui de la révélation de Dieu à Mahomet dans la grotte de Hira, et plus près des béarnais, le lieu des visions de Bernadette dans la grotte de Lourdes.
La grotte de Dargilan a été inventée en 1888 par E.-A. Martel, autre coïncidence troublante car correspondant à l’année d’installation de notre loge maçonnique à Pau. Dargilan aurait été creusée il y a une douzaine de millions d’années. Depuis cette époque, l’action conjuguée de chaque goutte d’eau, se frayant chacune un chemin dans la masse calcaire, a contribué à la mise en place d’un réseau souterrain. La majorité des gouttes a emprunté les fractures préexistantes, ne s’écartant pas d’une route conventionnelle et linéaire déjà toute tracée. D’autres ont préféré s’en écarter, emprunter un cheminement qui leur était propre, explorant des territoires plus âpres à creuser. Dans la grande salle qui nous accueille, deux rivières se sont rejointes. Considérant la taille imposante de la salle dont la voûte parfaite stabilise l’édifice, il semblerait qu’une troisième rivière et donc une troisième voie resterait encore à découvrir.
L’action chimique de l’eau est prépondérante sur l’action mécanique des rivières souterraines dans le creusement des grottes. La patience d’un goutte-à-goutte serait-elle donc plus efficace que la force vice d’une eau qui courre ? L’action conjuguée des deux permet cependant le creusement le plus parfait. Paradoxalement, cette destruction de la matière permet en retour l’édification des splendeurs cristallines qui nous entourent.
Après s’être nourrie du calcaire, la goutte arrive en équilibre au sommet de la voûte. Elle observe l’espace avant d’entamer sa chute verticale, à l’image du fil à plomb cher aux FM. A son impact au sol, la goutte dépose patiemment son lot de calcite et se fait bâtisseur. Goutte après goutte, elle construit des splendeurs de minéral pur. A raison d’un cm par siècle, les cathédrales à bâtir prennent ici 500 000 ans.
Et puisque nous parlons de cathédrales, nous sommes ici réunis… dans la Salle de la Mosquée avec son minaret qui côtoie derrière elle la Salle Rose sur laquelle veille une vierge à l’enfant suivie par… un Père Noël. Dans la caverne, tous les symboles se mêlent et s’entremêlent, ceux de l’Islam, des catholiques et des païens. La caverne représente ici le ventre fécond ou une allégorie de la laïcité.

Dans son allégorie, Platon définit la caverne comme notre monde sensible, celui des apparences. Dans la caverne, les hommes sont enchaînés et ne pensent accéder à la vérité qu’au travers des ombres qu’ils voient se projeter sur le mur face à eux. Ils prennent pour réel ce qui n’est que le reflet d’une image et vivent alors dans l’illusion. Pour Platon, nous croyons connaître notre monde mais nous sommes prisonniers de ses apparences et restons enchaînés à nos certitudes.
La marche vers la connaissance se fait par la délivrance de ses liens et l’ascension hors de la caverne, vers la lumière. Cet accès au monde intelligible nécessite de prendre des risques. La connaissance est gagnée après du travail et des efforts. Une fois la connaissance acquise, l’homme instruit pourra regagner la caverne pour libérer les prisonniers, leur offrant ainsi la possibilité d’engager leur chemin de réflexion personnel.
Le mythe de la Caverne de Platon est donc une représentation de la réalité de ce que peut vivre une personne faisant son propre chemin de réflexion, à l’image du chemin que souhaitent suivre les FM. Ainsi, les vérités qu’ils ont acquises ne doivent pas être réservées pour eux-mêmes mais ils doivent savoir les offrir aux autres, comme une sorte d’accomplissement d’un devoir auprès de leurs semblables.
Le Grand Orient De France a fait le choix d’une politique d’extériorisation et d’ouverture, notamment lors de tenues blanches ouvertes aux profanes comme celle-ci. Cette extériorisation a lieu aujourd’hui de manière très symbolique, à l’intérieur d’une caverne, à l’image du mythe de Platon. Notre désir est avant tout de montrer que nous sommes des citoyens comme les autres, avec des idées profondément humanistes basées sur la Liberté, l’Egalité, la Fraternité et la Laïcité. Notre souhait est bien de construire ensemble, dans cette grotte, espace vivant à l’image de cette assemblée. Ensemble nous pourrons plus facilement dépasser nos préjugés et construire lentement mais solidement, à l’apparence du monde minéral qui nous entoure.

Ainsi, l’Homme est prisonnier du monde des ombres, qu’il croit devoir connaître mais qu’il ne connaît pas. Pour accéder au savoir et à la vérité, il devra emprunter un chemin long et semé d’embûches, suivre un décale souterrain à plusieurs niveaux. Cependant, avant d’atteindre les paliers supérieurs le menant vers la sortie, l’Homme devra descendre au plus profond de la caverne, de sa caverne, pour y trouver la source d’eau pure et s’y abreuver avant d’entamer sa lente remontée. L’Homme ne sortira de la caverne qu’en se corrigeant, en se rectifiant. Et enfin libéré, il verra la lumière.
J’ai dit.

5-Planche du F.°. J .°. Delf.°.

Sous le Causse, les profondeurs – pour se faire peur – pour se reconstruire

Me voici à nouveau dans une grotte, dans le noir, mais avec un peu de lumière, celle de l’éclairage électrique, et non la pâle flamme de la calbombe que nous avions en Spéléologie. La Spéléologie, les profondeurs, un univers que j’ai pratiqué dans ma jeunesse en Périgord et que je ne fréquente plus qu’en touriste. Ce soir, c’est différent, je suis venu avec des Maçons et des Maçonnes, je suis en Languedoc, et non en Aquitaine, et surtout je suis avec  mon F Damien.
    Les cavernes, elles m’interpellent à plusieurs titres. En tant que géologue, un métier durant lequel j’ai plus spécialement étudié le calcaire, en particulier, ici, dans les Grands Causses, où j’ai conduit étudiants et pétroliers durant plus de 10 années, – mais aussi en qualité de Périgourdin, sachant qu’il existe un monde dans le calcaire des profondeurs invisible, mais bien présent – et surtout en tant que Maç car la caverne est un mythe récurrent dans toute la symbolique Maç /
    Un  souvenir, vieux de plus de 50 ans : Mai 68, avec un beau slogan : « sous les pavés, il y a le sable », c’est-à-dire la facilité et la sensualité des bords de mer. Ici c’est différent, nous sommes dans le réel, sous le Causse aride, dans le calcaire où on trouve l’inquiétude, un environnement mouvant, incertain, froid, humide, un monde hostile où peuvent errer les morts, un monde qui fait peur. Mais c’est aussi un lieu complexe où la vie est présente, associée à l’eau, avec ses animaux cavernicoles, allant des insectes aux chauve-souris, autrefois aux ours. La Vie, ce sont aussi les spéléos, mes frères en exploration, les touristes et, parfois, les compagnons en recherche de vérités, donc d’eux-mêmes. En somme, un itinéraire sous terre, une descente, des longs cheminements dans le noir puis une remontée vers la lumière.

I – UN PEU DE GEOLOGIE
    On ne se refait pas, la Géologie c’est comme Normale Sup ou la vérole, il vous en reste toujours quelque chose. Rapidement, je vais survoler 3 termes.
    1. Le karst.  Ce vocable exprime la morphologie d’un pays là où le calcaire a été dissous par l’eau chargée de CO2. Cette eau quitte la surface pour disparaître en profondeur (on parle alors d’une perte) et elle parcourt un réseau naturel. Le calcaire peut s’y redéposer en se cristallisant. Il forme des concrétions, des merveilles naturelles qui ne se révèlent que par l’éclairage. Puis l’eau ressort à la surface, après un long trajet. Le terme est une résurgence.
    2. Les cavités naturelles formées par dissolution, associée à des avens, résultant d’effondrement, ont toutes les tailles, depuis le pores millimétriques qui peuvent renfermer du pétrole et du gaz jusqu’aux grandes cavités aux dimensions gigantesques, telles la Pierre-St-Martin dans les Pyrénées Occidentales. Tous cela constitue d’importants réservoirs d’eau qui furent utilisées de tous temps. C’est un environnement obscur et les rares animaux qui y vivent en permanence sont aveugles. Il est très humide, avec un taux d’humidité qui peut atteindre 90 %, mais la température y est constante, et fraîche, sans plus.
    Les hommes préhistoriques ont fréquenté ces cavités en laissant sculptures et peintures. Puis seuls quelques téméraires s’y sont aventurés, laissant des inscriptions, on dirait actuellement ders tags. Toutefois certaines cavités ont été utilisées afin d’affiner les fromages, comme à Roquefort avec ses fleurines ou dans les Asturies pour le célèbre Cabrales. Récemment, en Bigorre, à Bétharam, nous avons procédé à une expérience de vieillissement de vin, du Madiran. A l’abri de l’oxygène, en milieu humide, avec une température constante, les vins évoluent peu et conservent leur fruit. L’an dernier, je vous ai fait goûter 2 bouteilles pour comprendre la différence entre un vin en grotte, en milieu humide, et un vin élevé à l’air. Plus généralement, on sait que dans de nombreuses régions françaises, on conserve les vins dans les cavités creusées dans la craie, en Champagne, ou dans des caves du calcaire bourguignon.
    Question : où Damien a-t-il planqué ses bouteilles ?
    3. Les grottes artificielles
    C’est un monde à part, qui a ses admirateurs, dont je fais partie. Les noms varient : crozes, caves, troglos, cluzeaux. Ces structures existent surtout en pays calcaire là où la roche est facile à creuser. Parfois ce sont d’anciennes carrières, mais souvent il s’agit de véritables habitations, qualifiées de souterrains refuges. De tous temps, elles ont servi d’asiles temporaires durant les invasions barbares, le Moyen Age, les guerres de religion, la Résistance et, dans le Nord de la France, près du front, lors des deux guerres mondiales. Donc une fonction de refuge, et aussi de stockage des grains, avec tous les mythes de trésor, pensons à Ali Baba et les 40 voleurs. Ils peuvent être des habitats permanents car dans de nombreuses régions de France les hommes ont vécu dans des maisons dont 3 côtés étaient taillés dans le roc. Ces habitats troglodytes, autrefois occupés par les populations les plus pauvres, sont devenus très tendance. Ils sont aménagés en chambres d’hôte, ou restos pittoresques, comme sur les bords de la Loire creusés dans le tuffeau. Toutefois, il existe des structures plus anciennes avec des signes gravés dans la paroi par les ouvriers carriers, par les réfugiés de toutes sortes. Parfois ce sont de véritables sculptures complexes en ronde-bosse. Elles témoignent de rituels secrets des compagnons tailleurs de pierre, nos lointains Fr opératifs.

II – CELA  NOUS CONDUIT A ABORDER LE CORPUS SYMBOLIQUE ASSOCIE AUX CAVITES
    De tous temps, les sociétés traditionnelles, je ne dis pas dégénérées, mais archaïques au sens noble du terme, c’est-à-dire ayant conservé la richesse des pensées primitives, ont élaboré des légendes, des mythes associés aux profondeurs. Je ne sais pas énumérer toute l’éthnologie relative aux cavités. Je ne vais retenir que 4 exemples.
    Auparavant, précisons quelques thèmes communs.
    – La Mort. Le monde des morts qui hantent les profondeurs, c’est un classique de toutes les civilisations, du moins celles qui ne rêvaient pas d’un paradis éthéré caché dans les nuages. Ce sont les enfers, séjours (transitoires ou éternels) des morts, ou de leurs âmes qui voguent sur des barques ou qui franchissent des seuils, des arches, des voûtes.
    – Les Racines. Dans les profondeurs, on trouve les racines, aux deux sens du mot : – le sens anatomique : les organes des plantes qui se nourrissent et se fixent,-  et le sens figuré, les fondements, souvent inconscients, de nos personnalités liées à nos lieux de naissance et à leurs philosophies.
    – Le Sacré. Il est sûr que les profondeurs, après l’effroi initial, conduisent au sacré. Le sacré, par forcément religieux, mais exprimant le sentiment intime d’appartenir à la Nature, à ses mystères, à son énergie vitale.
[Une anecdote : Lili]
    Vient alors le rôle initiatique de ces marches dans les ténèbres avec pour guide juste une faible lueur, notre propre lampe, qui rayonne du Moi profond. Un cheminement souvent seul, parfois guidé par d’autres hommes, vers un but lointain à découvrir.
[Encore un souvenir : à Chinon]
    1. Commençons par la mythologie grecque, qui fait partie de notre culture occidentale au moins autant que les traditions judéo-chrétiennes. Pour les Grecs, il existe les Enfers, lieu d’errance des morts emportés sur le fleuve Styx par le passeur Charon. Ils ont créé le beau mythe d’Orphée veuf éploré qui retrouve son Eurydice mais ne peut la ramener à la surface. De fait, ce sont les souvenirs de vieux mythes agraires : les grains, après un séjour souterrain, renaissent au printemps. Un cycle mort-résurrection, très beau mais qui ne s’applique pas physiquement aux hommes mortels. Ajoutons Platon, et sa caverne, une image de la condition humaine et de la vérité dont on ne voit qu’une ombre projetée sur les parois par je ne sais quelle lumière extérieure.
    2. Seconde pratique des cavités : en Extrême-Orient, comme lieu de retraite. Le Bouddha lui-même en avait donné l’exemple, en s’enfermant pour méditer. De nos jours, les ésotéristes occidentaux cherchent à revivre cette pratique, même dans une cave à Manhattan au début du XXIe siècle comme le fit Rimpoché, l’auteur du livre « La prière m’a guéri ». En Chine, aux Indes, au Pakistan, ces cavernes, ou du moins leurs entrées, sont des lieux de culte, parfois de véritables monastères, avec les grandes statues de Bouddha que les fous intégristes de Islam dynamitent. Cette culture des falaises, et des grottes qu’elles renferment, est omniprésente de l’Afrique, Bandiagara en pays Dogon, aux Sites Pueblos du Nouveau Mexique. De même en Europe, des cavités ont été occupées par les ermites, comme à St Juan de la Pena en Aragon.
    3. On doit aussi évoquer les grottes peintes par les hommes de la Préhistoire, à la fin de l’Age du Renne. Elles restent mystérieuses mais il est sûr qu’elles sont plus qu’une simple galerie artistique, elles participent à un Sacré. En effet, les Préhistoriens ont montré une organisation spatiale avec la répartition des animaux suivant un schéma très structuré : une approche, surtout marquée par des signes géométriques, puis une à deux salles et enfin un réduit final. De même Leroi Gourhan et son équipe ont établi que le choix des espèces animales n’est pas aléatoire, pas plus que les signes. La structure de ces ensembles est binaire. Elle témoigne d’une solide pensée. L’analogie avec le Chamanisme est tentante. C’est une belle hypothèse.
    4. De la Préhistoire, nous passons aux Basques. Dans la montagne basque, les cavités sont identifiés par une terminologie précise. C’est le lieu de vie d’êtres complexes, eux aussi héritiers des religions chamaniques : le Serpent, Sugaars, les fées, les gentilles Lamines et la grande divinité des profondeurs, Maya, devenue Maria par naturalisation. Progressivement, les curés ont christianisé ces mythes en associant Maya à la Vierge qui bien sûr fait de la spéléologie dans les Pyrénées Occidentales, en particulier à Lourdes. Et comme toujours, cela mutile les croyances initiales en les ramenant à quelques concepts simplistes, particulièrement ambigus avec l’exaltation de la virginité.

III – ON NE PEUT PAS PARLER DE LA SYMBOLIQUE DES GROTTES  SANS ABORDER LA PSYCHANALISE 

N’ayez pas peur, ne connaissant que ce que j’ai pu lire dans les ouvrages de vulgarisation de type Que sais-je, je ne ferai que survoler le sujet. De toutes façons, la psychanalyse, comme la Maçonnerie, elle ne s’apprend pas dans les livres, elle s’acquiert en la mettant en pratique, en l’occurrence durant une analyse.
    1. Les profondeurs constituent un thème classique des psychanalystes, en particulier chez Jung qui a élaboré une psychologie dite des profondeurs. Nous savons plus ou moins de quoi il s’agit : c’est l’inconscient, accumulation des matériaux refoulés ou enfouis. L’image de la grotte s’impose même si son existence dans le cerveau n’est pas établie. Les études récentes montrent des localisations, dans divers sites, mais de corps creux, tout au plus un réseau de neurones. Ainsi, tout homme porte ne lui une part d’ombre parfois malsaine, toujours angoissante. A l’image des recoins , tombeaux, placards de Barbe Bleue, ils ne doivent pas être ouverts, surtout pas à l’Infini.
    2. Dans ces profondeurs, humides, nauséabondes, doivent vivre des montres hideux, méchants, apeurés par la Lumière. Les légendes traditionnelles parlent de ces créatures souterraines, le plus souvent néfastes, parfois bienveillantes, toujours l’ambivalence dialectique. Les inconscients collectifs, peut-être le seul point commun à tous les hommes, avec leur faune de dragons, de vampires, de serpents. Auprès des jeunes, les succès actuels de tout ce qui touche aux dinosaures est vraisemblablement un souvenir de ces peurs. Comme le minotaure, comme tous les monstres mythiques réfugiés dans les cavités marines, nous devons les affronter. Les affronter pour les amener en pleine lumière, ou debout à la faible lueur de la lampe frontale du spéléo, puis à la lumière plus éclatante de la Raison. Il est illusoire de vouloir les chasser définitivement, mais une cohabitation est déjà un grand pas vers la vie bonne.
    3. Cette descente dans les profondeurs, avec l’introspection, conduit à rencontrer les peurs, en cheminant au milieu des scories accumulés durant les épreuves de la vie. Mais l’Avenir, car il y a toujours une espérance, impose de s’arrêter en chemin. La remontée est lente, silencieuse, parfois avec des compagnons. Revenu à la lumière, on doit rassembler les débris rencontrés et avec ces nouvelles pierres reconstruire un monde, notre monde, notre maison, où l’on pourra afficher des photos de l’aventure sous terre et ranger cordes, casques, échelles. Descente, remontée, reconstruction, nous sommes au coeur du processus maçonnique.

IV – ET NOUS VOICI ARRIVES A CE QUI NOUS REUNITS: 

la pratique maçonnique, passant du noir du Cabinet de Réflexion au Temple, tour à tour sombre et lumineux.
    1. Le premier contact avec la Mac/ a lieu dans ce Cabinet de Réflexion. C’est un choc, toutes les impressions d’initiation en témoignent. Les interprétations sont multiples. On pense, bien sûr, au retour dans la matrice, dans le ventre de la Mère. Mais ce n’est pas que cela ; c’est aussi la Chrysalide où le profane fait sa mue. Et là, le symbole est fort, le passage de l’imago immature à l’adulte encore maladroit. Théorisons : tout ce processus évoque l’alchimie, l’œuvre en noir, l’œuf initial. Enfin, retenons la sentence VITRIOL : Visite l’Intérieur de la Terre et en rectifiant tu trouveras la Pierre Occulte. Ces profondeurs, nous y sommes redescendus. Mais ce soir, nous ne sommes pas seuls, nous formons un groupe fraternel. Et l’aventure prend un tout autre sens.
    2. La Terre, c’est bien sûr un des quatre éléments fondamentaux qui sont présentés à l’Ap/ lors de son initiation. Maintenant, ce n’est plus le géologue qui commente, encore que… Héritier de toute une tradition agricole, de la Terre Nourricière, la Terre je doit la respecter et ne pas la salir. La Terre mère, à l’image de ces idoles féminines néolithiques, très nombreuses dans le Causse, statues qui évoquent la fécondité et qui, pour moi, ont un sens plus riche que la conservation de la virginité. Mais passons !!
    
    Le géologue parle à nouveau : pour les agriculteurs, c’est le sol qui est travaillé, le sol plus ou moins meuble dans lequel s’enfoncent les racines. Dessous, il y a la roche où les racines puisent l’eau. Parfois elles descendent très profondément dans les fissures ; il existe des grottes où l’on observe les racines de chênes vivant 30 mètres plus haut. Les racines, l’eau, cette terre ne saurait être un monde inerte, purement minéral. Elle renferme la Vie. Donc la descente est une rencontre avec l’élément primordial. Il sera suivi d’un contact avec l’eau, puis l’air, deux autres composantes vitales. En surface, on retrouvera le soleil, le feu, ultime élément qui réchauffe mais qui anéantit. Toujours la dualité du vécu !!!
    3. Les cavités sont également un support symbolique riche et complexe. Soyons schématique :
        – Au départ, cavités, grottes, caves, souterrains constituent une architecture profonde qui se développe sous nos pieds et ce particulièrement sous les constructions humaines parfois avec de très belles voûtes dans les vieilles villes.
        – Dans ces voûtes, il est possible de trouver des bouteilles, un souvenir de nos prédécesseurs. C’est sécurisant. Mais il n’y a pas que cela. On y découvre aussi des objets laissés par nos prédécesseurs parfois simples outils, éventuellement des bijoux précieux. Parfois les parois portent des inscriptions. Donc les souvenirs de nos prédécesseurs, souvenirs matériels mais aussi spirituels.  Utilisons le mot juste. C’est la Tradition. Pour la rencontrer, il faut descendre des marches, s’éclairer avec une torche, cheminer le long de parois où se projettent nos ombres vacillantes, inquiétantes.
        – L’ombre, le cheminement, la quête, tout cela nous conduit au sacré, un sentiment essentiel pour les hommes et qui ne saurait être l’apanage des seules religions. Dans les profondeurs, nous communions avec le sacré, totalement terrestre, totalement porté par la matière, les philosophes parlaient d’immanences. Plus simplement, nous dirons le milieu humain, ici bas, sur et dans la terre, la terre des hommes.
    4. En attendant  l’immobilité définitive dans une tombe, nous ne restons pas figés. Nous bougeons au rythme de la Vie. Nombre de religions procèdent à des processions et des pèlerinages dans les profondeurs. Les Maç/ s’y déplacent aussi, on dit qu’ils voyagent. Dans les grottes ornées de la Préhistoire, une longue marche est nécessaire pour accéder aux salles peintes. Je pense à Niaux et ses centaines de mètres de parcours pour accéder aux salon des Bisons. C’est un modèle général. Nombre de sanctuaires comportent aussi couloirs et vestibules pour arriver but, le Saint des Saints. Citons les sanctuaires dédiés à Mythra qui avaient une disposition analogue à celle de nos T/ Maç/ , comme on peut encore le voir dans la crypte troglodytique d’Aubeterre. Toutefois, pour nombre de Maç/: ce Saint des Saints, c’est nous, notre Moi, que l’on approche en passant de l’effroi à l’harmonie.
    Il n’est pas question de rester sous terre. Le mouvement dans le plan vertical est double : descente/remontée, remontée vers la lumière, la vie, la cité, les autres. Evoquons un beau récit, le célèbre roman de Jules Verne, « Voyage au centre de la Terre ». Tout un itinéraire symbolique !!! Revenu à la lumière, on doit rassembler les débris retrouvés et, avec ces pierres, reconstruire un monde, notre maison, notre monde. Si le voyage a été bien conduit, la personne qui remonte diffère de celle qui est descendue. Après un temps de méditation et de silence, il est bon d’en parler aux autres. Ce sont les impressions d’initiation.
    Nous voici arrivés au terme de ce court trajet, intellectuel, mais aussi émotionnel, dans les profondeurs. Comme le veut la tradition, concluons.
    1. Ce monde complexe, comme tous les mondes et en particulier ceux fréquentés par les Maç/ est dialectique : la lumière et l’ombre constituent une première opposition. Elle est associée à l’humidité et la sécheresse, au chaud et au froid. Plus intellectuelle est la succession entrée/sortie, encore bien connue des Maç/ qui font des va-et-vient entre le T/ et le Parvis.
    2. Autre mouvement dialectique, la descente et la remontée. Encore un cheminement pour les Maç/ qui savent que « ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ». Notons que la remontée peut aller jusqu’au sommet d’une montagne. Et dans ce cas aussi il faut redescendre pour retrouver la Société. C’est ainsi que Spéléologie et Alpinisme, deux sports physiques, sont très formateurs. Ils nécessitent l’aide d’un guide, un Premier de cordée. Celui-ci ne fait qu’aider le néophyte, lui apprenant à utiliser les prises sur le rocher, ou à manoeuvrer les échelles. Un aide, pas un directeur, encore moins un gourou. Comme au terme de 3 voyages des Ap/ Ap/  quand l’élève sait se débrouiller seul, le guide se retire. Sa tâche est achevée.
    3. Et cela nous ramène à la problématique du rapport à l’autre. Bien sûr, on est seul, seul dans le souterrain, mais aussi dans la forêt, dans le désert, dans la ville et, j’ajouterai dans le T/. Seul, mais avec les autres. Pour nombre de périgourdins, l’autre fut d’abord une compagne pour une première initiation, jamais oubliée. Sont venus ensuite les copains de spéléo, éventuellement les touristes que l’on guide. Maintenant, ce sont nos FF/et SS/, des condisciples, des compagnons de voyage, des rencontres, sur le chemin de la connaissance, de la découverte, de la Vie.
    4. Ces voyages impliquent le covoiturage, une activité pas que matérielle et qui soude le groupe. La grotte, l’escalier, le chemin, ce ne sont que des prétextes pour rencontrer l’Autre, afin de mieux se connaître. Cette connaissance, si elle est Maç/, donc fraternelle, aide à évacuer les peurs, de l’Autre, de Soi. Elle permet de construire un solide système de relations. Une L/ Maç/ en somme    .                        
                                        J’ai dit

 

 

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