Daniel Keller : l’électricité sans les soviets !Article paru dans Marianne daté du 8 Mai

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Daniel Keller : l’électricité sans les soviets !
Article paru dans Marianne daté du 8 Mai
 

Grand maître du Grand Orient de France.
Pour Daniel Keller, Grand maître du Grand Orient de France, le projet de Jean-Louis Borloo d’une fondation Energies pour l’Afrique chargée de l’électrification du continent africain serait basé, selon lui, sur « un subtil mélange d’altruisme et d’intérêt bien compris » : « Renversant la règle qui fut longtemps en vigueur, écrit-il, ce projet repose sur l’idée que ce qui sera bon pour l’Afrique sera bon pour l’Europe. »

En proposant la création d’une fondation Energies pour l’Afrique chargée de l’électrification du continent africain, Jean-Louis Borloo a tout à la fois mis les pays développés et les Etats africains devant leurs responsabilités et ouvert des perspectives nouvelles au développement humain et économique de la planète.
La croissance démographique en cours de ce continent est à la fois une chance et une menace pour le reste du monde et tout particulièrement pour l’Europe. Rien d’étonnant en cela car l’ambivalence est le propre de toute mutation. Il serait illusoire de considérer que la menace démographique n’existe pas au motif que le péril se développerait de manière diffuse au fil du temps et au-delà de l’horizon temporel des politiques qui nous gouvernent aujourd’hui. Il est donc urgent de faire de cette explosion un facteur de réussite et la volonté des hommes devient alors un enjeu stratégique.
La course à la croissance mondiale ne pourra à terme contourner l’Afrique pour une autre raison : le développement économique est un droit pour tous les continents du monde. Le reste du monde a une dette devant l’Histoire envers un continent qui, de l’esclavage à la colonisation, a toujours été considéré comme l’arrière-cour des pays développés. L’Afrique n’est pas le réservoir de l’économie mondiale où l’on viendrait puiser en fonction de ses besoins et en tout cas elle ne devra plus l’être dans les décennies à venir.
L’Afrique était mal partie, selon les analyses les plus pessimistes des années 70 ; le projet Borloo pourrait lui permettre enfin de partir d’un bon pied en se dotant de l’infrastructure sur la base de laquelle elle pourrait prendre son envol. Ce qui tranche par rapport à certains projets qui ont caractérisé les années 70 ou par rapport à ce que l’on voit aujourd’hui dans le cadre du gigantisme chinois, c’est la volonté de promouvoir des investissements capillaires au plus près des besoins afin d’enclencher un cycle économique vertueux qui profite aux populations aujourd’hui privées d’électricité. Il s’agit également d’un projet modulaire qui prend en considération la diversité des ressources énergétiques dont le continent africain dispose. Cela nous rappelle que le développement économique peut procéder d’une prise en considération des besoins concrets et apporter un bien-être nouveau immédiat, changer la vie dans ce qu’elle a parfois de plus élémentaire.
Ce projet n’est pas l’annonce d’un nouveau plan quinquennal mais repose sur un pari, à savoir qu’une innovation ou un changement d’ordre technique peut engendrer par un effet de cascade une mutation économique qui elle-même sera annonciatrice de nouvelles ruptures. La croissance économique a son horloge interne, elle est un pari sur l’avenir fondé sur la capacité des individus à utiliser des outils pour en faire les leviers du progrès. L’accès à l’électricité pour tous favorisera ainsi le même accès à d’autres biens premiers tous aussi indispensables.
Les infrastructures ne connaissant pas les frontières, l’approche supranationale du projet Borloo est aussi une promesse féconde pour l’avenir politique de l’Afrique à un moment où ce continent est déchiré par des conflits violents, des affrontements ethniques, sans méconnaître les ravages que le terrorisme commence à infliger à certains pays. Il est donc impérieux de promouvoir une coopération entre les Etats, de penser le développement du continent sur la base de coopérations qui pourraient impulser une dynamique de paix. Le plan d’électrification de l’Afrique peut être à ce continent ce que fut la Communauté du charbon et de l’acier à l’Europe. Cette communauté par l’électricité pourrait être annonciatrice à long terme d’« Etats-Unis » d’Afrique par-delà les clivages qui aujourd’hui constituent des barrières dévastatrices.
Enfin, ce projet est un subtil mélange d’élan altruiste et d’intérêt bien compris. Renversant la règle qui fut longtemps en vigueur, il repose sur l’idée que ce qui sera bon pour l’Afrique sera bon pour l’Europe. L’intérêt des Africains est le nôtre. A charge pour tous ceux qui nous gouvernent d’un pays à l’autre de saisir que ce projet entend mettre l’économie au service de l’humain, ce n’est pas si fréquent.

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