Premier Mai, poésie et chanson populaire :
Le 1er Mai, symbole des revendications et de l’émancipation du monde du travail, a en effet inspiré souvent les poètes et les chansonniers révolutionnaires. Pour eux, sa puissante aspiration collective exprime, depuis 1890, la fraternité des âmes et le bonheur universel, une forme de vie qui correspond avec le progrès de la civilisation humaine.
Chaque poème contient la même révolte, la même espérance et le même idéal, une même unité profonde de sentiments et de pensées. Le sens du 1er Mai, c’est, comme l’a dit Jaurès, la victoire du travail, la victoire de la Paix.
Cette poésie typiquement prolétarienne a parfois plus de valeur morale et sociologique que littéraire… le premier poème consacré à la fête du Travail de 1890 est d’un ancien communard ; Eugène Chatelain, qui exalte la grève par laquelle se réalisera la coopération des peuples et la rénovation du monde :
« …la grève se prépare et chaque peuple uni
Ira détruire ses frontières ;
Le drapeau du Travail a déjà réuni
Des populations entières… »
Un plus grand souffle traverse la Marche du premier Mai de Charles Gros,
militant fougueux, animé par une foi vraiment sincère. Son poème a d’abord été chanté en 1890 sur l’air du chant des ouvriers de Pierre Dupont. L’auteur compare la renaissance du 1er Mai à l’éveil de l’esprit prolétarien aux idées sociales nouvelles. Il représente aussi une pensée et une volonté internationales :
« … O premier mai, passant les ondes,
Par-dessus frontières et lois, ton soleil luit sur les deux mondes… »
Et le dernier couplet rappelle que c’est l’action concertée des travailleurs qui assurera leur libération :
« …c’est pourquoi d’un cœur sûr et gai
Comme une fête de l’histoire,
Nous chantons notre premier Mai,
Notre union, c’est la victoire !
Lorsque nous crions : en avant !
Sous notre élan, la terre bouge
Et sur notre front claque au vent
Le grand frisson du drapeau rouge… »
Le massacre de Fourmies (voir pages précédentes) du poète ouvrier Pédron obtint un grand succès : il associe d’abord à l’émancipation et à la concorde des travailleurs du monde entier la revendication de la journée de 8h :
« …Premier mai, date immortelle,
C’est la fête universelle.
Flotte au vent, rouge drapeau
Les peuples n’ont plus de haine,
Ils disent : brisons nos chaines,
C’est huit heures qu’il nous faut !… »
Le 1er Mai est traduit avec plus de réalisme encore par Jean Baptiste Clément.
Sa vive sensibilité, sa conviction éthique et sa fois dans le prolétariat vibrent avec une force particulière ( il mériterait bien que je luis consacre une « page »). Pour lui, le 1er mai incarne la lutte entre le capitalisme et la classe ouvrière pour la conquête de l’égalité des droits :
« …au capital qui parle en maître,
Disons en ce jour de réveil,
A chacun sa part de bien être.
Célébrons, frères d’ateliers,
La fête internationale,
Le premier Mai des ouvriers,
L’aurore de la sociale !
Ca continuera, mangeurs d’hommes !
Ogres gorgés dans vos châteaux,
Vous serez troublés dans vos sommes,
Les détenteurs de capitaux !
Quittant la fabrique ou la forge,
Ils se révoltent, les pillés.
Ils vous feront tous rendre gorge,
Les ouvriers !… »
D’autres poètes vont ainsi évoquer sans fioritures la condition injuste des travailleurs qui sauront un jour défendre leurs droits pour une vie digne d’eux.
A la fin du XIXème siècle, Jaurès avait mené la bataille à la Chambre pour réclamer la réforme de la législation sociale du monde du travail. En même temps, la jeune CGT appelait les salariés à l’action revendicative par la grève générale et des manifestations massives. L’état d’esprit des ouvriers se reflète dans cette chanson tendre et
pathétique : la rouge églantine de Gaston Montéhus ( 1900) :
Beziers 1907: Revolte chanté également par Montéhus
« O ma rouge églantine
Sers nous de ralliement
Ne courbons plus l’échine
Pour nos droits, en avant,
Fleur emblème sublime,
Couleur de notre sang,
Contre celui qui nous opprime,
Les églantiers « en avant »..
Et puis, dans une autre veine : « la cigale des bons bougres» de Gaston Couté :
« C’est le premier Mai. Debout camarades !
Déjà l’avenir se laisse entrevoir :
Ayons confiance.
Après l’hiver le printemps s’avance,
Chassant les corbeaux au triste vol noir.
C’est le premier Mai. Marchons camarades,
Les jeunes rameaux sont couleur d’espoir… »
La plupart de ces poèmes ont été écrits dans le climat révolutionnaire de la fin du XIXème et au début du XXème siècle, ce qui explique leur tournure d’esprit, leur ton souvent exaspéré, leur style direct…ils font l’éloge des ouvriers « qui travaillent durement pour que leurs fils soient fiers, joyeux et ftraternels », écrit Maurice Magredans son hymne au Travail.
Mais le plus mélodieux et émouvant des poèmes écrits sur la fête du Travail est peut-être( pour moi) le chant du Premier Mai, composé en 1918 par Marcel Martinet, poète tourmenté, empli de mélancolie et d’amertume :
« …Premier Mai, Premier Mai, fête de la lumière,
Fête des travailleurs, ô fête de la vie,
Ouvriers, paysans, soldats, tous ceux du monde,
Compagnons, quand voudrez vous ?
Premier Mai, les choses naissent
Toutes neuves, compagnons,
C’est la fête de la vie,
Les blés sont verts, l’oiseau chante,
Aujourd’hui c’est Premier Mai
Ah compagnons, quand voudrez vous ? »
N’y a-t-il pas dans ce poème une musicalité du verbe qui fait que la beauté des sentiments et l’intensité des pensées frappent par leur résonance ?
A travers cette nouvelle évocation du Premier Mai, j’ai cherché à montrer qu’il incarnait, et qu’il incarne toujours, l’espérance, la générosité et l’élévation des âmes .
Enfin, je reste persuadé que seules des idées pures et fortes sauveront l’humanité de son désarroi et la libéreront de sa torpeur.
Pardon pour tous les poètes que je n’ai pas honoré.
JCF
Martinet poète
Gaston Couté chansonnier de Montmartre