La maîtrise est-elle soluble ? 2
Comment mettre en pratique à l’extérieur les valeurs acquises dans le temple ?
Les Francs-Maçons n’ont pas l’exclusivité des valeurs Humanistes, cependant ils ont joué un rôle essentiel dans l’obtention d’avancées sociales et culturelles capitales : liberté d’opinion et d’expression, mise en place de l’Instruction publique, réglementation du travail des enfants, implication dans Ia défense du Capitaine Dreyfus, Résistance durant l’occupation, droit associatif, et encore récemment droit des femmes par le biais de l’accès à la contraception, le vote des parlementaires d’opposition Francs-Maçons en faveur de la loi Veil en 1974 en ayant permis
l’adoption.
Ils ont ainsi grandement contribué à changer la société et donner sens à la vision de Fred Zeller qui prétendait que « la tradition du Grand Orient de France, ce n’est pas de regarder les étoiles, c’est de se pencher sur les problèmes des gens ». Dans cette tradition historique et humaniste au sens le plus noble de ces termes, la question ô combien délicate de l’extériorisation de nos travaux, la question de notre implication dans l’évolution de nos sociétés devraient être au cœur de nos préoccupations face à une démocratie malmenée et une République attaquée et fragilisée.
Aujourd’hui, manifestement la donne est très différente. Nous avons gardé nos idéaux de justice et de fraternité mais force est de constater que le basculement ultra libéral de nos sociétés dans les années 80 les a considérablement marginalisés au point de les faire passer pour pure utopie. A l’heure où l’Europe , dont certains espéraient tant, se soumet totalement au néolibéralisme mondial , où les services publics sont confrontés à la marchandisation du monde , il paraît évident que nous sommes passés de l’offensive du Siècle des Lumières à la défensive depuis. Nous voyons tous les jours les acquis des lumières disparaître un par un, lentement mais sûrement, au nom de la concurrence et de la performance, « valeurs » fondamentalement opposées à celles de la Franc- maçonnerie.
Que faire pour inverser la tendance ?
Malgré le découragement qui nous guette, persévérer, encore et toujours.
Investir la société :
Dans le champ professionnel, malgré les pressions, pratiquer un management humain, pratiquer l’écoute, nous efforcer de privilégier la prévention. Relativiser autant que possible la performance.
Défendre sans relâche, les services publics gratuits, accessibles à tous et notamment aux plus faibles,
souvent derniers liens sociaux.
Dans le champ associatif, malgré le temps qui nous manque, nous investir en rencontrant des citoyens pour la plupart bénévoles et susceptibles de partager nos idées.
Dans le champ socio- éducatif , malgré la bien pensance actuelle qui voudrait que la vocation de l’école soit uniquement d’être un lieu de transmission des compétences, faire valoir encore et toujours l’acquisition des savoirs et de la culture qui ne doivent pas redevenir l’exclusivités des nantis ou privilégiés de tous poils.
Militer pour la création d’un ministère de l’éducation populaire doté de vrais moyens.
Bref, être les hussards de la République du 21° siècle.
Tenter d’investir le champ médiatique, y compris localement, sans devenir pour autant un lobby de plus. Tâche certes difficile mais pas impossible. Cela pose la question de l’extériorisation de nos travaux, de l’étendue et du mode de notre recrutement. Pratiquer la solidarité active es qualité et le faire es qualité de maçons.
Nous emparer des problèmes de société, comme nos anciens ont su le faire, par exemple en ce qui concerne la question tellement sensible de la fin de vie. Tout simplement parler à nos proches, nous dévoiler éventuellement auprès d’eux, leur expliquer qui nous sommes et ce que nous voulons.
Faire fi des barrières intellectuelles, pratiquer la libre pensée et sortir des dogmes idéologiques dominants qui nous enferment et nous banalisent. Pratiquer la solidarité et défendre pied à pied l’émancipation laïque à l’heure où certains envisagent une réécriture de la loi de 1905, voire un retour du concordat.
Rester les défenseurs et les promoteurs d’une laïcité non pas ouverte (ce qu’elle est par nature) et encore moins relative mais réelle, à même de permettre non pas seulement la cohabitation de citoyens différents, mais leur bien- être, d’être la condition de leur bien- être. Repenser nos pensées, les traduire en action avec les syndicats, les mouvements d’éducation populaire, les associations, Francas, MJC entre autres.
Il s’agit de porter plus loin notre humanisme pour faire vivre l’idée de la construction d’un être pensant, rêvant , imaginant, en perpétuelle construction et solidaire, qui, ne saurait être réduit à ce statut d’esclave producteur consommateur qui paraît la seule perspective du capitalisme mondial sauvage. Déjouer les périls de l’égoïsme pour préserver notre qualité d’hommes et résister.
En somme : Réfléchir, agir, perséverer. Tendre vers l’avenir.