Histoire du monde ouvrier 5
La révolution de 1848
Avec Louis BLANC, j’ai évoqué la révolution de 1848… mais sans m’attarder car j’avais peur d’être trop long ! Eh bien, voilà, je ne résiste pas à cette envie d’en dire un peu plus sur elle ( juste une page…). Elle est entrée dans l’histoire comme un grand évènement en Europe qui devait, après les vicissitudes et le développement dramatique de 1789, modifier la structure des institutions politiques et économiques et apporter des changements constructifs dans la condition sociale de la classe ouvrière.
Elle était la conséquence logique de la situation alarmante de la classe laborieuse dont la misère était telle que les enfants étaient décimés en masse par la dénutrition et la tuberculose, et que les femmes, dont le salaire ne dépassait guère 75 centimes par jour étaient contraintes de se prostituer. Oui,telle était la déprimante condition morale et sociale du monde du travail en France, à la veille du renversement du régime royal de Louis philippe.
A la veille de 1848, le secteur agricole conserve sa primauté, même si les signes avant-coureurs de la transformation industrielle de l’économie française se font jour…L’année 1846 est marquée par une grave crise agricole, et les nouveaux progrès techniques et la crise économique jettent de nombreux ouvriers à la rue. En Mai 1847, un tiers des métallos et un cinquième des mineurs sont au chômage, 8000 des 13OOO ouvriers de Roubaix sont sans emploi. Les patrons en profitent pour baisser les salaires ( jusqu’à -30% à Rouen !)… En juin, les ouvriers affamés du Faubourg Saint Antoine à Paris et dans la ville de Lisieux pillent des boulangeries…
Les politiciens républicains sentent que leur heure est enfin arrivée, d’autant que la monarchie de Juillet semble en fin de course. Fin 1847, début 1848, ils organisent des banquets républicains dans toute la France; le 22 Février 1848, un banquet organisé à Paris est interdit: c’est l’étincelle qui va déclencher l’insurrection !
Le 24, les émeutes républicaines obligent Louis Philippe à abdiquer. Aussitôt un gouvernement provisoire se met en place, proclame la République ( la deuxième), abolit l’esclavage, instaure le suffrage universel sous la protection des ouvriers parisiens en armes. Le lendemain, ces derniers pénètrent dans la salle où se réunit le gouvernement provisoire et imposent derechef » le droit au Travail ».
Deux jours plus tard, la République crée les Ateliers Nationaux pour les ouvriers au chômage.(En Mars, ils seront 20 000 inscrits touchant 2 francs par jour, mais 3 mois plus tard, ils seront 100 000 et ne toucheront plus qu’1 franc par jour !)
Le 28 Février, les mêmes ouvriers en armes investissent l’Hotel de Ville et imposent la journée de 10heures, demandant aussi ( mais sans réel succès) la fondation d’un Ministère du Travail.
Les 17 Mars et 16 Avril, les manifestations reprennent pour empêcher les élections du 23 Avril organisées par les modérés et les conservateurs, mais sans y parvenir.
Le 15 Mai, alors que la réaction bourgeoise et conservatrice a pris sa revanche les faubourgs parisiens fondent sur la nouvelle assemblée constituante « anti-ouvrière »; son gouvernement, qui s’est ressaisi, arrête les leaders ( Barbès, Blanqui, Raspail) et dans la foulée, commence la démolition des conquêtes démocratiques de la révolution, s’apprête à dissoudre les Ateliers Nationaux et donne les pleins pouvoirs à Paris au général Cavaignac.
Aussitôt, 400 barricades sont érigées dans l’Est parisien. Le slogan des ouvriers est alors » du travail ou du pain, du pain ou du plomb! ».
Du 23 au 26 Juin 1848, Paris connaît ses plus durs combats de rues. Finalement, 11 000 ouvriers sont arrêtés dont 4000 déportés en Algérie.
Le 3 Juillet, les Ateliers Nationaux sont définitivement fermés. En Novembre 1848, la nouvelle constitution ne parle plus du « droit au travail », et 1 mois plus tard, Louis Napoléon est élu Président.
Mais la révolte ouvrière a fait des émules : en Mars à Vienne, Milan, Berlin, puis en Suisse, dans l’empire austro-hongrois, en Italie…
L’idéalisme qui avait nourri la révolution de Février tomba avec la défaite du soulèvement de Juin; la tristesse indicible succèda à la joie, le malheur suivit l’instant du bonheur brisé par la peur et la veulerie de la bourgeoisie jalouse de ses privilèges…
Cependant, cette révolution ne fut pas anéantie pour cela : la République qu’elle avait créé allait renaître de ses cendres 22ans plus tard !
Cette révolution de 1848, qui s’est terminée par le massacre des ouvriers de Paris a retardé en France l’émergence d’organisations de défense et d’entraide de la classe ouvrière, et il faudra attendre les années 1860 pour que le mouvement ouvrier,( imprégné de socialisme proudhonien mais qui avait sous l’Empire pris ses distances vis à vis de l’opposition politique, les républicains et les libéraux) s’organise avec ampleur.
Vous voyez, l’histoire n’est pas finie…
JCF