Danielle Lochak, professeur émérite de droit à l’université de Paris Ouest-Nanterre-La Défense, dit à propos de ce document:
« Si nous évoquons ce soir ce qui s’est passé le 3 octobre 1940, c’est pour rappeler un moment honteux de l’histoire de France, pour perpétuer le souvenir d’un moment tragique de l’histoire des Juifs de France. Mais de ce travail d’histoire et de mémoire nous devons tirer des leçons pour l’avenir. Non, bien sûr, tout n’est pas comparable, non, bien sûr, on ne peut assimiler la traque des étrangers en situation irrégulière, même sous ses formes les plus révoltantes, aux rafles de Juifs pendant la guerre. Mais ce que nous devons retenir de l’expérience de Vichy, c’est la nécessité de rester vigilants, de ne pas céder à l’accoutumance, de ne pas se résigner à l’inacceptable – même lorsqu’il se présente, comme c’est le cas aujourd’hui, sous la forme de lois votées par un parlement démocratiquement élu et appliquées par une administration et une police républicaines. »
L’ensemble du document est consultable sur:
Cependant en voici brièvement l’histoire et le fac similé.
Le document annoté par Pétain.
Un donateur a remis récemment au Mémorial un document original inédit . Ce document d’archive, constitué de 5 feuillets, est un projet de texte relatif au statut des Juifs comportant les annotations du Maréchal Pétain. Ce document est très proche du texte définitif du 3 octobre 1940, car la grande majorité des annotations et des rectifications ont été intégrées dans la version définitive publiée au Journal Officiel. Les annotations du Maréchal Pétain élargissent les professions interdites aux Juifs, aux cours de Justice de Paix, aux assemblées issues de l’élection, aux inspecteurs des colonies ainsi qu’à à tous les membres du corps enseignant, alors que les rédacteurs avaient prévu cette interdiction pour les recteurs, inspecteurs, proviseurs et directeurs d’établissements. Par ailleurs, un alinéa a été barré d’un trait de crayon. Il prévoyait d’épargner « les descendants de « Juifs nés français ou naturalisés avant 1860 ». En dépit de ce qu’ont affirmé Pétain et ses partisans après la guerre, ce document montre que Pétain n’entendait faire aucune différence entre les Juifs français et les Juifs étrangers. Deux expertises de spécialistes des autographes confirment qu’il s’agit d’un document d’archive authentique, et que ces annotations sont bien de la main du Maréchal Pétain. Selon Serge Klarsfeld, ce texte peut être considéré comme le texte fondateur, résumant l’antisémitisme du Régime de Vichy. Il reflète la pensée de Pétain et montre son implication personnelle dans la mise en œuvre de cette politique. Jusqu’alors la paternité du statut des Juifs était principalement attribuée au seul garde des Sceaux, Raphael Alibert.
Ce document original a rejoint le fonds d’archives particulièrement riche du Mémorial de la Shoah/CDJC dont le travail a commencé en 1943 dans la clandestinité. Depuis une quinzaine d’années le Mémorial a collecté plusieurs millions de documents d’archives, multipliant les acquisitions dans le monde entier, grâce à de nombreux donateurs connus et anonymes. La découverte de ce documents montre que le travail de collecte d’archives est loin d’être achevé. Consultez également la publication du statut des Juifs dans le Journal Officiel du 18 octobre 1940 , ainsi que le certificat d’authenticité du document et le rapport d’expert.