Y’a plus de saison
Planche présentée par un F:.de la R:.L:. Le Réveil du Béarn lors de la Fête Solsticiale des LL:. du Bassin de l’Adour.
Très Ill :. FF :., V :.M :. Et vous tous mes FF :. En vos grades et qualités,
Y’a plus de saisons ! « Y’a plus de saisons ! » Entend-on souvent et plus particulièrement chez les plus anciens d’entre nous, y compris de ma propre génération.
Le cycle solaire et l’organisation de notre planète auraient ils changé ? Les bouleversements climatiques et la pollution de l’environnement auraient ils perturbé à ce point le cycle naturel des saisons au point d’en laminer les aspérités et les aspects spécifiques de chaque période de l’année jusqu’à ne plus faire de différence entre mars et juillet, entre novembre et mars ? Ou n’est ce pas plutôt l’uniformité du monde qui se construit autour de nous, cette mondialisation dont on parle tant qui nous donne cette impression que tout est pareil, partout et tout le temps .Et pourtant, nous avons la chance de vivre dans une partie de la planète où les saisons sont très marquées, chacune ayant une personnalité bien définie.
La musique que l’on vient d’entendre fait partie de l’œuvre célèbre de Vivaldi, « Les quatre saisons » et le passage que l’on vient d’écouter correspond à l’été. En effet, nous célébrons aujourd’hui, avec quelques jours de retard, le solstice d’été.
Car le temps de l’année s’ordonne en fonction de deux pôles:
– le solstice d’hiver, avec le jour le plus court: c’est le moment de l’année où il y a le moins de lumière, les jours sont de plus en plus courts, les nuits de plus en plus longues, jusqu’au moment où, pour ainsi dire, nous touchons le fond de l’année, le fond des ténèbres – c’est le début de l’hiver;
-et le solstice d’été, avec le jour le plus long: c’est au contraire la progression jour après jour de la lumière jusqu’au triomphe du soleil – c’est le début de l’année. Ces deux pôles sont comme la nuit et le jour de l’année.
Rappelons tout de suite que le solstice d’été, saison d’ordinaire chaude, joyeuse et claire, amorce cependant la phase descendante de l’astre vers l’obscurité. Les fêtes solsticiales renvoient au symbolisme romain de Janus (de « janua » qui signifie porte), le dieu aux deux visages et, plus tardivement, aux fêtes chrétiennes de la Saint-Jean d’hiver (Jean l’Évangéliste fêté le 27 décembre) et de la Saint-Jean d’été (Jean le Baptiste fêté le 24 juin). Et pourtant, notre vie profane est marquée par deux dates Le trente et un décembre et le premier janvier. L’une marque la fin d’un passé qui serait définitivement derrière soi, alors qu’on nous présente l’autre comme le début d’une nouvelle ère en principe heureuse. En fait, ce sont des festivités vides de sens qui ne constituent pas une prise de conscience du temps qui passe.
Ce sont deux dates qui n’ont rien de naturel ni de symbolique. Ce n’est pas un hasard si les francs-maçons rythment leur temps selon la cadence des saisons. Les fêtes solsticiales, que nous appelons Fêtes de St Jean, correspondent au rythme naturel du temps. Cette Lumière qui diminue puis se fait plus forte correspond au temps nécessaire au repos et à la méditation qui précèdera le temps de l’action et de l’effort.
D’ailleurs, notre organisme se transforme et répond à cette variation des saisons. Le cycle annuel, c’est en fait celui de la lumière. Il existe en chacun de nous une faculté de réaction rythmique à la lumière qui entraîne notre participation physiologique et psychologique au cycle annuel. Pourtant, bien peu d’entre nous, se rendent compte de l’influence déterminante de ce cycle sur notre comportement. Alors que les chercheurs sont aujourd’hui convaincus que c’est en hiver que nous avons le plus besoin de repos, pour compenser précisément le manque d’énergie dû au peu de lumière; c’est au moment où la nature est elle-même au repos que nous devrions l’être aussi et prendre nos vacances, au lieu de nous imposer plus de travail en hiver, à un moment difficile pour l’organisme et de prendre du repos en été alors que c’est le moment le plus facile à vivre.
«L’homme sage devrait donc prendre ses vacances l’hiver et travailler l’été. »
Nous demeurons sensibles au rythme saisonnier fait d’un temps de repos l’hiver et d’un temps d’activité l’été en même temps que la nature. Ceci est d’ailleurs respecté par les animaux dont certains d’ailleurs hibernent.
Équilibre qui a été respecté par nos ancêtres jusqu’à l’époque encore récente où l’instruction est devenue obligatoire: avec la scolarisation des enfants est apparue une période de vacances pour permettre aux jeunes de travailler aux champs. Avec la conséquence que nous vivons aujourd’hui à contretemps: non seulement nous travaillons trop l’hiver, mais pas assez l’été.
Mais revenons au sujet qui nous préoccupe ou plutôt qui préoccupe les profanes : « Y’a plus de saisons ! ».
Cependant, tous les chercheurs vous diront que les saisons n’ont pas disparu, qu’elles sont parfois plus marquées d’une année sur l’autre avec parfois des hivers doux ou des étés pourris mais, y compris si nous tenons compte du phénomène réel du réchauffement de la planète dû en grande partie à la pollution, le cycle des saisons n’a pas disparu. Alors n’est ce pas plutôt notre capacité à observer les signes propres à chaque saison ou pourquoi pas la disparition de certains signes qui nous font croire à une hypothétique harmonisation ? Notre style de vie ne concourt-il pas lui aussi à atténuer cette perception ?
On ne dit plus souvent : « cet été ou l’été » mais « pendant les vacances ». Notre repère, ce n’est plus la saison marquée par les bouleversements naturels comme, tout d’abord, la faune et l’arrivée des oiseaux migrateurs en particulier, lesquels sont de moins en moins nombreux. Je me souviens des hirondelles dans ma jeunesse frôlant nos têtes dans un ballet endiablé, par temps orageux, à la recherche des insectes près du sol et leur rassemblement impressionnant à l’automne sur les fils électriques avant leur départ. J’habite en dehors de PAU, dans un village où la campagne est prédominante, et pourtant, c’est de plus en plus rare de voir une hirondelle.
Et puis, voilà que ces oiseaux nous amène la grippe aviaire. A quand une loi SARKOZY sur les vols migratoires choisis ! Alors si les hirondelles ont disparu, le printemps a-t-il pour autant disparu ?
Promenons nous dans les rayons des hypermarchés (Nous éviterons d’y aller le dimanche et les jours fériés car sinon c’est là aussi tous les jours pareils).Je ne citerai pas l’enseigne mais c’est un endroit où, comme le préfet, on va au champ… Qu’observe-t-on ? Du raisin en toutes saisons alors que dans le passé, le raisin était l’annonciateur de la fin de l’été et de l’automne. La belle orange du Maroc que nous recevions avec émerveillement à l’école pour Noël, la voilà qui décore nos étals quel que soit le mois en y ajoutant pour slogan commercial : « spécial jus » ou « spécial dégustation », quand ce n’est pas, argument de vente suprême comme j’ai pu le voir pour les mandarines et les clémentines : « Faciles à éplucher ». Peu importe qu’elles aient du goût si elles sont faciles à éplucher ! Cela dépasse la caricature du bon vieux sketch de F. RAYNAUD sur « les belles oranges pas chères ».
Y’a plus de saison parce qu’il n’y a plus de rêve, plus de désir, plus de plaisir mais que de l’utilitaire. Passons sur tout le reste, melons, fraises, légumes que l’on peut trouver à n’importe quel moment de l’année. Les pommes de terre ne sont jamais plus « nouvelles », celles là mêmes qui marquaient le signe de la récolte et de la saison qui y correspond, elles sont des pommes de terre tout simplement « spécial Frites » ou spécial salade », avec le même aspect de janvier à décembre.
Je vous passe sur le cas des tomates bien rouges que l’on trouve en plein mois de février. Il fut un temps où on ne mangeait des cerises que cueillies sur l’arbre au mois de mai s’il faisait chaud, où le ski était une joie de vacances d’hiver. Les petits citadins sont incapables de vous dire à quelle époque poussent les tomates ou les endives, et sont bien incapables de dire quand commencent les saisons.
La facilité des communications nous permet aussi de passer d’une saison à une autre mais sur un autre continent pour du soleil en continu ou de la neige en continu. Même sur le plan vestimentaire, les pantalons l’hiver et le short l’été ont été parfois remplacés, dans les jeunes générations, par le « jean » en toute saison.
Dans une semaine ou deux, nous recevrons le nouveau catalogue d’un vépéciste célèbre de Roubaix : « Collection automne hiver 2006-2007 » alors qu’on n’a pas encore eu le temps de constituer sa garde-robe d’été… et apparaîtront aussi les collections d’hiver (pulls à col roulés et chaussettes de pure laine vierge Made in China) envahissant les magasins en plein mois d’août.
Et d’ici un bon mois nous aurons les fournitures scolaires dans nos hypermarchés mais il sera impossible de trouver un maillot de bain même sur la côte… à vouloir aller trop vite, ne passons-nous pas à côté de certaines choses?
On assiste ainsi comme à un déracinement dans le temps et dans l’espace, le progrès semble créer un aplanissement des saisons: le chauffage en hiver, la climatisation en été… Se chauffer en hiver quoi de plus naturel ? sauf que l’on chauffe souvent aujourd’hui à 22 °C et plus, et ce même les chambres et les WC…Pas question de renoncer au progrès et de retourner en arrière. Il s’agit plutôt d’apprendre à vivre en profitant des avantages que nous offre la technologie, mais sans nous détacher de la nature, si on ne veut pas vivre déraciné par rapport au temps.
Alors, y’a plus de saisons ??
Nous sommes bien ici dans la pure subjectivité.
N’est ce pas en effet notre capacité à observer, à nous émerveiller, à désirer, à s’enthousiasmer, à s’enflammer pour refaire le monde et pour de nouvelles utopies, capacité qui serait en train de disparaître dans un monde où on cultive l’uniformité plutôt que l’universalité ? Finalement, ce sentiment d’uniformité, n’est ce pas le signe d’un désintérêt pour l’engagement, pour la marche en avant et d’un profond manque d’espérance ?
On a l’impression que tout est mou dans notre environnement immédiat alors que l’on nous construit un monde spectaculaire, de l’événement et plus encore du sensationnel, où on en rajoute souvent dans le sordide. Mais dans notre société occidentale où il n’y a pas d’oppression, il n’y a pas de malheur, il n’y a pas de désespoir mais de la désespérance, tout est seulement mou, fade, insipide, sans les couleurs des saisons qu’on se représente.
Je ne veux pas terminer sur une note pessimiste en conclusion de cette planche sans prétention autre que de nous faire un peu réfléchir mais sans oublier que nous sommes aujourd’hui rassemblés, un dimanche, pour la fête et une fête ce doit être un signe de bonheur, un ressourcement pour mieux repartir dans la vie et dans le monde ensuite.
Et si il était temps de revenir à l’essentiel et de s’affranchir des chaînes matérialistes qui nous privent de liberté. La Fête et les réjouissances sont indispensables à l’Homme. Il y a tant de raisons de se réjouir ensemble, pour autant que l’on veuille bien se retrouver, s’écouter et se comprendre, qu’il ne vaut pas la peine de chercher des prétextes futiles pour faire semblant de se réjouir.
Alors profitons de ce solstice pour « commencer ». « Commencer, » comme le dit l’écrivain Jacqueline Kelen « c’est découvrir, se lever, s’étonner. C’est un défi en même temps qu’une confiance. Sentir que tout est possible, savoir que rien n’est assuré. On envoie au monde des signes d’amour sans rien attendre, mais avec le coeur battant. C’est le pas d’une fourmi et l’envol d’un faucon. Tout commencement recèle fraîcheur et acuité et se révèle ouverture. » Et je conclurai par cette phrase de Jean Giono, que nous devrions savourer aujourd’hui : « Le soleil n’est jamais si beau qu’un jour où l’on se met en route. »
J’ai dit
Lu le 25/06/2006 | Apprenti