Rituel et sacré

Rituel et sacré
Analyse entre le rituel et le sacré

Réveil du Béarn 21/09/2005
RITUEL et SACRE
Le mot rituel répond à trois définitions :
– c’est le livre contenant les règles à observer dans l’administration des sacrements,
– c’est l’ensemble des rites d’une religion,
– c’est un ensemble de règles, voire d’habitudes.

Le rituel maçonnique a été élaboré au fil du temps par nos aînés qui se sont inspirés des
rituels religieux. Dans notre obédience, la référence au G.A.D.L.U. n’est plus
employée mais persiste dans certains rites (R.E.R. par ex.). Elle demeure obligatoire dans
une autre obédience.

Associer rituel maçonnique et sacré pourrait donc, à première vue, étonner nos esprits très
laïcs et a-dogmatiques du rite français. Cependant, en dépit de notre credo rationaliste et
progressiste, nous restons attaché à nos rituels empreints d’esprit religieux. Pourquoi ce
besoin?

L’homme, aussi raisonnable soit-il, a besoin d’autre chose que la logique pour vivre et
avancer :
-il a besoin de se situer autrement, intérieurement, pour rêver, imaginer, extrapoler,
-cet état est propice à de grands élans du coeur qui font développer l’affectif, la fraternité
vraie, sans l’ombre d’un doute (adhésion spontanée)
-cette fusion fraternelle renforce l’harmonie et la solidarité du groupe qui ne fait plus qu’un
(osmose complète par observance du rituel et des règles),
– cette volonté de laisser à la porte les différences, sujets de conflit, fait que le groupe est hors
le temps profane,
– l’espace délimité par les dimensions du Temple devient « sacré », car hors l’espace profane.
L’anthropologue Alan Fiske a relevé les points communs qui confèrent aux rituels cette
ambiance particulière :
– le souci de la souillure, de la pureté, de la purification,
– l’évitement du contact, la façon particulière de se toucher,
– la peur de sanctions graves provoquées par la transgression des règles
– l’accent mis sur les frontières (délimitation de l’espace) et des seuils,
– les dispositions symétriques et autres configurations spatiales particulières.

Sans que je vous donne d’exemples, vous avez eu des flash vous remémorant notamment le
rituel d’initiation : les purifications au cours des 3 voyages, la mort du parjure, les dimensions
du Temple, la porte basse, les colonnes ou encore la disposition des différents plateaux des
officiers. Mais, il y a un point commun très fort, c’est la théorie du sacrifice commune à tous
les rites de passage : mourir pour renaître.

Nous n’échappons pas à cette règle. L’impétrant subit l’épreuve de la terre mais la mort est
vaincue car il est remonté indemne du cabinet de réflexion pour subir les autres phases de
l’initiation proprement dite qui correspond à la mort du vieil homme englué dans sa gangue
profane pour émerger en pleine lumière en un homme nouveau : l’initié.
Autrefois, les épreuves étaient douloureuses rappelle le rituel. Aujourd’hui, elles gardent
l’aspect d’un choc psychologique réel frappé du secret intime.
 Cette dureté relative permet :
– d’évaluer le candidat dans sa volonté de persévérer jusqu’au don ultime de sa
personne,
– de savoir si le groupe peut avoir confiance dans la loyauté de l’impétrant.

L’initiation permet de : (ouvrons les guillemets) : de « Fabriquer des hommes
L’initiation marque la distinction de l’avant et de l’après. Elle fabrique un homme nouveau
sorti du profane mais sans donner toutes les clés. L’apprenti doit devenir un maçon et
apprendre le sens caché des rites de chaque étape que le prochain rituel est sensé éclairer.
L’initiation permet de « Marquer ou créer les occasions »

Cette nouvelle naissance est marquée par une reconnaissance des FF. de chaque colonne par
une batterie d’allégresse et l’acclamation (spectacle sonore et visuel commun à de nombreux
rituels religieux). Par exemple, les grandes orgues font raisonner les murs des églises pour
prendre Dieu à témoin de la ferveur des adeptes. Dans le rituel républicain des naissances,
mariages ou décès, la déclaration au peuple marque la reconnaissance du fait. Ceci a des
conséquences sociales car la société doit aide et assistance à la veuve ou au nouveau né par
exemple. Encore une fois, nous n’échappons pas à la règle. Notre rituel maçonnique fait
reconnaître les nouveaux FF. entre les colonnes par l’ensemble des FF. qui vont agréger le
nouveau maillon pour le protéger par leur aide et leur affection.
 A l’instar des rituels religieux, le rituel maçonnique contient la notion de dieu, d’ancêtres, d’esprits, ceci plus ou
moins fortement selon les obédiences et les rites. Souvenons nous simplement du rituel de la
chaîne d’union « cette chaîne nous lie dans le temps et l’espace. Elle nous vient du passé et
tend vers l’avenir. Par elle, nous sommes rattachés à la lignée de nos ancêtres, nos Maîtres
vénérés qui la formaient hier… ». Le rituel nous confère notre légitimité maçonnique dans la
lignée de nos ancêtres, de nos anciens que l’on doit prendre en exemple.

On peut aussi dire que le rituel est un ensemble d’instructions sur des séquences d’actes à
accomplir à des moments précis pour obtenir des résultats précis. Ces actes qui entraînent une
communion d’esprit et une interaction entre les membres de l’assemblée doivent obéir à des
lois spécifiques d’organisation :
– chaque participant à un rôle particulier et hiérarchisé,
– le lieu est particulier : l’enceinte sacrée
– la façon particulière d’agir : par exemple, violence dégressive au cours des voyages
– les instruments du rituel : ne peuvent être employés à autre chose ou remplacés par un
autre instrument plus pratique sous peine de perdre toute la puissance du symbole.
Vous imaginez vous en train de buriner la pierre brute au marteau piqueur ?

A propos de symbole, nous disons « Ici, tout est symbole » Dans le rituel, le lien entre ce que
l’on fait et l’effet recherché n’est pas évident de prime abord. Il faut chercher les réponses,
laisser une part de rêve, de mystère et attendre une maturation de la réflexion pour développer
une bonne réponse.
En outre, dans tous les ri
tuels, l’ordre d’accomplissement des actes est crucial sinon le
scénario n’aurait plus de sens et n’aurait plus de conséquences réelles sur l’impétrant. Le
rituel maçonnique provoque des effets. Il est plus qu’une théâtralisation (qui ne donne que du
plaisir aux spectateurs) car c’est un moyen d’introspection qui met en mouvement notre
refondation sur le long chemin initiatique.

SACRE
Les mots sacré, spiritualité relèvent, croit on trop souvent, du domaine de la religion qui
utilise, plus précisément l’opposition fondamentale entre sacré et profane. Mais la pensée
laïque en est aussi détentrice car pour moi, comme pour vous, les Droits de l’Homme, par3
exemple, sont imprescriptibles et sacrés. Ce qui correspond parfaitement à la définition « une
chose devient sacrée lorsqu’elle incarne ou révèle quelque chose de plus important qu’ellemême
».

Quel est le lien entre Rituel et sacré?

Pour transformer un objet profane en objet sacré, le passage est fréquemment réalisé grâce au
mythe. Le mythe est une histoire symbolique exemplaire qui fournit des modèles de
conduites. Selon Mircea Eliade, le mythe est censé exprimer « la vérité absolue » parce qu’il
raconte une histoire sacrée qui a eu lieu à l’aube des temps. Devenant sacré et réel, le mythe
devient exemplaire, répétable donc modèle.

Dans Totem et Tabou, Freud analyse les sociétés primitives et localise l’origine du sacré dans
un acte immémorial : le meurtre du père. Le sacré repose sur un meurtre, sur la violence.
Revenons un instant sur les « affres » de l’initiation : l’épreuve de la terre dans le cabinet de
réflexion, les chaîne, la corde au cou l’épreuve du poison avec la coupe d’amertume, le
déchaînement des éléments de la nature au premier voyage, les glaives des ennemis qui
s’entrechoquent au 2ème voyage, l’épreuve du feu du 3ème voyage, l’épreuve du sang partagé,
la marque indélébile du fer rouge, la menace du parjure etc. Chaque geste profane, insignifiant
sans le mythe, devient investi d’une fonction fondatrice qui renvoie à l’aube du temps. . Ce
qui fait dire à JP.Donzac que « la tradition fait être ce qui a été et le conserve. Autrement
dit, c’est la tradition qui transmet l’initiation.

Ces épreuves physiques adoucies dans notre monde moderne vont développer la sensibilité,
l’intuition, la conscience ; en un mot, elles vont travailler le mental pour que l’impétrant tue le
profane qu’il était pour réapparaître dans la lumière comme initié.

Le sacré fait donc bien partie intégrante de notre rituel et n’est pas que synonyme de religieux.
Pour vous faire partager ma propre expérience, n’avez-vous pas, vous aussi, ressenti ce besoin
de vous situer autrement, au dessus des contingences matérielles et intérieurement pour
goûter, apprécier ce sentiment de sacré, sorte de pulsion intérieure, sentiment
d’émerveillement, de calme profond, de joie indicible à certains moments particuliers comme
lorsque vous vous reposez dans une clairière et qu’un rayon de soleil traverse la frondaison.
Havre de paix, moment de poésie, moment de méditation, sans que pour autant mes
convictions personnelles soient remises en doute.

Pour ma part, lors des cérémonies, cette force interne s’impose, gonfle, explose même lorsque
le rituel bien conduit à mené à une vraie communion d’esprit, à l’harmonie, à l’égrégore. Pour
moi, il en est ainsi, mais chacun d’entre vous, choisissant en fait sa sacralité personnelle (dixit
Jean Mourgues), peut y répondre dans l’intimité de son secret.

Conclusion

Le rituel maçonnique façonné par des FF. ni libertins ni athées stupides comme le disait le
pasteur Anderson n’est pas figé, au contraire, il est bien vivant. Source d’énergie, il nous
ouvre les portes de l’intuition et nous fait progresser. Il faut le respecter, soit, mais surtout
bien le comprendre pour mieux l’exprimer lors de nos cérémonies afin que le sacré puisse les
baigner. Il sera alors ressenti par tous, croyants ou incroyants, et le mythe en sera encore plus
vivant pour servir de modèle aux futurs maillons de la longue chaîne reliant le passé à l’avenir
forgée solidement par nos aînés que je salues encore très fraternellement.
Lu le 01/07/2006 | Apprenti

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