Qui sont les voyous
A la recherches de responsabiltés
Qui sont les voyous ?
Vénérable maître et vous tous mes frères en vos grades et qualités……….
Mi novembre, je me suis rendu sur le site du Grand Orient pour voir si notre
obédience interpellait l’opinion sur les émeutes qui, au même moment, secouaient
les banlieues. J’y ai trouvé un communiqué du Conseil de l’Ordre intitulé “Face aux
violences urbaines, le Grand Orient de France rappelle la nécessité de la citoyenneté
républicaine.” Ce communiqué, notre Vénérable Maître nous en a fait lecture le 18
novembre dernier. Mon impression : bof, bof…… un rappel des principes
accompagné de bons sentiments. En langage imagé, j’appelle ça de l’eau tiède.
Mais, n’empêche, quelque chose m’a gratouillé : c’est la référence insistante à la
République. Je cite : “nécessité de la citoyenneté républicaine”, “écoles de la
République”, “valeurs de la République et de la laïcité”, “refondation du pacte
républicain”, “nécessité d’un front républicain”, “organisation de la vie républicaine”.
Tout comme les partis politiques qui, au même moment, qu’ils soient de droite ou de
gauche, s’épanchaient sur “l’application des lois de la République”, “le respect de la
légalité républicaine”, “la défense de l’ordre républicain” et d’autres ……… sans
oublier “les compagnies républicaines de sécurité”. En clair durant la période
perturbée que plusieurs villes françaises ont connu, on n’a jamais autant utilisé le
substantif République et l’adjectif républicain.
Je ne sais pas si cela vous perturbe, mes frères, moi, si, ça me perturbe ! Et pour
deux raisons. D’abord, j’ai le sentiment qu’en ce mois de novembre, la référence à la
République n’a été qu’un paravent, un paravent pour des classes dirigeantes et
une population française incapables de dépasser ses schémas culturels pour
essayer, je ne dirais pas de comprendre, mais au moins de réfléchir à cette
explosion de violence, même si cette violence est extrêmement déconcertante et
déstabilisante. La République, ce n’est pas que la proclamation de principes et de
bonnes intentions. Pour moi, en ce mois de novembre, la République a été dévoyée,
je dirais même prostituée, pour justifier une politique répressive. Ensuite, la référence
à la République, qu’est-ce que ça peut dire à des jeunes de banlieue. Essayez de
leur en parler. J’entends d’ici la réponse : “C’est un truc de ouf !“, “On ne fait pas des
mitos à moi !”, “Nique lui sa race à ce bouffon !”.
J’aurais préféré que l’on parle du désespoir des jeunes. Quand des jeunes
détruisent les quartiers dans lesquels ils vivent, c’est qu’ils sont dans une logique
d’autodestruction. Et l’autodestruction, c’est la marque du désespoir total. Et c’est la
préparation à l’acte kamikaze.
J’aurais préféré que l’on parle de la destruction de l’identité professionnelle. Les
pères ont vécu durement mais dans des groupes de travail solidaires. C’étaient
l’industrie. Ils y étaient des hommes. Leurs enfants sont soumis à un cadre de travail
éclaté, aléatoire, instable, individualisé où tout est fait pour empêcher l’échange.
C’est le prolétariat des services.
J’aurais aimé que l’on dise que les jeunes des banlieues, s’ils sont fragiles, sont en
même temps plus mûrs que leurs homologues des milieux favorisés. Ils sont
capables d’apprécier la situation économique et sociale de leurs parents. Ils sont
capables de saisir la discrimination, la relégation, la disqualification scolaire. Ils sont
capables de ressentir l’opprobre qui pèse sur leurs cités.
J’aurais aimé que l’on dénonce le retour à l’idéologie du 19ème
siècle où révolte populaire égalait délinquance, où France d’en bas égalait France
dangereuse. C’est plus que sous-jacent dans le discours officiel.
J’aurais aimé que l’on s’interroge sur la volonté de fondre les immigrants dans
notre modèle de société. Ce modèle, favorise-t-il l’intégration ou, au contraire,
contribue-t-il à déstructurer les milieux immigrés et les familles ?
J’aurais aimé que l’on dise que les jeunes des banlieues ont, tout autant que nous,
soif de liberté, d’égalité, de fraternité.
J’aurais aimé, j’aurais aimé, j’aurais aimé……… beaucoup d’autres choses ……..mais
surtout j’aimerais que le modèle républicain reste un modèle humaniste. Alors
qu’actuellement, j’ai le sentiment qu’il glisse lentement vers un modèle libéral !
Alors qui sont les voyous ? Inutile de citer un certain ministre. C’est une évidence.
Mais ces voyous, ne serait-ce pas tous ces français qui, en évitant de se poser trop
de questions, profitent à longueur d’année du travail de la population immigrée. Si
c’est le cas, alors, moi aussi, je suis un voyou. Et à l’instar de Brassens, comme
doivent le ressentir profondément les jeunes des banlieues, j’ai envie de dire : “J’ai
aussi mon âme en peine, je suis un voyou” !
J’ai dit
R .°. L .°. Le Réveil du Béarn,
O .°. de Pau,
Un frère de l’Atelier
Le 2 décembre 2005