Planche de Banquet d’Ordre

Planche de Banquet d’Ordre
Planche du F:. Or:. lors du Banquet d’Ordre

Planche du Banquet d’Ordre
par le F:.Or:.

Vénérable Maître et vous tous mes frères en vos grades et qualités,
Le cahier des charges était précis : le V:.M:. m’avait dit : « Tu leur parles de symbolisme, des agapes, tu les intéresses et tu les fais rire. » C’est tout ? Tu ne veux pas non plus que je leur fasse la danse du ventre en jouant du biniou, avec mon tablier pour seul appareil ?

Avez-vous remarqué que, souvent dans des repas, pour le travail, pour la première communion de la fille de la cousine de la voisine, pour l’amicale des amis des pécheurs chauves du Berry, pour la fête annuelle de l’association pour la promotion de l’utilisation du préservatif dans les congrégations religieuses africaines, il y a toujours un hooligan de service pour plomber l’ambiance : « Non, je ne mange pas de viande ! Non, je ne mange pas de poisson ! Non, je ne bois pas ! Non, pas de dessert, pas de café, pas de sucre, pas de sel, pas de pain, pas de vin, non pas d’amour non plus, non laissez moi mourir, là… »

Qu’est-ce qui peut bien faire que des gens, somme toute normalement constitués, privilégient leur croyance, leur nombril, leurs habitudes, au détriment de l’ambiance du groupe ? Car, il ne s’agirait que d’un simple refus, ça irait ; mais celui-ci est toujours accompagné d’un discours digne des prêcheurs de l’apocalypse, prétextant votre gourmandise pour vous annoncer la fin du monde. Un discours de celui qui sait, qui détient la Vérité, la seule Vérité. Pourquoi se singulariser comme cela ? Et il ne s’agit nullement d’une histoire de goût : ça, ça ne se discute pas. Je me demande si ces régimes particuliers, ces singulières entorses aux traditions rabelaisiennes, ne sont pas en fait, des façons de ne pas se noyer dans le groupe, de se montrer différents. (Ces marques de différentiations ne sont elles pas la traduction d’un orgueil mal placé ?)
Qu’est-ce qui pousse les gens à se croire tellement indispensables à la bonne marche du Monde, qu’ils en arrivent à oublier de vivre, emprisonnés derrières des règles d’hygiène qui n’ont rien de celles de l’esthète, pour grappiller quelques jours d’espérance de vie statistique, aussi aléatoires que le gain du loto. Tout en roulant d’ailleurs, comme des dingues sur la route, habitant des agglomérations polluées, et surtout, surtout, stressant comme des fous pour établir des stratégies…zen…

Ici, heureusement, rien de cela. Grâce à nos MM:. des Banq:., titulaires, adjoints, Comp:. de cuisine ou App:. saucier, tout ce petit monde que j’aime à surnommer « nos indispensables », grâce à eux, donc, la qualité de la pitance,encore démontrée ce soir, nous fait oublier toute retenue. Et la langue, la meilleure et la pire des choses, se délie, et le temple à peine quitté, la tenue reprend sous d’autres formes à mi chemin entre le sacré et le profane, ni tout à fait la même ni tout à fait une autre…

Le V:. M:. peut être absent, le Prem:. Surv:. en vacances, le second peut se marier, la tenue se fera. Mais si par malheur, le M:. des Banq:. vient à manquer, nous voilà face à des surgelés aussi froids qu’un DRH d’une multinationale en stage de coatching en Sibérie en janvier, ou bien face à un plateau de charcutaille graisseuse, rappelant le réconfort spartiate d’un sandwich SNCF dirigée par un ministre stalinien amnésique et anorexique.
J’aime manger, j’aime ripailler, me goinfrer. J’aime boire, goûter, déguster, m’enivrer. Pas tout le temps, non, quel intérêt ? On ne jouit que par contraste. Mais je crois que faire la fine bouche, faire le difficile, le délicat, sans arrêt, c’est injurier ceux qui crèvent de faim. Râler continuellement contre son boulot c’est injurier le chômeur, pester contre son corps au pied, c’est injurier le malade, se plaindre tout le temps c’est injurier la vie. Mort aux grincheux !
Car la vie est sacrée. Pas religieusement, non, mais par la conscience d’une espèce de devoir de responsabilité envers nos coloca terre…!
Alors mes Frères, « Liberté », liberté ce soir de boire des canons de poudre forte, voire de poudre fulminante, et pourquoi pas pétillante, car je crois en avoir vu des bouteilles.
« Liberté, Egalité », égalité devant les plateaux et les tuiles chargés par nos apprentis sauciers.
« Liberté, Egalité, Fraternité », fraternité pour ce banquet d’Ordre, tenue exceptionnelle, pour des frères qui ne le sont pas moins.
En conclusion, quelques vers de ma pomme, oui l’expression est un peu maladroite, j’en conviens, « vers de ma pomme »… alors quelques vers de ma composition donc, que certains reconnaîtront.
Je crois en vous mes frères, en votre aide, en votre soutien. Je crois en nos tenues, pensées enrichissantes, rituels bienvenus. Je crois en elle mes frères, en cette maçonnerie. Servons la, aidons la, remuons la, bousculons la, mais restons lui fidèles, mes frères, car elle est n’est pas à nous. Elle est de tous les ages et de toutes les couleurs, elle est pour le riche et elle est pour le pauvre, pour celui qui viendra et celui qui est mort, pour celui qui sait et celui qui ignore, pour celui qui travaille et celui qui attend, pour celui qui marche et aussi l’impotent, pour celui qui est gai et pour celui qui pleure, elle est pour le confiant et celui qui a peur, pour celui qui est libre et pour le prisonnier, pour celui qui parle et puis…pour le muet.

J’ai dit.

Lu le 16/09/2006 | Apprenti

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