La voûte étoilée
Vénérable Maitre en chaire, et vous tous mes frères et mes sœurs en vos grades et qualités :
Allez viens…
Etend-toi sur l’herbe … juste à coté de moi …
Pose ta tête, là… dans le creux de cette épaule…
Regarde elle est là… Autour nous …
Depuis presque toujours et pour presque toujours….
Voute étoilé… Vous, tes , toi, les,…….. ni mien, ni nous. Définitivement étrangères, extérieur.
Quelque soit la distance parcourus, toujours aussi loin, inaccessible.
Et toi et moi, poussières d’étoiles agglomérée en pierre brut, nous venons de là haut.
Et toi et moi allongés sur notre astéroïde B612, qui sommes tour à tour, roi de rien, vaniteux sans public, géographe bureaucratique, ivrogne en quête d’oublis, ou allumeur de réverbère, alors que là-haut existent des énergies inimaginables qui déforment même le temps, des collisions qui durent des milliards d’année et des effondrement sans fin.
Toi et moi, si fragiles, si petits, si inutile tout à coup, allongés au bord de la planète, l’espoir au creux du cœur.
Plongeon. Regarde en moi ma propre voute étoilée, chacune de ses épingles de lumières que j’ai accroché au ciel de ma psyché, mes amours, mes idées hautes, mes inaccessibles qui me guident pourtant, mon panthéon, mes héros et héroïnes.
Cette voute qui m’engrotte, qui me cavernise et ces étoiles qui me fenêtre et m’espace, le secret et l’ouverture.
Et là dehors ces étoiles : chacun de nos anciens, de nos mythes, de nos dieux, de nos valeurs de société que l’on a placé là-haut depuis la nuit des temps, jusqu’à l’espoir de monde meilleur quand on aura bien pourris celui-ci.
Là-haut on a logé la plupart de nos guides, guides moraux avec nos anciens et nos dieux, guide géographique pour nos marin, guide de vie, pour les naïfs, avec l’astrologie.
Mais certaines nuits le ciel est couvert. Les idées hautes se brouillent. Les guides s’embrouillent. Naviguer à l’instinct. Naviguer à l’instant. Dans la tempête et l’adversité. D’autres fois elles apparaissent par milliers ces idées hautes, tellement nombreuses qu’elles deviennent indistinctes et forment le chemin, la voie (… lactée évidemment) du nord au sud.
Oh . Les murs se dressent. Et nous voici dans le temple. Le temple unique. « Un seul dieu dans un seul temple » dit l’ancien testament. Le temple universel. Le temple de l’univers. L’univers qui est le temple. Sous la voute étoilée.
A ce propos :
Sherlock Holmes et le Dr Watson sont au camping. Après un bon repas et une bouteille de vin, ils gagnent leur sac de couchage dans leur tente et s’endorment. Quelques heures plus tard, Holmes se réveille et aussitôt secoue son compagnon :
– Watson, regardez le ciel et dites-moi ce que vous voyez.
– Je vois des millions et des millions d’étoiles
– Qu’est-ce que cela vous évoque ?
– Astronomiquement, répond Watson, cela me dit qu’il y a des millions de galaxies et potentiellement des milliards de planètes.
Astrologiquement, j’observe que Saturne est en Lion.
Pour l’heure, j’en déduis qu’il est environ 3 h 15.
Théologiquement, je me dis que Dieu est tout-puissant et que nous sommes petits et insignifiants.
Météorologiquement, je pense que nous aurons une belle journée demain…
Et vous, Holmes?
Sherlock Holmes reste silencieux une minute puis déclare :
– Watson, vous êtes une burne. On nous a fauché la tente !
Ainsi, si depuis l’intérieur du temple nous en voyons le ciel, c’est que, contrairement a ce que nous affirmons à midi, le temple n’est pas couvert. Le maçon construit l’œuvre sans fin. De midi a minuit, la tour de Babel se dresse. Et le toit n’arrive jamais.
Le maçon construit les murs, mais le couvreur construit le toit. Mon frère couvreurs est, je crois, entre autres, le symbole de nos anciens.
Alors le guide rejoint la voute.
Cette voute étoilée qui est un toit qui ne protège de rien si ce n’est de l’enfermement.
Et les anciens travaillent au toit, à la voute étoilée qui guide la montée des murs. Et ainsi ils couvrent le temple au sens guerrier et au sens artisanal.
Glissement sémantique.
Les anciens couvrent le temple des embuches extérieures mais le font ils aussi des embuches intérieures qui surviennent quand les métaux oublis de rester à l’extérieur ?
Tant que le temple est dressé regardons, si tu le veux, comment cette voute discute avec d’autres symboles.
Face à la voute, à l’opposé : le pavé mosaïque. Le pavé noir et blanc ; ce qui est sacré et ce qui est maudit, dans nos âmes et dans nos sociétés. Au noir et au blanc répondent l’or et le bleu profond. Le bleu profond qui n’est pas le froids absolu du noir. -270°Celsius, 3°K image résiduel du bigbang, d’un éden originel où tout était lumière. Peut être que ce bleu nuit veut dire que même loin de toute vérité un peu de lumière reste, comme ces mâcons qui montaient le temple dans les camps de concentration ou comme sœur Emmanuel au milieu des décharges du Caire.
Le presque noir et l’Or de la richesse des vérités, des soleils.
Si l’on s’élève un peu, le pavé devient une tache grise où les combats de nos âmes et les déboires de nos sociétés sont indistincts. Nos bien, nos mal, nos vrai et nos faux, nos beaux et nos laid se mélangent, se moyenne, s’annule. Au contraire, où que l’on aille les guides et les idées hautes reste bien tranché sur le froid abyssale.
Nos bien/beau/vrai parfaits, nos guides, nos idées hautes, elles, ne se compromettent pas.
Viens maintenant et cherchons, si tu le veux, les chemins symboliques qui vont du pavé à la voute. Cherchons les lignes de fuite…
J’en vois trois.
Le premier chemin passe par le fil à plomb, la rectitude morale pour moi.
Ce fil à plomb ne touche pas le sol, le pavé. Et commence donc par la liberté.
De ce chemin je t’en livre mon interprétation.
Par ta libre pensée choisis tes règles et alors par ta rectitude fait en tes guides de vie, tes idées hautes.
Le deuxième chemin passe par les colonnes B et J, j’oublie B qui n’est pas de mon âge et m’intéresse au chemin par la colonne Jakin.
On peut la décrire comme un phallus vertical tricouillé de grenades.
Commençons par la colonne :
– Jakin : la force qui construit.
– Le phallus hypertestosteroné : la force brute.
Bon la force quoi.
Au dessus des colonnes, les 3 grenades, la grenade symbole d’amour, 3 amours, Agapè, Philié, Eros.
Au dessus des grenades rien. La liberté de cheminer.
Et tout en haut : La voute étoilée.
Alors voici mon interprétation de ce chemin symbolique : Par ta force, au travers du crible de ton amour de l’humanité, de celui de tes frères et sœurs et de celui de ta compagne ou de ton compagnon, tu engendres la liberté qui te permet de suivre tes guides, tes idées hautes.
Ces deux chemins sont bien aride et leur verticalité abrupte et absolu les rends bien difficiles à suivre mais un troisième, peut être plus humainement accessible, semble existait.
Je l’ai entrevu grâce à une réflexion d’un de mes frères.
Cette réflexion était qu’il existe, dans le temple une verticalité horizontale. Les colonnes que les frères décorent sont bien, par leur nom, des verticales. Et ces verticales dessinent, avec l’orient, le profil d’un temple dont la voute est formé par ceux qui guide d’autres ateliers. Encore des guides.
Ainsi pour s’élever du pavé vers la voute dispose t’on d’un autre chemin ne nécessitant ni ailes ni combustion hydrogène.
Ce chemin symbolique commence pour le maçon lorsqu’il nait par la porte basse, passe par les colonnes du nord puis du sud, ensuite les offices, un par un, dans l’ordre jusqu’à l’orient, au plus prés du zénith. A chaque étape une symbolique, un apprentissage. Et d’apprentissage en apprentissage le maçon s’enrichit. Puis il revient au poste de couvreurs en charges de la voute. Et enfin, plein d’un riche savoir, il rejoint les colonnes pour les enrichir. Chaque office me semble contenir un apprentissage d’une facette de ce que tout maçon ou société devrait être. Quand il a fait tout ces apprentissages il est au plus près, pour lui, de la voute mais il retourne dans les colonnes pour faire vivre le système qui l’a fait grandir.
J’aime bien l’idée de ce chemin. D’abord parce qu’il me parait plus praticable. Mais aussi parce qu’il n’est pas égotique. Certes il n’est pas rapide mais il me semble plus riche.
Ces trois voies du pavé à la voute sont probablement à cheminer de front. Voyage bien difficile. Et, malgré tout ces efforts, nos sociétés aussi bien que nos âmes ne quitterons jamais le pavé mosaïque et n’atteindrons jamais les étoiles. Mais, sur la route, que de découverte pouvons nous faire, comme les alchimistes cherchant la pierre philosophale et découvrant des tas choses hormis cela.
Mais je parle, je parle, et regarde les étoiles ont tourné, certaines se sont couché, d’autres ce sont levé. Les guides changent au cours du temps, de notre évolution personnel ou de celle de nos sociétés, des époques, des modes. Des idées hautes naissent et disparaissent, des anciens sont oubliés et d’autres placés au firmament, des dieux naissent et d’autres meurt. Riens n’est immuable… Sauf, semble t’il celle là, là-bas, qui parait ne pas avoir bougé. L‘étoile polaire. Polaris. Choisis la bien celle là, c’est grâce à elle que, comme le navigateur, tu feras le point régulièrement…
Autre chose : Souvent je pense aux innombrables planètes qui existent. Sur chacune d’elle un soleil qui n’est pas Le Soleil. Et là-bas notre soleil, si seulement il est visible, n’est qu’une étoile parmi les autres. Il n’est plus l’absolu qui tranche l’ombre de la lumière mais juste un guide. Et leur soleil n’est ici qu’un point lumineux dans le froid sidéral. A chacun son soleil, ses étoiles, son étoile polaire.
Autre chose encore: regarde les, ces épingles de lumières. En leur sein agissent des forces colossales mais, ici, ces étoiles n’ont aucune force, aucun pouvoir, leur seul rôle c’est d’être là et de montrer le chemin. Qu’elle représente un aïeul, un ancien, une idée haute, un dieu, une vertu, ou ce que tu voudras les étoiles ne peuvent rien faire si tu ne les suis pas.
Une dernière chose à propos de la voute étoilée : La thermodynamique nous explique que toutes les lois physique tendent a une chose : établir des équilibres. Et un système à l’équilibre est un système mort ; il ne s’y passe plus rien. Dans l’univers nous ne connaissons que deux choses qui créent systématiquement du déséquilibre : D’abord la vie, en créant des molécules complexe, des différences de pression osmotique, des potentiels oxyred etc. au sein des organismes et des cellules, mais aussi en construisant des moteurs, des tableaux, des tours de Eiffel, des fourmilieres etc. La deuxième chose qui crée du déséquilibre c’est l’univers dans son intégralité, grâce à son expansion qui refroidit le rayonnement fossile du bigbang et augmente le déséquilibre entre le fond froid du néant et les zones chaudes que sont les étoiles. L’univers et la vie créant ensemble du déséquilibre, du potentiel, du possible. Et si c’était cela un des sens de la vie ? Un des sens du fait qu’il existe quelque chose plutôt que rien ? Créer du possible…
Je finirais par une scène qui m’est venue à l’esprit quand je pensais à la polysémie du mot couvreur. Cela se passe dans de nombreuses générations.
Au moment de couvrir le temple le frère couvreur sort, un instant, il revient, un peu affolé et dit « Mes frères et sœurs je ne comprends pas il n’y a plus d’extérieur ». Alors il verra que la voute étoilée a un scintillement particulier qu’elle n’avait qu’imparfaitement jusqu’ici, qu’une brise légère parcours le temple, que le temple couvre le monde entier, que les colonnes sont décorés des dizaines de milliards de personnes qui composerons alors l’humanité, « Un seul temple ».
D’ailleurs il est à parier qu’en cette année forcement 16180 les maçons se demanderont s’il convient d’initier leurs frères et sœurs de la constellation du Centaure parce que certes ils ont une conscience mais ils ne sont pas tout a fait pareils et les tentacules quand même c’est pas pratique pour les agapes et qu’on ne pourras plus faire de blague sur les vénusiens.
Aller viens rentrons maintenant l’humidité tombe et il fait un peu frais. Oh ! Tu t’es endormi… Depuis quand n’écoutes tu plus mes divagations ? Cela n’as pas d’importance, la voute étoilée peut attendre … elle est là depuis presque toujours et pour presque toujours.
Mais une question me taraude soudain : Et moi qui doit te guider dans cette vie que tu débutes qu’elle est ma place dans ta voute étoilée ?
J’ai dit vénérable maître.
Lu le 20/12/2008 | Apprenti