Inquisition et liberté de conscience

Inquisition et liberté de conscience
Un éclairage sur la liberté de conscience.

L’Inquisition et la Liberté de conscience
Dans les années 1500 Juan de Luna conta à la fin du Lazarrillo de Tormes l’histoire suivante : On avertit un beau
jour un paysan de ce que l’inquisiteur du lieu voulait lui parler. Le pauvre homme crut en mourir de peur. Mais
l’inquisiteur voulait seulement qu’il lui offrit quelques belles poires d’un poirier que le paysan avait dans son
jardin. Le paysan s’exécuta et immédiatement après il arracha le poirier.
Nous sommes les fils de la Révolution française et nous avons conquis depuis longtemps ( mais cela ne fait
finalement que deux siècles ) la Liberté de conscience. Même si nous déplorons toutes les initiatives que nous
considérons comme des atteintes à la Loi de séparation des églises et de l’état, même si nous dénonçons la
réapparition du délit de blasphème, nous ne croyons pas sérieusement que les églises puissent de nouveau
intervenir dans la société sur le plan pénal. Peut-être avons-nous tort.
Nous avons oublié qu’il fut un temps où la moindre déviance vis à vis de la foi pouvait vous envoyer au bûcher.
Nous avons de même oublié, ou nous faisons semblant de ne pas nous en souvenir, que le temps n’est pas si
lointain où le moindre doute sur les bienfaits du socialisme dans les démocraties populaires, qui n’étaient ni
l’une ni l’autre, vous envoyait au goulag dans le meilleur des cas.
Si bien qu’il n’est peut-être pas inutile de se remettre en mémoire en quoi l’inquisition était un attentat absolu
contre la Liberté de conscience en même temps qu’elle était un génocide maintenant bien oublié.
Amplifiant les décisions du concile de Tours de 1163 le pape Lucien III promulgua la bulle « ad abolendam »
qui décrivait les procédures pénales contre ceux qui s’éloignaient de la pureté de la foi, autrement dit les
hérétiques. Avec la montée sur le trône pontifical d’Innocent III l’hérésie fut assimilée au crime de lèse majesté
du droit romain qu’il faut juger, condamner et châtier. Mais le pape Grégoire IX introduisit des dispositions
miséricordieuse : qui se présenterait spontanément pour confesser ses erreurs ne seraient puni que d’une
pénitence canonique, ceux qui se convertiraient par peur de la mort seraient condamnés à une peine de prison, les
récalcitrants seraient remis au bras séculier pour qu’ils reçoivent la peine prévue, c’est à dire la peine de mort.
En fait l’hérésie est quasi consubstantielle des religions en général et du catholicisme en particulier. Depuis
l’origine les divergences d’interprétation firent que les uns étaient toujours les hérétiques des autres. Il fallait
donc que la peur d’un châtiment exemplaire empêchât toute déviation.
D’abord utilisé, en France, pour la répression de l’hérésie cathare, l ‘inquisition se développa ensuite en Espagne
et au Portugal. En onze ans de 1482 à 1493, l’inquisition s’étendit pratiquement sur tout le territoire de la
péninsule. La rapidité de ce processus est dû à une ferme volonté politique de contrôle de tout le territoire par ce
qu’on a appelé le saint office dans un but certes religieux mais aussi politique, la royauté espagnole ayant très
vite saisi le parti quelle pouvait tirer du contrôle des consciences pour l’établissement d’un pouvoir fort.
La raison en est en effet double.
Le pape considérait détenir tous les pouvoirs spirituels et temporels. Il déléguait le pouvoir spirituel aux évêques
et le pouvoir temporel aux rois et empereurs et ce en vertu de ce que dieu, détenteur de tous les pouvoirs, les
faisait descendre sur son vicaire la sur terre, qui, à son tour, les répartissait. Ceci n’allait pas sans conflits plus ou
moins déclarés dans la mesure où les monarchies avaient une tendance naturelle à revendiquer leur autonomie
dans le même temps que pendant longtemps elles souhaitèrent bénéficier de l’appui de la papauté.
Dans le cas particulier de l’Espagne ce pays fut pendant des siècles un état multiculturel et multiculturel. Si la
communauté de vie de chrétiens, de juifs et de musulmans fut pendant longtemps un facteur d’enrichissement
mutuel il fut considéré comme une source de faiblesse dès lors que la disparition du dernier royaume maure
devenait prévisible et que les ambitions du royaume l’amenait à se heurter à des états plus unifiés comme la
France.
Dans cette perspective l’inquisition pouvait devenir un facteur de contrôle social permettant la réunion des sujets
fidèles catholiques autour d’un roi très catholique. Observons, au passage, que ce fut aussi la préfiguration des
inquisitions « laïques » modernes et totalitaires où le parti tint la place de l’église, avec les mêmes conséquences
du point de vue de la répression.
Quoi qu’il en soit le pouvoir considérable accordé à l’inquisition se traduisit par une prodigieuse intolérance
religieuse qui fit disparaître toute espèce de tolérance et de liberté de conscience. Il faut préciser d’ailleurs qu’au
moment où l’inquisition s’implantait en Espagne, l’Europe connaissait un regain d’hérésies qui allait amener le
triomphe du protestantisme, c’est dire si les positions devaient se radicaliser.
Il en est résulté que l’inquisition devint un tribunal au service de la couronne espagnole. Des décrets royaux la
mirent en place; les inquisiteurs généraux étaient nommés par le roi ; les confiscations de biens et les amendes
alimentaient le trésor royal ; les inquisiteurs étaient rémunérés par le roi . De telle façon que le tribunal de
l’inquisition n’était pas un tribunal ecclésiastique mais bien un tribunal séculier et ce d’autant plus que le tribunal
de l’inquisition s’est trouvé le conseil royal le plus ancien de ceux qui furent fondés ou réformés par les
Habsbourg d’Espagne puisqu’à l’exception de l’inquisiteur général et de ses six conseillers tout le personnel du
conseil suprême était laïc .
Bien que l’inquisiteur général prétendit tenir sa charge « par la grâce de dieu et du saint siège « il dépendait
très peu du pape et bien plutôt du roi qui le nommait et pouvait exiger sa démission, ce dont les monarques ne se
privèrent au cours de l’histoire. Il n’est pas certain que cette situation ait déplu à la papauté surtout quand
l’inquisition accumula l’impopularité à l’intérieur du pays et la répulsion à l’extérieur.
Ajoutons qu’en ce qui concerne le délit le plus poursuivi, la pratique du judaïsme par une personne convertie au
christianisme, c’est à dire un converso judaïsant, selon l’expression de l’époque, il y avait ailleurs, en France, par
exemple, et avec une certaine hypocrisie une tolérance de la pratique du judaïsme. A Bayonne dans le quartier
de saint esprit on pratiquait librement la religion mosaïque pour autant qu’on respecte certaines formes des rites
catholiques, qu’on paie un impôt annuel de 1000 pesos et qu’on paie au clergé séculier et à la paroisse de saint
Etienne les droits correspondants aux baptêmes et aux enterrements. Malgré cela on se louait du libéralisme
français.
Dire que l’inquisition pourchassa les juifs est donc faux. La bulle de Sixte IV visait exclusivement les hérétiques
judaïsants afin de justifier le tribunal de la foi. Les juifs se trouvaient en dehors de la compétence des tribunaux
de l’inquisition, car n’étant pas chrétiens ils ne pouvaient être hérétiques par rapport à une foi qui n’était pas la
leur. En fait on usa de ruse ou de violence. En 1492 l’Espagne donna le choix aux juifs du royaume entre la
conversion ou l’exil. Le Portugal opta un peu plus tard pour une mesure plus radicale : tous les juifs furent
convertis de force. Convertis plus ou moins volontairement et le plus souvent sans beaucoup de conviction, ils
devinrent sujets de l’inquisition dans la mesure où le fait de continuer de façon plus ou moins secrète la pratique
du judaïsme pouvait provoquer l’incarcération puis le déroulement de la procédure. Il suffisait d’une
dénonciation pour être incarcéré.
On peut dire sans exagération que les poursuites contre les hérétiques qui n’étaient pas seulement des juifs
convertis devenus de « nouveaux chrétiens « judaïsants, constitua sur trois siècles le premier holocauste, la
première shoa, le premier génocide des temps modernes.
Ainsi donc quels étaient ceux que l’inquisition avait pour mission de poursuivre ?
-D’abord les juifs ou nouveaux chrétiens, convertis au catholicisme qui continuaient de « judaïser « c’est à dire
ceux qui restaient fidèles en secret à la loi de Moïse , et dont on craignait que la fréquentation de leurs excorréligionaires ne les ramènent à leur ancienne foi, d’où la stricte séparation théorique des deux populations.
Cela pouvait aller très loin. Dans les années 1470 un rabbin de Cuellar prononçait des sermons si éloquents que
non seulement des juifs mais encore des conversos et jusqu’à des vieux chrétiens venaient l’écouter. Certains
furent accusés d’hérésie et la question se posa de savoir si le simple fait d’écouter le sermon d’un rabbin était ou
non une hérésie. C’est dire jusqu’où allait l’interdiction des rites juifs.Puis au fil du temps :
-les anciens musulmans fidèles en secret à leur religion, à la communauté universelle de l’islam et à leur
pratiques religieuses, favorisées par le fait que la plupart des « moriscos « étaient des paysans, donc
généralement isolés du reste de la population. S’y ajoutait le fait que la religion musulmane autorise la
dissimulation de la foi en cas de danger ( la taqiyya ou qitmân ), pour autant qu’on reste intérieurement fidèle à
la vrai foi par une volonté droite ( la niyya ou intention ) qui donne une valeur religieuse à tous les actes,
spécialement les actes du culte, qui doivent être précédés de cette intention intérieure pour être valables.
-les protestants, adeptes des doctrines de Calvin ou de Luther, et autres hérésies issues du tronc médiéval,
-les ecclésiastiques qui se rendaient coupables du délit de sollicitation qui consistait lors de la confession à
demander des faveurs sexuelles aux pénitentes,
-les Illuminés,
-les vieux chrétiens mal christianisés,
-les sorciers,
-les astrologues et les adeptes des sciences occultes, condamnées par la bulle de Sixte V Coeli et terrae, ce qui
entraîna, en 1622, la suppression de la chaire d’astrologie de l’université de Valence.
-Les blasphémateurs,
-Les bigames,
-Les homosexuels,
-Ceux qui se rendaient coupables de délits contre le saint office,
-les usuriers,
-les francs-maçons, sur lesquels l’inquisition, avant sa disparition, concentra tous ses efforts,
et d’une manière générale on s’attachait à détecter toute déviance par rapport à quatre questions :
-les questions relatives aux dogmes et à la virginité de la vierge,
-la recherche systématique des infractions contre le sacrement du mariage,
-la superstition et les pratiques de sorcellerie,
-le blasphème ou les paroles scandaleuses.
étant bien entendu que la préoccupation fondamentale des inquisiteurs, et leur véritable obsession, étaient les
juifs convertis, les nouveaux chrétiens. Les inquisiteurs furent inflexibles, surtout vis à vis des anciens juifs et
musulmans car ils savaient bien que, dans la plupart des cas ces conversions n’étaient ni sincères ni véritables.
De plus ils étaient soupçonnés d’être un état dans l’état.
Selon la gravité de la faute elle était qualifiée de : hérétique, proche de l’hérésie, malsonnante, téméraire,
scandaleuse, schismatique, blasphématoire, séditieuse, injurieuse, favorable à l’hérésie, dangereuse, impie,
susceptible d’offenser des oreilles pieuses.
Ace sujet on peut prendre à titre d’exemple la dénonciation le 9 mai 1700, à Carthagène des Indes de D. Melchor
Ladron de Guevara maître de camp et lieutenant général de la ville de Portobelo. Il fut soupçonné d’hérésie
grave pour avoir dit :
-qu’il ne considérait comme sainte, sainte Rose de Lima parce qu’elle était indienne, et qu’à ce compte là il
allait demander au pape un brevet de sanctification avant même sa mort ;
-qu’aux Indes ( en Amérique ) Jésus ne descendait pas dans l’hostie lors de la consécration ;
-que même dieu ne pouvait pas placer les pièces d’artillerie là où on le lui demandait à lui ;
-que ce qu’il possédait il ne le devait pas à dieu mais bien plutôt à son travail ;
-qu’il ne suivait pas les rites de l’église ;
-qu’étant au ciel si dieu l’offensait il le tuerait ;
-que dieu pouvait le condamner mais ne pourrait pas lui enlever l’arrière goût du plaisir du jour du jugement ;
-que si dieu ne condamnait pas certain roi catholique à aller en enfer, il n’était ni juste ni dieu ;
-qu’il n’avait pas besoin de dieu ;
-qu’il ne croyait pas que dieu soit aux Indes.
Bien plus l’inquisition alla jusqu’à inquiéter, incarcérer, condamner d’illustres professeurs de théologie.
L’augustin frère Alonso de Gudiel, par exemple, de l’université d’Osuna et d’origine converso. Pour avoir dit,
par esprit de polémique universitaire, que les rabbins, les juifs et les judaïsants pouvaient avoir plus la foi que les
saints ou que la vierge Marie n’était finalement qu’une femme, il fut enfermé dans des conditions terribles. Le
médecin qui le visita écrivit au tribunal qu’il était en très mauvaise santé et en danger, qu’il avait des diarrhées
sanglantes, qu‘il avait la galle et des ulcères sur tout le corps, qu’il était très faible et découragé et qu’il était
nécessaire d’améliorer son sort. On lui fit alors la grâce de l’autoriser à se confesser. Il mourut en prison en
suppliant qu’on ne le torture plus.
Ou encore Fray Luis de Léon un des plus grands professeurs de théologie de Salamanque qui avait observé que
la bible avait été mal traduite de l’hébreu au grec avec de nombreuses erreurs et que le concile de Trente l’avait
approuvée sans pour autant en faire un article de foi, que les rabbins interprétaient parfois mieux les écritures que
les saints, que saint Augustin ne connaissait pas les écritures. On releva évidemment qu’il était descendant de
juifs, que certains dans sa famille avait été condamné par l’inquisition et on l’incarcéra pendant cinq ans, tout
ceci parce qu’un de ses frères en religion voulait occuper sa chaire de théologie. On lui confia une autre chaire et
il commença son cours par : Nous disions donc hier.
On ne saura jamais le nombre exact des victimes de l’inquisition, beaucoup d’archives ayant disparu ou ayant été
détruites.
Pour ne parler que des juifs 100.000 à peu près choisirent l’exil en 1492. On estime les convertis, nouveaux
chrétiens donc, à deux ou trois cent mille. Sur ce total l’inquisition instrumenta contre eux à peu près 40.000
instances et 7.000 personnes furent condamnées à mort, soit un peu moins de 20%, ce qui est considérable. Pour
se donner une idée, et bien que les statistiques manquent du fait de la destruction de beaucoup d’archives, on
estime que de 1560 à 1614, soit, un peu plus de 50 ans l’inquisition espagnole aura condamné, toutes causes
confondues 27.910 personnes dont 637 furent brûlées soit 13 par an, et la grande fureur de l’inquisition était
passée. En ce qui concerne les musulmans il y eut à peu près 300.000 expulsés car ils n’eurent pas le choix entre
le départ et le baptême, suspects comme ils l’étaient d’être des ennemis de l’intérieur.
Ceci signifie que le judaïsme survivait malgré tout, même si on peut sans mal admettre un certain nombre
d’erreurs judiciaires .
Le judaïsme espagnol était extrêmement ancien. Les premiers juifs arrivèrent très probablement avec les
Phéniciens, soit avant le christ. Peu portés sur le prosélytisme, ils convertirent néanmoins un certain nombre
d’espagnols et par voie de mariages se fondirent dans la population et devinrent espagnols, ne gardant, comme
originalité, pourrait-on dire, que leur religion à laquelle ils tenaient. Ils passèrent sans trop de mal la domination
musulmane et nombre d’entre eux devinrent célèbres comme hauts fonctionnaires, savants, médecins, écrivains.
Il en fut de même lorsque les chrétiens reconquirent l’Espagne. Au début, car au fil des siècles, la situation se
tendit et les juifs, devinrent suspect vis à vis du pouvoir royal et du pouvoir religieux comme allogènes par
rapport au catholicisme de plus en plus triomphant.
La royauté profitait des services d’une population active et entreprenante qui lui rendait d’éminents services,
dans le domaine financier en particulier. Mais elle avait également besoin de la papauté et de l’église qui de leur
côté voulaient assurer l’hégémonie absolue du catholicisme sur des populations souvent mal christianisées et
mélangées aux juifs par des liens de voisinage urbain et de famille puisqu’il existait un nombre non négligeable
de mariages mixtes. Même le roi Fernand le catholique avait une grand mère juive.
Quoi qu’il en soit l’église au fil des années fit monter la pression et il y eut des pogroms très graves en 1391.
Petit à petit des mesures discriminatoires furent appliquées : résidence dans un quartier séparé de celui des
chrétiens, interdiction d’exercer un certain nombre de fonctions ou de professions, port d’un insigne distinctif,
interdiction de témoigner en justice contre un chrétien, manger et boire avec des chrétiens, assister à des
baptêmes, mariages ou enterrement de chrétiens et toute une série de mesures vexatoires relatives au vêtement et
à la vie courante … ce qui d’une manière plus ou moins sévère existait également dans le reste de l’Europe
chrétienne et fut repris en plus sévère au XXe siècle.
Toutes ces mesures avaient pour but d’inciter à la conversion, mais celle-ci obtenue, l’église ne considérait pas
les nouveaux chrétiens de la même manière que les anciens, les « vieux chrétiens ». On disait : ce sont des
catholiques sans foi, ils demeurent juifs sans l’avouer, ils veulent le rester.
C’étaient des gens occupant généralement des fonctions modestes dans la société : couturières, tailleurs,
lavandières, cordonnier, domestique, barbier – chirurgien, soldat, écrivain public, épicier. On est loin de la
légende du riche converti. Certes il s’en trouvait quelques uns qui exerçaient le commerce de l’argent mais le
plus souvent pour des sommes modestes en milieu urbain ou rural et aussi quelques grands financiers, grands
argentiers au service des rois. La disparition de ces derniers après 1492 mit la royauté espagnole entre les mains
de financiers italiens ou allemands qui furent beaucoup plus rapaces.
La procédure inquisitoriale comptait un certain nombre de principes :
-Une phase informative et une phase probatoire, au cours de laquelle il s’agissait beaucoup plus d’accumuler
des preuves contre l’accusé que de découvrir sa possible innocence.
-Le principe du secret maintenu tout au long du procès qui ne permettait ni à l’accusé ni à son défenseur
d’avoir accès aux témoignages et aux preuves concrètes ce qui ce qui avait pour effet de rendre difficile et
même quasi impossible une défense efficace.
-La recherche opiniâtre de l’auto accusation de l’accusé en utilisant la menace de la torture.
-L’arbitraire judiciaire bien supérieur à celui d’un procès pénal ordinaire les normes pourtant écrites de la
procédure n’étant pas appliquées.
-Le temps indéfini du procès.
Avant toute action de procédure les inquisiteurs devaient prononcer, un jour de grande fête religieuse, dans la
cathédrale ou l’église la plus importante de la localité, un sermon dit général demandant aux hérétiques de
confesser spontanément leur culpabilité, ce qui leur vaudrait une simple pénitence. Il était également demandé
aux fidèles de dénoncer les actes d’hérésie dont ils pouvaient eux-même avoir connaissance, sous peine en cas
d’abstention de comparaître à leur tour devant le tribunal de l’inquisition en tant que complices.
L’abstention dans la dénonciation pouvait être considérée comme une hérésie pouvant provoquer des châtiments
terribles de nature ineffaçable qui désigneraient à la vindicte publique le condamné et sa famille. La principale
sanction était celle de l’excommunication qui ne pouvait être levée que par les inquisiteurs ou par le pape, sanction d’autant plus grave qu’au bout d’un an elle devenait elle même un délit dont avait connaissance l’inquisition elle même. Remarquable cercle vicieux..
Ce sermon avait généralement lieu en Janvier ou Février c’est à dire avant le carême de façon à ce que la suite
des opérations aient lieu en des temps de sacrifice, de repentir, de rappel des horreurs de l’enfer, où avaient lieu
des actes de repentir collectif, de pénitences publiques, de processions expiatoires, de dénonciation de
l’obstination dans le péché. Cette mise en scène de l’affliction publique avait pour but de provoquer des repentirs
qui provoqueraient des délations.
S’ouvrait alors un délai de Grâce de quelques jours au cours duquel les inquisiteurs pouvaient recevoir les
confessions ou dénonciations.
Non seulement il était demandé au présumé hérétique de se dénoncer lui même, mais encore pour bénéficier de
l’édit de grâce, mais encore il devait dénoncer tous ses complices qui avaient commis la même erreur ou qu’il
avait poussé à la commettre. On cherchait une réaction en chaîne qui permettrait, selon l’expression consacrée,
d’extirper l’hérésie.
Passé ce délai on prononçait l’anathème devant les fidèles rassemblés. C’était une scène inoubliable au cours de
laquelle on égrenait sur un ton lugubre les malheurs qui allaient tomber sur les hérétiques et leur famille.
On entendait : » toutes les plaies d’Egypte viendront sur eux et toutes les malédictions qui retombèrent sur les
rois pharaons ; ils subiront la condamnation de Sodome et Gomorre ; ils seront brûlés vifs pour leurs péchés
commis contre dieu notre seigneur ; qu’ils soient maudits pendant leur vie et à l’instant de leur mort ; que leur
vie soit courte et amère ; que leurs biens deviennent la propriété d’étrangers ; que leurs enfants soient orphelins
et ne trouvent personne qui ait pitié d’eux ; maudit soit le pain, le vin, la viande, le poisson et tout ce qu’ils
mangeront et boiront ; que leurs vêtements, leur lit soient maudits de toutes les malédictions de l’ancien et du
nouveau testament ; maudits comme Lucifer et Judas ; que tous les diables de l’enfer soient leurs compagnons !
On espérait de tout ceci que chacun devienne l’inquisiteur de son voisin. Car alors les inquisiteurs déclenchaient
les procédures pénales contre les personnes désignées comme coupables d’hérésie par voie d’accusation, de
dénonciation ou plus simplement du fait de l’existence d’une rumeur accusatoire à caractère public. On
demandait d’ailleurs aux autorités locales de collaborer afin que la population ait la certitude que tous les
pouvoirs politiques et religieux pourchassaient l’hérésie. Un rapport était envoyé au conseil suprême de
l’inquisition qui tenait des fichiers.
Les inquisiteurs punissaient in situ les délits véniels qui ne nécessitaient pas de peines de prison comme le
blasphème. Les autres délits étaient renvoyés au siège provincial du tribunal.
On en profitait également pour estimer le degré d’hétérodoxie de la région, examiner le comportement des
hérétiques déjà punis, l’accomplissement des peines, la conduite du condamné et de sa famille, on demandait
l’opinion du curé et on veillait à la présence dans les églises des sanbenitos qui y perpétuaient devant la
communauté le souvenir honteux de la faute.
Les mêmes cérémonies avaient lieu de village en village ce qui permettait à la fois de se rendre compte de
l’orthodoxie religieuse mais en même temps politique.
Quelque fois les curés de campagne, peut-être soucieux de leur propre tranquillité, comme celui de la paroisse
de Santa Maria de Dascos (Lugo), disaient à leurs paroissiens lors de la messe du dimanche : » Attention
l’inquisiteur qui visite le royaume va venir par ici ; pour l’amour de dieu ne vous dénoncez pas les uns les autres
et ne vous mêlez pas de choses concernant le saint office car il en résulterait de grands malheurs pour nous
tous».Peur, solidarité ,défiance, peut-onsavoir ?
Quoi qu’il en soit les dénonciations étaient courantes. Très curieusement, en ce qui concerne les judaïsants on a
trouvé peu de dénonciations émanant de vieux chrétiens. Elles venaient bien plus souvent d’autres conversos
pour des motifs de vengeance personnelle, pour régler de vieux comptes et pour des motifs totalement étrangers
à la religion.
Pour les cas graves, et ils étaient nombreux, l’accusé était incarcéré dans les prisons secrètes de l’inquisition,
sans pouvoir communiquer avec personne. On trouve trace d’une femme détenue avec ses trois fils, comme
judaïsants ; pour le même motif une grand mère, Ana Lopez, fut emprisonnée avec sa petite fille de trois ans !
Au début les interrogatoires des accusés consistaient à leur demander si ils savaient pourquoi ils étaient détenus.
Si ils répondaient de façon négative on leur répondait qu’il existait des indices selon lesquels ils auraient eu une
conduite contraire à l’orthodoxie catholique et on leur laissait le soin de découvrir lesquels puisqu’il s’agissait,
avant tout d’obtenir une auto dénonciation.
On ne donnait jamais connaissance à l’accusé de l’identité des témoins à charge ce qui rendait la défense
extrêmement difficile. Toutefois s’il était établi qu’il y avait eu faux témoignage, le faux témoin était remis au
bras séculier ce qui voulait dire la mort ; il en était de même de ceux ou ceux qui de l’extérieur tuaient ou
blessaient les témoins à charge.
Bien entendu on faisait valoir à l’accusé que s’il confessait volontairement ses fautes avant que l’on ne fasse état
des preuves accusatoires, et néanmoins anonymes, le verdict serait indulgent ; de même que si sa culpabilité était
démontrée par d’autres moyens que sa confession la sentence serait beaucoup plus sévère.
Dans la mesure où l’accusé se refusait à avouer il pouvait être soumis à la torture si on considérait que les
preuves à charge ou à décharge accumulées contre lui ne permettaient pas de déterminer s’il était innocent ou
coupable. On l’avertissait d’ailleurs que si au cours de la torture il subissait quelque mal, lésion ou s’il en
mourait ce serait de sa faute et non de celle des inquisiteurs !
Malgré cela les instructions données aux inquisiteurs leur prescrivaient de procéder avec beaucoup de charité
sans autre motif que le bien des âmes et l’honneur de dieu et qu’ils n’agissent donc pas par intérêt, par haine ou
par peur ou par quelque autre passion. Cela n’empêcha pas le sanguinaire inquisiteur de Cordoue, Diego
Rodriguez Lucero, d’envoyer, dans la décade de 1480, d’envoyer au bûcher plusieurs milliers de présumés
judaïsants.
La présence d’un avocat donna lieu à débat. On pensa en particulier que sa présence était superflue dès lors que
l’accusé avait avoué et que si son assistance se justifiait ce ne pouvait être que dans trois cas :
-l’accusé nie
-il y a des témoins qui lui sont favorables
-l’accusé lui même demande un avocat.
L’avocat pouvait exercer sa mission mais ne pouvait user de procédés dilatoires. S’il avait connaissance de ce
que son client n’avait pas raison il ne devait pas l’aider et devait le dénoncer aux inquisiteurs. Enfin il pouvait
parler avec l’accusé mais toujours en présence des inquisiteurs et d’un notaire qui devra prendre acte de ce qui
aura été dit.
Les inquisiteurs évitaient autant que faire se pouvait de prononcer eux-mêmes le verdict. On préférait recourir à
une sorte de jury à qui le dossier était soumis. Dans un cas on y trouve : trois inquisiteurs, un maire et un
conseiller municipal, deux juristes dont un laïc, trois théologiens.
Les peines infligées devaient être un châtiment pour le coupable et un exemple pour les autres. Elles pouvaient
être les suivantes :
-abjuration
-port du sanbenito
-peines pécuniaires : amende, confiscation des biens
-pélerinages
-fouet
-galères
-exil
-exposition publique
-démolition de la maison
-peines frappant les descendants
-peines de prison à temps, quelquefois à domicile, à vie au pain et à l’eau
-peine de mort sur le bûcher.
Lorsque la procédure pouvait être considérée comme terminée, l’inquisiteur, accompagné d’un notaire et de
témoins communiquait à chaque condamné la teneur de la sentence le concernant. La veille de l’autodafé on
assignait à chacun la place qu’il devrait occuper durant la cérémonie et le jour suivant de très bonne heure on y
procédait. En premier lieu venait un sermon qui devait être bref et au cours duquel on annonçait aux assistants
les indulgences que leur vaudrait leur participation. On recevait ensuite le serment de défense de la foi de tous
les officiels qui participaient à la cérémonie. On libérait ensuite ceux qui devaient recevoir les croix de la
pénitence ou devaient partir en pèlerinage expiatoire. Puis venait la lecture des délits confessés par ordre de
gravité : d’abord ceux qui devaient subir des peines de prison, puis les ecclésiastiques qui devaient être dégradés
canoniquement avant de subir leur châtiment, ensuite les défunts et les fugitifs et enfin les hérétiques impénitents
qui étaient remis au bras séculier pour être brûlés vifs. La cérémonie se terminait par les abjurations publiques de
ceux qui étaient admis au pardon. A genoux ils juraient d’obéir aux commandements de l’église avant d’être
absous de la peine d’excommunication qu’ils avaient encouru du fait de leur péché d’hérésie. Pour preuve de
leur sincérité ils touchaient le livre des évangiles. On chantait alors le « miserere » pendant qu’ils étaient fouettés
plus ou moins symboliquement. Quant aux condamnés à mort ils étaient exécutés en dehors de la ville. Ils étaient
brûlés vifs parce que la sentence demandait au bras séculier de ne pas verser leur sang. Ceux qui se repentaient
au dernier moment avaient la faveur d’être étranglés avant que le bûcher ne soit allumé. On aurait bien entendu
pu les noyer mais l’effet aurait été moins spectaculaire.
Durant la cérémonie certains condamnés étaient interrogés sur leur repentir, mais seulement ceux dont on était
sûrs qu’ils ne se rétracteraient pas ce qui aurait nui au bon déroulement des choses.
Lorsque l’état physique du condamné était trop mauvais, par exemple à la suite d’un emprisonnement prolongé
ou à la suite des tortures, ce qui pouvait provoquer de la compassion de la part des assistants et de ce fait était
contre productif par rapport à la finalité exemplaire de l’autodafé on procédait en privé à un autillo.
En ce qui concerne ceux qui étaient libérés ou qui n’étaient pas exécutés, ils devaient s’engager sous serment à
garder le secret le plus absolu et ne devaient révéler sous aucun prétexte sur tout ce qu’ils avaient vu, entendu ou
subi pendant qu’ils s’étaient trouvés sous la coupe de l’inquisition, serment particulièrement grave puisqu’en cas
de manquement au serment ils se retrouvaient de nouveau dans les geôles de l’inquisition avec toutes les
conséquences qu’on peut imaginer.
Il existait un droit d’appel théorique devant le pape. Les rois catholiques, prudents avaient obtenus de Sixte IV la
création d’un juge d’appel pour toute l’Espagne ce qui évitait de recourir à Rome puisque ce juge remplaçait le
pape. De plus l’inquisiteur non seulement ne pouvait être récusé mais encore pouvait faire couvrir ses procédures
irrégulières par son assistant ou n’importe quel inquisiteur . Il en résultait finalement que l’inquisition était juge
et partie ce qui occasionna de nombreux abus qui furent autant de dénis de justice, d’autant que tous ses protégés
ne relevaient que d’elle quelque soit le délit commis. Comme par ailleurs l’inquisition a toujours eu tendance à
poursuivre des suspects, même au delà de la compétence, déjà large qui lui était reconnue, il s’en suivit des
conflits avec les juges de droit commun qui déclaraient que certaines causes étaient de leur compétence.
Les juges inquisitoriaux s’en tiraient élégamment en excommuniant les juges royaux, et quand on se souvient
qu’au bout d’un an on devenait hérétique faute d’avoir été relevé de l’excommunion et on devenait donc sujet de
l’inquisition. On devine sans mal le trouble évident dans la bonne administration de la justice. La Junta ou
Parlement en 1696 dut demander au roi qu’il prononce une interdiction formelle aux juges inquisitoriaux de
lancer des excommunions sur les juges du droit commun pour des causes sans rapport avec la foi.
Il faut en retenir qu’au fil du temps l’inquisition se révéla être un formidable pouvoir capable de s’affronter aux
plus hautes magistratures de l’état tant civiles que religieuses. De ce fait elle devenait difficilement contrôlable
du fait qu’elle aspirait à une complète indépendance vis à vis de tous. Le roi eut souvent à intervenir, parfois
vigoureusement.
Ces pouvoirs, usurpés ou non, donnèrent lieu à des abus considérables :
-A partir du moment où on était incarcéré par l’inquisition les biens du présumé coupable étaient confisqués au
jour du délit présumé, avec toutes les difficultés que cela provoquait dans le cas où le bien avait été, par exemple
vendu, entre le moment estimé du délit et le moment de l’arrestation. La raison en était que ces biens
permettaient de payer les frais de la capture et ceux occasionnés par l’internement, en particulier la nourriture du
prisonnier, les salaires des inquisiteurs et de leurs fonctionnaires. Cela avait également pour conséquence de
priver la famille de ressources et d’amener le prisonnier à avouer plus facilement. En cas d’acquittement et après
la libération les biens n’étaient pas rendus à l’intéressé car on lui démontrait que les frais de son entretien avaient
consommé la totalité de son avoir. Il y avait à cela une raison beaucoup plus profonde. Les biens étaient en
théorie confisqués au profit de la couronne qui les rétrocédaient à l’inquisition pour son fonctionnement. On
devine sans peine ses réticences à s’auto sacrifier.
-La corruption ensuite, ayant pour effet d’oublier une cause ou d’en aggraver les termes. On cite les cas
d’inquisiteurs ayant facilité à des particuliers l’acquisition de biens de judaïsants et ce pour leur propre
profit ; la paralisation d’une procédure afin d’empêcher internement et jugement ; l’ignorance volontaire
moyennant finance de délits dénoncés ; la sollicitation de faveurs sexuelles ce qui était pourtant durement
réprimé en ce qui concerne le clergé ordinaire. La corruption concernait également l’établissement de
l’attestation de pureté du sang ou limpieza de sangre, pièce par laquelle on attestait, après enquête, qu’une
personne ne comptait dans ses ancêtres aucun juif, musulman, converso, ou condamné par l’inquisition.
Cette pièce pouvait s’acheter auprès de certains fonctionnaires indélicats.
-La pureté du sang revêtait un caractère particulièrement important car elle conditionnait l’accès à toutes les
fonctions officielles. Il fallait prouver que sur une période d’au moins cent ans la famille avait eu un
comportement parfaitement chrétien, qu’aucun parent n’avait été condamné par l’inquisition et qu’on avait
aucune ascendance juive ou musulmane comme on l’a dit. La corruption et le chantage jouait dans les deux
sens. Laver un lignage était facile et était une question d’argent. On pouvait falsifier des testaments ou tous
types de documents, faire des faux sur du vieux papier, imiter des signatures de telle manière que les
meilleurs spécialistes du saint office ne savaient plus distinguer le vrai du faux. Mais l’inverse était aussi
possible et des haines recuites pouvaient faire un descendant de converso d’un vieux chrétien. Ceci explique
en partie que, malgré l’interdiction un certain nombre de conversos s’en furent en Amérique pour tenter de
se faire une nouvelle virginité.
-Lorsque le sévère régime pénitenciaire ne parvenait pas à briser le prisonnier les inquisiteurs devaient
essayer la douceur en promettant la miséricorde en cas d’abjuration. On pouvait utiliser, si cela était jugé
convenable, les enfants du prisonnier, s’il en avait, et surtout s’ils étaient petits, ou sa femme ou des parents
pour essayer de le faire céder.
-Ces mêmes enfants, après la condamnation du père ou de la mère, étaient exclus à vie de toutes espèces de
charges et dignités publiques : » Déclarons que les enfants de la dite Inés Lopez, aussi bien masculins que
féminins, jusqu’au premier degré inclus, seront privés de tous bénéfices, offices et honneurs publics,
séculiers et ecclésiastiques pour ceux dont ils sont titulaires actuellement et ne pourront en acquérir de
nouveaux, qu’ils ne pourront porter sur eux ni sur leurs vêtements ni or, ni soie, ni corail, ni perles, ni
pierres précieuses, qu’ils ne pourront aller à cheval, ni porter des armes, qu’ils ne pourront être ni médecin,
ni chirurgien, ni pharmacien, ni changeurs, ni loueurs de biens, qu’ils ne pourront tenir aucun emploi public,
sous des peines très graves. »
-Il pouvait se faire qu’on découvre qu’une personne décédée avait commis le délit d’hérésie ; elle était alors
jugée, condamnée, ses restes étaient exhumés et brûlés sur le bûcher. Bien évidemment ses biens étaient
confisqués ce qui revenait à dépouiller les héritiers. Il en allait de même pour les absents ou fugitifs qui
étaient alors brûlés en effigie.
-L’inquisition tenait des dossiers qui lui permettaient de suivre l’évolution des suspects et des condamnés
ayant recouvré la liberté ainsi que des fugitifs. Elle en tirait des fiches destinés aux différents tribunaux
établis dans les différentes possessions espagnoles, tant en Europe qu’en Amérique, ce qui permettait de
retrouver ceux qui pensaient avoir échappé à ses griffes.
-Le familier était un simple particulier, représentant de l’inquisition dans un lieu quelconque et en vertu d’un
mandat donné par ce tribunal. C’était un personnage craint ou pour le moins respecté. Les habitants
pouvaient peu contre lui du fait des privilèges dont il jouissait. Quelque soient ses délits et crimes il ne
relevait que de la justice inquisitoriale qui ne les punissait pas ou rarement ; par contre toute agression
contre sa personne ou ses biens relevait du tribunal de l’inquisition ce qui pouvait avoir des conséquences
très graves surtout lorsqu’on était pas noble ou si on ne disposait d’appuis puissants. En échange de ces
privilèges le familier surveillait l’orthodoxie de la population et dénonçait les écarts relevés.
Toutefois la hiérarchie catholique n’était pas unanime dans l’approbation de l’action de l’inquisition, les
évêques, en particulier, qui avaient été dépouillés par celle-ci de leur compétence en matière de délits contre la
foi. On cite le cas de l’archevêque de Lima, le futur saint Toribio de Mogrovejo, qui envoyait un représentant à
chaque fois que le tribunal de la foi désirait le consulter et qui trouvait le moyen de s’absenter de son siège
archiépiscopal pour ne pas assister aux autodafé.
De liberté de penser, bien entendu, il n’en était pas question. Mais de surcroît pendant trois siècles ce que nous
considérons comme les plus élémentaires droits de l’homme ont été bafoués. La liste est longue et accablante. En
fait il s’agit de crimes contre l’humanité.
Qu’on en juge :
-première shoa contre les juifs convertis,
-statut de citoyens de deuxième zone pour ces derniers,
-appel à la délation,
-prison secrète sans communication avec l’extérieur,
-conditions de détention inhumaines,
-mesures discriminatoires dans la vie courante,
-pas d’accès aux témoignages ni aux preuves,
-défense quasi impossible,
-humiliations physiques et torture,
-pas de règles de procédure,
-temps indéfini du procès,
-punition à vie de la famille,
-interdiction de certaines professions pour le condamné et ses enfants,
-application de la peine de mort dans des conditions inhumaines,
-traitement dégradant des morts,
-confiscation des biens,
-existence de fichiers internationaux…
On voit jusqu’où pouvait aller le pouvoir de domination de l’église catholique mis au service du pouvoir civil
monarchique avec sa suite de corruptions, de tortures, d’assassinats et finalement d’avilissement de l’être
humain.
Citons pour terminer l’autodafé du 7 avril 1720, soixante dix ans seulement avant notre Révolution. Leonor
Margarita de Yuste habitant Madrid, couturière de profession fut condamnée à être brûlée vive. Elle assista à
l’autodafé revêtue des insignes de condamnée à mort comme obstinée et impénitente dans ses délits de judaïsme.
Elle se jeta volontairement dans les flammes et fut brûlée vive. Elle avait 22 ans.
J’ai dit.
 
 
  Lu le 14/08/2006 | Apprenti

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