Au clair de la lune

Au clair de la lune
Sur un air connu

« Ö Fortune !
comme la Lune
changeante
toujours tu crois
et décrois;
la détestable vie
tantôt assombrit
tantôt éclaire
l’esprit, par jeux :
indigence
opulence
elle les fond comme glace »

AU CLAIR DE LA LUNE
Le compagnon devrait avoir toujours présent à l’esprit le paradigme de la sentence
pythagoricienne :
 » Nul n’entre ici, s’il n’est géomètre, nul n’entre ici, s’il n’est que géomètre ».
Je pense qu’elle représente une vérité qui nous vient d’aussi loin que l’expression artistique
humaine, avec l’art pariétal. Mais je m’égare peut-être.( cf les couples de Lascaux comme
Boeuf-Cheval, par exemple)

La découverte après le parcours du labyrinthe (symbole de la descente en soi) de l’étoile
Flamboyante devrait nous conduire à méditer, plus que nous le faisons sur l’art du trait.
En effet, l’utilisation spéculative que nous en faisons ne doit pas nous nous faire oublier que
nous sommes devant une véritable culture ouvrière, partie intégrante de la culture universelle.
Le compagnon pense son geste et pense par son geste en une véritable métaphysique. D’une
façon moderne, nous pouvons parler aussi de praxis.

Personnellement, et quelques exemples qui suivront ouvrent la piste, je pense qu’il peut s’agir
d’une véritable gnose.

Dans « Le Compagnonnage » (PUF 2003) Bernard de Castéra écrit :
« Cependant à ces techniques, ils s’efforcent d’ajouter une approche particulière, celle fournie
par la tradition du trait, ce tracé de construction tout à fait original qui a pour particularité
d’être à la fois une géométrie descriptive et la recherche d’un harmonie adaptée à la mesure
de l’homme. Cette double exigence permet d’obtenir les deux qualités qu’on remarque souvent
dans les oeuvres des compagnons : la qualité de l’objet en lui-même et l’humanité de son
esthétique grâce à laquelle l’homme se sent en accord immédiat. C’est ce qui fait la valeur
universelle des cathédrales et leur exemplarité. »

Hors du temps et hors de la science positive et cependant rationnellement, c’est un
ensemble qui progresse. Ceci devrait caractériser, également, notre démarche.
Cette élévation de l’homme par son travail devrait sous tendre toute notre réflexion sur les
outils. Comme le remarque le Compagnon Délibes cité par Bernard de Castéra:
 » L’homme formé par l’expérience est capable de faire ce qu’il n’a pas appris à faire »
C’est en forgeant que l’on devient forgeron!

Mais comment ce savoir, en dehors de la formation sur le tas, était-il transmis à des hommes
qui ne savait ni lire ni écrire? C’est le but de mon propos, tout du moins une hypothèse
possible.

Placé en couverture de l’édition française du « Songe de Polyphile »(édition de 1546) se trouve
un poème qui se termine ainsi :
« Bacchus fut engendré deux fois
Comme les poètes nous disent
Et ce livre parle deux voix
A tout le moins ce qui le lisent
Or puisque les étrangers prisent
Ces deux-là, je suis bien déçu
Et dirait que les astres nuisent
Si son discours n’est bien reçu »

Cette façon de parler haut pour n’être compris que de ces pairs est certainement aussi
vielle que le langage.

Nous avons tous utilisé dans notre scolarité des moyens mnémotechniques ou mnémoniques.
Par exemple « Oscar Ma Petite Théière….. ou Napoléon Mangea …. » qui est
incompréhensible à qui ne connaît pas la nomenclature atomique. Ces accessoires
d’apprentissage sont devenus quasi obsolètes avec les micros processeurs. Par contre l’hôtel
du Lion d’Or peut facilement se comprendre, Au Lit On Dort avec une certaine tournure
d’esprit qui est fort heureusement n’a pas totalement disparu.

Pennons quelques exemples :
Le carré long, écrit comme cela, dans certains ouvrages maçonniques célèbres, ne signifie
rien. Pourtant, cela permet de se rappeler le tracé selon le nombre d’or pour qui sait qu’avec un
rectangle dont un côté vaut 1 et l’autre 2 par le moyen du rabattement de la médiane et 1/2
médiane (pour faire court) on établit une suite de Fibonachi. Cette figure est nommée :carré
long.

On ne peut, aussi, comprendre la représentation de la pierre cubique à pointe surmontée d’une
hache, que si l’on sait que cette pierre est une clef de voûte construite au moyen de l’étoile à 5
branches et qu’en la fendant selon cette image, elle révèle le tracé.
Les chercheurs sont aujourd’hui convaincus que les carnets de Villard de Honnecourt ne sont
pas seulement, des croquis mais bien de ces illustrations dont nous avons oublié la clé. J’y
reviendrais.

L’enseignement se faisait ainsi.

Nous pouvons seulement tenter quelques reconstitutions.

Par exemple, les chapiteaux, les mosaïques, les fresques parlent. Personnages à l’ordre
( Maître d’oeuvre à Pontorson), jambes à l’équerre (Lescar), représentations de Wodan-Odin
(Moirax) bas-relief ou fresque rébus (St Savin), insistants colimaçons (limaçon : altération/
allitération, de free maçon).

Les églises romanes auvergnates sont parmis les plus riches. À Gannat, Rion es Montagnes …
se trouvent des chapiteaux avec des centaures tenant des pignes de pins. Cela se lit : CENTVR
LEVPIN, Saint Turlupin. Saint, hypothétique inventé par les confréries.(Peut-être
monogramme des compagnons francs-maçons de cette époque ?) Mais cela se lit aussi : Can
(le chien), Tur (le taureau),Leu (le loup), Pen (l’orfraie ou aigle de mer) animaux totémiques
des compagnies celtiques.

Mais aussi, les quatre dieux gallo celtique du cycle de Thor.
Cette méthode vaut pour les chrismes dont un frère signant Loupay livre un décryptage sur un
forum d’Internet à condition de pénétrer cette façon d’écrire par consonne et-ou première et
dernière lettre que l’on trouvait aussi, sur les passeports compagnonniques. ( le
compagnonnage nomme le chrisme, « Pendule à Salomon » , soit PNDLSLMN attaché , qui peut
se lire : « PND L SL MN » soit en français actuel « pends le s’il ment » ou ‘peine dol s’il ment » ce
qui serait un avertissement fait de ne pas tenter de tromper le tuilage préalable à l’entrée en
Cayenne. « Pendule » joue, aissi, avec « pendulum »).

Un autre personnage cours dans le compagnonnage : Jean Gilpin, en français, en anglais, John
Gilpin. Celui-ci est narré dans des contes et des chansons. Et puis on retrouve ce Gilpin , alias
Saint Gilpin, le singe/lapin (association du Maître-singe, et du Lapin-apprentis) sur l’arcane X
du tarot : la roue de la fortune.

Comme c’est bizarre ! Pas tant que cela car comme les carnets de Villard de Honnecour c’est
un jeu qui parle à dessein, c’est-à-dire par des desseins.
Ainsi la tête de cheval permet de se rappeler la construction du triangle équilatéral. Le mouton
explique le rectangle d’or. Or le mouton était aussi le nom du passeport des compagnons.
Etrange non?

Peu- être faut il lire la demande du Petit Prince d’un oeil différent?

A mes F.F.M.M.je les convie à regarder « le tombeau du Sarrazin »
Cette méthode a laissé des traces dans le langage des architectes : chien assis, corbeau, queue
d’aronde, queue de paon, fougère, pont aux ânes, l’arrache….
La méthode cryptogamique se révèle fort ancienne et fut employée par les alchimistes.
Présence alchimique que nous retrouvons dans les cathédrales (cf. Notre Dame de Paris).
Citons Synésios alchimiste (probablement) du IVème siècle :
« Ils s’expriment seulement par symboles, métaphores et images, afin de n’être compris que
par des saints » c’est-à-dire n’être compris que par dessins. Et il termine en disant qu’il faut une
certaine méthode « de sorte que l’homme sensé pût comprendre et, peut être après quelques
tâtonnements, parvenir à ce qui est secrètement décrit »

Malgré tout il faut faire attention quand on joue avec les mots. Avec Tarot, on peut faire,
Tora, la Loi, Rota, la roue, c’est pas mal. Mais on peut faire aussi rato et roat. Là c’est le cri
que l’on pousse quand on a posé le pied sur le râteau. Encore que, avec le grec…!
Pourtant le tarot chante, parce que, dans le dictionnaire, je lis qu’un taraud (l’outil) est un mot
remontant aux années 1550 (tout comme le Tarot) qui désigne, « un outil à main servant à
faire des pas de vis » . C’est-à-dire qu’avec les mains, on peut faire des pas de vices, autrement
dit des hommes libres et de bonnes moeurs ; et cela passe par l’apprentissage.(La main). Mais
un taraud permet aussi de percer, percer les secrets de l’enseignement car l’enseigne ment et
certains se créent (savent se créer). D’un seul coup, les arcanes parlent. Arcane I (Le bateleur)
le Bas te leurres, Arcane VIII (l’ermite) l’air mythe, Arcane XIIII (La tempérance) Temps
errance, Arcane XVI (La maison Dieu) L’âme et son dieu.

Percer la matière (avec un taraud ou un tarot) c’est aussi la vaincre, passer au-delà des
apparences. Remarquons au passage que les Arcanes sont aussi nommées lames ( évoquant le
verbe et la foudre) et que c’est aussi le nom d’un outil à main, tout comme le burin et le
marteau. Lequel marteau s’articule dans notre oreille avec l’enclume (nous pourrions dire l’en
plume) afin que nous puissions ouïr. Ainsi procède la lange des oiseaux.

Tout cela mes FF. pour en venir à une chanson « Au clair de la lune »
Derrière l’air connu se cache un air inconnu. La chanson enfantine se caractérise par une part
de rêve et se veut initiatrice, tout comme les contes (contes de la mère L’oye ou contes de
l’amère loi, la loi amère) La chanson enfantine devient d’une certaine manière l’air de
l’apprentissage.

DESCRIPTION CLASSIQUE LANGUE DES OISEAUX
Au clair de la Lune Au Clerc de la Lune
Mon ami Pierrot Mon amie pie héraut
Prêtes moi ta plume Prête mots à ta plume
Pour écrire un mot Pour écrire un mot
Ma chandelle est morte Mâches chant d’ailes et mots heurtes
Je n’ai plus de feu Jeu n’est plus de feu
Ouvres-moi ta porte Ouvres mots à ta porte
Pour l’amour de Dieu Pour l’âme, hourdes d’yeux.

.. Ce Clerc de la lune qui vient d’un côté obscur sinon occulte et éclairé par un clair de lune
à moins que ce soient les eaux claires de la lune qui baigne la colonne du nord, avant que
nous passions au soleil du sud.

.. La pie est un oiseau voleur dans tous les sens du terme. En dérobant la précieuse vérité il
occulte et en jasant il révèle le se crée et dévoile l’occulte. Cet oiseau, tel le pavé mosaïque
annonce la couleur. Pie blasonne avec pieux. La pie ne bavarde qu’avec des pieux, ces
confrères.

(Je ne vous dis pas ce que nous pourrions jaser sur la Lune et le Pieu)
.. Le héraut c’est le messager, qui blasonne avec héros. Ce qui peut nous conduire à
comprendre que « mon amie pie aire haut » ou que « mon âme y pille air haut »
interprétations qui se rejoignent toutes dans l’idée d’inspiration élevée, parfois jusqu’au
rang de héros.

.. La ligne suivante invite à voir la vérité derrière la plume, les mots, la fausse apparence de
l’être.

.. Pour écrire un mot est alors à comprendre pour donner à lire c’est-à-dire à chercher
d’autres sens. Ce que précise le vers suivant.

.. Mâcher est un travail de bouche qui rappelle à bien des égards Rabelais. Ce qu’il faut
mâcher c’est des « mets sages ». Cette mastication évoque le hachage qui incite à heurter
les mots, les mélanger (car le fracas sait)
.. Jeu n’est plus de feu : ce vers laisse à entendre que le jeu de mots, le jeu du langage caché
n’est pas mort (de feu).
.. Ouvre mots à ta porte suggère l’ouverture de ton esprit.
.. Pour l’âme hourdes d’yeux. Pour comprendre l’âme de la chanson il faut s’éléver sur un
hourd palissade ou estrade de tournoi pour voir de plus haut . Hourder signifie aussi
réaliser une protection (enduit de mur par exemple). Ce  » savoir se crée » doit être voilé.
Le clair de la lune en tête de la chanson annonce un rêve clair, annonce que la réflexion et le
travail d’imagination rend la lumière.

Mon propos est-il puéril, inutile ? Pourquoi se triturer les méninges ainsi ? Mais pour
comprendre, pour capter l’état d’esprit et restituer les symboles, tout en sachant que le temps a
passé et que rien ne peut ce figer. Nous, enfants de la fratrie, nous devons aller voir sous les
pierres, la trace des vertus de nos aimés, le jour ou nous entrons dans la carrière. Les
symboles seront ce que nous en ferons. Je vous invite à travail d’archéologie. Car ce savoir
cours bien avant l’Antiquité (grecque en particulier) en passant par Colonna, Rabelais, Cyrano
de Bergerac, Victor Hugo, Fulcanelli,, Raymond Roussel, Maurice Leblanc, Alfred Jarry, et
j’en oublie beaucoup. C’est que le savoir littéraire est un savoir qui lie terre et air. Mais il y a
encore un mais : c’est de toujours confronter les mythes, traditions et légendes à, l’état de la
science (sinon la vérité serait que nous avons été créés, il y a 6000ans) pour ne garder que la
« substantifique moelle » du mythe.

La vérité que nous cherchons est comme un puzzle jeté en vrac devant nos yeux. Aucune
pièce ne doit être raboté. Sinon la clé de voûte sera décentrée.
L’art de iométrie et la stéréotomie enseigne qu’il faut apprendre à réfléchir avec un marteau et
un burin.

Nous devrions toujours méditer cela. Mes F.F.Comp.Comp., contemplez l’étoile
flamboyante que vous venez de reconstituer : tout est Là!

Les plus anciennes interprétations du monde, celle de l’aube de l’humanité, sont fondées sur
l’analogie qui circule, comme une source vive dans nos comptines, nos contes et tout un
courrant littéraire (peut être en train de s’éteindre) cette gymnastique de l’esprit enseigne,
malgré tout, constamment, qu’il faut dépasser l’apparence des choses.
Un mythe qui ne se discute plus est un mythe mort, un dogme.
J’ai été très bavard, alors que, je reste bien ignorant.

Dans le compagnonnage, tout se terminait par des chansons. Je suis sûr que vous connaissait
celle-ci :
« Allons enfants de la fratrie-ie,
Le jour des gouliards est arrivé »
Je vais finir par dire V.M.car mes FF. en ont assez d’esgourder et n’aspirent qu’à
gamberger, pour imaginer la suite.

J’ai dit V.M.
BL 29/09/6004 et décembre 2005

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