Marcher, mon truc c’est marcher
Marcher!…Pour ne jamais arriver!
Marcher ! Mon truc c’est marcher !
Avant de commencer je dois un avertissement :
Les dernières découvertes des neurosciences ont démontré qu’après un grand traumatisme ou accident, les flots d’adrénaline sécrétés, déterminent une empreinte cérébrale qui se réactive au cours d’un évènement fortuit. Alors le sujet est submergé par l’émotion. C’est mon cas. L’émotion est d’autant plus forte que l’on a pas contrecarré la douleur. C’est aussi mon cas. Une infirmière me dit un jour que le chef de clinique était « un véritable sadique ». J’ignore ce qu’est la morphine.
Pourquoi ce dévoilement : parce que je ne sais pas ou et quand s’ouvre la bonde, mais je sais que ce sujet le peut. Il vous faudra donc attendre que je récupère pour continuer, si cela ce produit.
Il existe des programmes expérimentaux visant à amoindrir, à défaut d’effacer, ces souvenirs. Je ne fais pas partie du programme…
Marcher!…Pour ne jamais arriver!
« avant de commencer voici quelques citations à méditer » :
De la part de Jean-Claude CARRIERE, et Farid-ûdin-ATTAR
« Dès qu’une chose t’arrête, elle devient ton idole…
L’essentiel est de ne jamais arriver…Si tu fais quelque chose…fais autre chose! »
De la part de Miguel de UNAMUNO
« Caminante! no hay camino!… Solo hay camino caminando… »
Marcher ! Mon truc c’est marcher !
Marcher !
Mettre mes pas, dans les pas ce ceux qui m’ont précédé,
De ceux qui ont défriché, percé, tracé,
Des pistes qui menaient vers l’inconnu,
Vers des vallons, des crêtes, des cols de loin, vu.
Ces fleurs que je regarde,
Ces pierres dont les fractures, les gerçures, parlent,
Des tempêtes, du gel, de l’obstination de l’eau,
De la tectonique, les bouleversements, il faut
Décrypter la ligne de faiblesse,
Celle que sabots et pieds laissent,
Continuer la progression vers l’eau,
La pâture, l’abri, ou simplement le beau.
Je ne marche pas pour passer le temps !
Je me nourris de trace, de beauté et de vent.
Derrière chaque crête atteinte,
J’entends des hommes et des bêtes les plaintes,
La sueur, les efforts et les craintes,
De ceux qui n’avaient pas carte et boussole,
Qui pour l’homme moderne console,
De n’être pas le premier du matin du monde,
À contempler ces houles de pierre et de forêts faites ondes.
Mon truc c’est marcher !
Il fallait passer à la verticale,
Escalader, approche radicale,
Non plus, des pierres éparses, liées,
De végétation et des terres mêlées,
Mais de la roche en masse, fracturée,
Ou la main tâtonne et s’écorche, à chercher,
La prise, la fissure, ou seul le lichen s’accroche.
Ici le chemin est de roche.
Derrière le surplomb anticiper la ligne de faiblesse,
Franchie, la corde laisse,
La trace d’un geste qui n’est déjà plus.
Le « graton à bout de pied » fut,
La clé de cette énigme dont je me suis repu.
Et quand le ciel au-dessus de la tête a basculé,
Il n’y avait plus qu’une envie, recommencer.
Sur ce sommet jamais tout à fait atteint,
Tout ne serait que cendre, sans les copains,
Ces camarades de destin,
Que la même émotion, muette, étreint.
De là-Haut il faut redescendre,
De nouveau les sentiers aimés prendre.
L’espace d’un instant l’on s’était cru,
Les premiers à fouler ces rochers nus.
Mais peu importe l’illusion,
L’important est la passion, la fusion,
Des cheminots amoureux, de paysages,
Ou nous ne sommes que de passage.
Mon truc, c’est marcher !
Expérimenter le matin du monde, comment s’y prendre ?
De l’hiver, les tempêtes attendre,
Que la neige et le gel effacent,
De l’activité humaine toute trace.
Nos skis, de bleu, balafrent,
La pente convoitée et tracent,
L’esprit et la volonté, de ceux,
Qui espèrent en récompense,
Glisser dans une joie intense,
Vers l’aval chaud et douillet,
D’une demeure, ou ranger,
Ces artifices inventés,
Pour affronter un univers à l’homme étranger.
Je rêvais de danse,
De poudreuse et de joie immense,
Et me voilà englué dans des neiges infâmes,
Je n’en peux plus, pourtant il ne faut pas que tu flâne,
Si tu veux recommencer,
Puisque ton truc, c’est marcher.
À quoi serviraient des pas sans sciences,
Ils doivent libérer la conscience,
Le corps occupé peut jouir ou souffrir,
L’esprit libéré ne saurait s’enfuir.
À pas lents, tu progresses,
Peu à peu en sagesse,
La pratique sportive, seule est vaine,
Rien ne sert que la chair traîne.
Reprends ton sac, puisque :
Ton truc, c’est marcher.
Devenir Luc Skywalker,
J’ai essayé.
Vu du ciel, le chemin serpente,
Mais sans notion de pente,
D’efforts, je n’ai plus à faire,
Mais l’esprit, je ne peux distraire,
Car ma survie dépend,
Des décisions qu’en toute conscience, je prends.
L’autonomie totale, conquise avec assiduité,
Me sera retiré, avec brutalité.
Centrifugé, mis en rotation,
Je perds toute notion.
Le temps s’égraine, fulgurant,
Et d’une incroyable lenteur, pourtant.
Dans des images au ralenti je lutte,
Cherchant à enrayer la chute.
Et, quand l’assiette est rétablie,
Je crois le danger aboli.
Au contact du sol, la douleur est irradiante,
Les jambes perdues, je gis sur la pente.
L’hélicoptère m’emporte vers un labyrinthe d’horreur.
De ne plus marcher ai-je vraiment peur ?
Immobile, j’ai marché dans ma tête,
Des bâtisseurs, j’ai repris la quête.
Le dessin, j’ai formé,
Qu’à la porte du Temple j’allais frapper.
Mais d’autres obstacles restaient à franchir,
Il me fallait mes jambes re-quérir.
Et je le fis, sans plan mais avec rage,
À la racine du cou, je tournais la page,
Laissant à l’abandon, des fonctions,
La double-commande, perdue, sans action.
Les trois voyages furent légers, sans contour,
Pourtant, je me souviendrais toujours,
De la grande lumière,
Perçu comme un passage clé, une première,
L’achèvement d’un raid, éprouvant,
Qui me laisse assoiffé : troublant !
D’autres chemins à explorer, consciemment,
S’ouvraient sur des pentes ou le temps,
N’a pas la signification,
Du temps des bois, des rochers, des prairies et des champs.
J’étais un apprenti, et ma grande faiblesse,
Était dans les traces que la blessure laisse.
La douleur m’accompagne et jamais ne me trahi,
Des pas, toujours des pas de patience infinie,
Deux parcours qui se mêlent s’entrecroisent,
Physiquement et spirituellement croissent,
Sur des chemins inconnus et pourtant familiers,
Je trace d’antique et de nouvelles routes.
Sur mes jambes, parfois je doute,
Mais imprime de nouveau, dans la glaise,
Mes semelles, et je blaise,
La gorge sérrée comme à l’ordre,
Debout, sur le rocher, je tiens la corde,
Avec l’être aimé, nous reprenons les « ferrate »,
Dix ans abandonnés, une date !
Je ne marche pas pour passer le temps !
Maintenant, oui ! Pour défier le temps !
Indéfectiblement :
Mon truc, c’est Marcher !
Lu le 07/04/2012 | Apprenti