L’engagement maçonnique dans nos loges
Planche présentée lors de la fête solsticiale des loges du bassin de l’Adour
Qu’est-ce que l’engagement maçonnique?
Lors de son initiation le profane, futur maçon, prend un certain nombre d’engagements. Le V.:M.: lui indique l’obligation du secret, l’obligation de combattre les passions, l’obligation de respecter le règlement général et celui de la loge. L’impétrant le fait d’abord en tant que profane mais ensuite les réitère en tant que maçon. Parmi ces engagements il y a celui de l’assiduité, contenu dans le règlement général. Nous pourrions dire en faisant un raccourci que là réside l’engagement interne à la franc-maçonnerie. C’est une question fondamentale. Notre engagement comporte des droits, surtout, dit-on au grade de Maître. Mais, il impose surtout des devoirs sur lesquels parfois, on n’insiste pas suffisamment. Parmi ceux-ci le devoir de transmission. Or pour transmettre, c’est comme la courroie du même nom, il faut que l’outil soit en bon état de marche, et pour ce faire, chacun à sa place (prenez place mes FF !) doit jouer, tenir, assumer son rôle que personne ne lui a imposé si ce n’est sa conscience, et que l’atelier a validé par un vote démocratique. Il est évident qu’on ne peut venir en maçonnerie comme un parasite, comme une éponge : prendre et ne rien donner. A la base de notre engagement il y a l’échange : je reçois, et ce que je reçois m’impose de donner.
Contrairement à ce que pensent parfois certains il n’existe pas de maçonnerie individuelle. On peut certes réfléchir seul dans son coin mais le cheminement maçonnique c’est d’abord la rencontre avec l’autre, le F.:, notre propre amélioration passe par la confrontation de ses idées avec celles des autres. Cela ne peut se faire qu’en loge, lors des tenues régulières. La confrontation des idées, l’observation attentive de ce que dit l’autre permettent de progresser, non pas en faisant sienne ce qui est énoncé mais en en faisant une critique et une analyse comparative avec ses propres idées, ses propres croyances. De cette confrontation il en ressortira un affermissement des propres engagements ou un infléchissement de ceux-ci mais rien ne sera exactement comme avant.
Pour arriver à cela la présence en loge est indispensable et fondamentale
Il existe un autre engagement, aussi contenu dans nos rituels : celui de l’engagement externe, à savoir, porter à l’extérieur les valeurs acquises à l’intérieur. Chacun en fonction de sa personnalité, de sa disponibilité, de son talent portera ces valeurs à sa façon : engagement politique, social, culturel ou même tout simplement témoignage par son attitude dans le monde profane des valeurs maçonniques. Il est parfois plus efficace de montrer l’exemple par ses façons de penser et d’agir que de manifester ses opinions par des prises de positions souvent sectaires et dénuées de retenues. Cet engagement peu ou prou dans nos loges existe toujours mais contrairement à la 3ème République où il y avait beaucoup à faire, les sujets d’aujourd’hui sont « volatiles », c’est-à-dire nombreux, dans un instant très court car l’information évènementielle ne cherche que le sensationnel. Ce mode de pensée influe sur notre façon de faire et de voir les choses. Cependant, il reste des sujets récurrents : le racisme, la paix, la laïcité etc. qui ne souffrent d’aucun relâchement.
Qu’en est il de cet engagement dans nos loges ?
Une loi dans le monde profane est bien connue, celle de Paretto.
S’il devait exister une seule organisation humaine où cette loi devrait être fausse, c’est bien la Franc Maçonnerie. Or, il faut en effet constater qu’une minorité de frères d’un atelier participe aux travaux et qu’à l’intérieur de cette minorité une autre minorité intervient en loge et dans la périphérie de la loge (travaux opératifs). Il ne faut pas cependant stigmatiser obligatoirement ces frères qui font partie des 80% (ou 70% ou 60% peu importe). Sur la fréquentation il faut distinguer les loges anciennes des loges nouvellement ouvertes. Dans les premières, l’âge, la maladie éloignent des frères de l’atelier. Il faut aussi considérer l’activité professionnelle. A une époque où on estime que l’on doit changer 3 à 4 fois de profession il est difficile de savoir au moment où on s’engage de quoi le lendemain sera fait. On peut effectivement, lors de son initiation, savoir et pouvoir s’engager sur une assiduité à toute épreuve et se retrouver quelques mois ou quelques années après dans une situation professionnelle qui rend difficile le respect de cet engagement.
Pour les loges les plus récentes le problème vient certainement d’un recrutement hâtif, avec peu de préparation, ayant pour but de garnir rapidement les colonnes. Ce travers peut aussi malheureusement exister dans les loges plus anciennes. La quantité d’initiations ne va pas forcément de pair avec la qualité des éléments recrutés.
Enfin, à l’extérieur, d’aucun peuvent se retrancher derrière la discrétion, la peur de voir son appartenance à la Franc Maçonnerie révélée au monde profane. Mais, pourtant, on peut porter « hors du temple, les vérités acquises » sans jamais faire référence à notre appartenance. L’engagement est celui d’un citoyen porteur des valeurs républicaines. N’ayons pas honte et ne soyons pas timides pour affirmer partout que nous sommes porteurs de ces valeurs, le secret et la discrétion ne peuvent servir d’alibi.
Des propositions
Il n’y a pas de solutions miracle. Nous pouvons cependant éclairer le chemin par quelques pistes :
-Sur ce qui relève de la responsabilité de la loge
La première mesure réside dans le recrutement. Il convient que le profane qui vient vers nous soit réellement informé des buts de la maçonnerie, que les entretiens préliminaires lui permettent de se faire une idée juste de la place qu’il pourra y prendre. La typologie de la loge, la nature des travaux qui y sont menés doivent être expliquées longuement au profane. Nous passons beaucoup de temps à connaître le profane : trois enquêtes, un passage sous le bandeau permettent de l’appréhender, mais lui que connaît-il de nous ? Souvent nous nous cachons derrière ce secret maçonnique mal compris, mal pratiqué pour ne rien dire à l’intéressé. Nous devons être transparent et bien souvent nous sommes plutôt opaques ou nous nous complaisons dans un halo peu propice à la compréhension.
La seconde mesure, qui vient en complément, de la première réside dans la personnalité du second surveillant. Il doit être disponible, pédagogue, posséder une culture maçonnique complète tant sur le plan symbolique qu’administratif. Il doit éveiller l’intérêt de l’apprenti lui montrer ce qu’il peut attendre de la maçonnerie mais lui en faire voir aussi les limites. Un apprenti mal formé fera un compagnon médiocre sur le plan maçonnique et un maître en dehors de la vraie maçonnerie. Pour la loge ou l’obédience le mal sera moindre s’il se retire en s’apercevant que sa voie n’était pas là, mais s’il reste, il fera partie, hélas, des 80% de notre ami Paretto.
Des travaux de qualité en loge permettront aussi aux frères d’être encouragés à fréquenter les colonnes. Des travaux de qualité cela veut dire que nous ne sommes pas le café du commerce et que les opinions politiques, les engagement partisans (au demeurant respectables dans le monde profane) non pas lieu d’être en loge. Nous pouvons évoquer des sujets de sociétés avec une méthode maçonnique mais pour cela il faut savoir aussi manier les concepts symboliques qui font notre originalité. Force est de constater que dans trop nombreuses loges le symbolisme passe pour « ringard » et que l’on estime qu’il ne sert pas à grand chose si ce n’est à faire plaisir à certains intellectuels. En soi le symbole n’est rien mais il doit servir à façonner une méthode de pensée et à aborder les grands sujets de société. Il faut bannir de nos loges les affirmations dogmatiques quelles qu’en soient la nature, de gauche, de droite ou religieuses. Nous ne faisons pas la révolution permanente et peut-être faudrait il éviter les références historiques continuelles à des évènements, d’ailleurs uniquement français, même s’ils font partie de notre patrimoine commun, mais ce ne sont pas les seuls. Avant d’examiner les sujets de société, l’apprenti doit savoir manier nos outils, ceux qu’il utilisera par la suite justement pour aborder les sujets de société. De ce point de vue, la planche symbolique est primordiale chez l’apprenti. Si nous lui demandons également une planche dite sociétale, ce doit être dans un but d’apprentissage à la réflexion de fond et comme un premier entraînement à l’utilisation des premiers outils symboliques.
Nos tenues enfin doivent toujours garder une certaine solennité, le rituel doit nous y encourager. C’est là encore un moyen pour ne pas banaliser les tenues comme de simples réunions profanes.
Dans cet esprit, un soin particulier doit aussi être apporté aux tenues d’initiation des profanes. N’oublions jamais que cette cérémonie doit marquer le nouvel apprenti et si elle est suffisamment solennelle et bien réglée elle restera dans sa mémoire, certainement comme la chose essentielle de son parcours maçonnique. Ceci suppose que chaque officier doit être régulièrement présent à ces tenues, que les répétitions sont loin d’être inutiles, le tout apportant une forme de complicité dans le déroulement de la cérémonie qui évite les erreurs, les oublis ou les « couacs ». Un rituel mal mené peut devenir une pure singerie. Les qualités de l’orateur et de sa planche d’accueil sont également fondamentales.
Un autre effort est nécessaire pour programmer chaque année quelques tenues au grade de compagnon ou au grade de maître en dehors des tenues imposées pour les augmentations de salaire qui ne conduisent pas souvent à un vrai travail en loge au grade considéré, la cérémonie d’élévation occupant généralement l’essentiel de la tenue. Encore faut-il que les travaux présentés relèvent expressément du grade considéré, avec les symboles et les outils de ce grade. A quoi sert il, dans une tenue au second ou au troisième degré, de présenter un travail sociétal ou même symbolique qui, en toute rigueur, aurait pu être fait au premier degré ?
Il faut aussi avoir les ambitions de sa politique. Il ne sert à rien de regretter les absences si celles-ci, comme le prévoit le règlement, ne sont pas sanctionnées. Les mesures ne sont pas faciles à prendre. Tout vénérable maître connaît les résistances qu’il rencontre pour faire appliquer le règlement et le poids des errements anciens. Il y a l’habitude, les excuses que l’on trouve à untel ou untel, les éléments financiers (un frère absent qui cotise n’est pas inintéressant pour la trésorerie de la loge), les habitudes passées ( pourquoi radier aujourd’hui alors que des FF sont absents depuis plusieurs années et n’ont jamais été radiés.)
Il convient aussi, par des manifestations festives, de faire participer l’entourage familial des frères. La encore, abandonnons le prétexte du secret maçonnique et donnons-nous une image d’ouverture et d’accueil des autres. Il est important là aussi d’innover pour ne pas tomber dans le traditionnel repas uniquement. avec par exemple, des sorties ou soirées à thème, des journées familiales au « vert », des tenues avec d’autres loges extérieures à l’Orient accompagnées d’un séjour associant les conjoints etc.
Dans le cadre de l’ouverture on peut aussi imaginer des conférences, des tenues blanches ouvertes ou fermées, permettant d’aborder des sujets divers et variés alimentant la réflexion des uns et des autres.
– Sur ce qui relève du GODF lui-même
Si le GO n’est plus ce réservoir, cette force de propositions, selon certains, les loges travaillent toujours, mais il faut bien admettre qu’il y a une perte énorme de réflexions qui ne remontent pas jusqu’à l’échelon central. L’engagement maçonnique est toujours fort en faveur de l’homme, de la société selon nos valeurs de Liberté, d’Égalité et de Solidarité, peut être pourrait on se servir de la revue Humanisme (laquelle ne fait plus partie d’une distribution à tous les FF) ou du site intranet pour lancer les débats ou pour collationner les idées. Les FF ont besoin de voir que leurs réflexions sont exploitées, utilisées, diffusées.
– Sur ce qui relève du maçon lui-même
Si un F ne peux assumer les charges d’un plateau, il peut par contre participer aux planches, aux chantiers, aux différentes questions (et la pauvreté, en nombre, des participations aux questions doit nous interroger), et donner un coup de main quand c’est possible. Ne pouvoir faire cela, au moins cela, c’est renoncer à une partie de nos engagements. En cas de crise grave personnelle, le non investissement est excusable. Mais des FF qui ne participent jamais ou qui prétextent toujours les mêmes arguties (le parent malade, le travail, les enfants, etc.) sauf cas exceptionnel, doivent surtout faire un tour au cabinet de réflexion et s’interroger profondément sur ce qu’ils avaient écrit sur leur testament philosophique. Pour les crises aiguës par contre (qui peuvent dans certains cas durer longtemps), c’est aussi à l’atelier d’aller vers le frère en difficulté. Mais pour les crises chroniques, sur lesquelles on peut vraiment s’interroger sur leur validité, c’est au frère de voir où il en est et de réfléchir au fait qu’il ne répond pas aux sollicitations de l’atelier.
Si le F peux assumer un plateau: c’est de l’ordre du devoir d’en prendre, en fonction de ses aptitudes propres et de s’inscrire dans la longue chaîne de transmission. Mais attention, malheur à celui qui accepte, et qui ne peut assumer. Car outre le disfonctionnement du à cette défaillance, on trahit la confiance de l’atelier. Nous avons tous connu des FF Officiers absents en tenue sans le moindre mot d’excuse. C’est la preuve absolue que la démarche maçonnique n’a pas été comprise. Ne parlons pas de l’accident qui peut arriver à tout le monde d’être indisponible à la dernière minute. Ne parlons pas non plus de ceux qui acceptent un plateau, comme on accepte un titre ronflant, et qui précisément s’endorment sur cette gloire futile, avec des ronflements assourdissants. Il serait utile alors, de lire et relire l’obligation que nous avons tenue devant l’atelier, et de nous remettre devant notre responsabilité.
Responsabilité: le mot est lâché. En effet, les choses deviennent limpides si chacun prend conscience de sa responsabilité. Que puis-je faire, en quoi suis-je utile? Responsabilité, échange, transmission: tout conduit à l’engagement, car la fraternité, cela s’entretient, et cela ne tombe pas du ciel. Et derrière la fraternité il y a une autre valeur, motrice parmi toutes: le plaisir!
Lu le 20/06/2010 | Apprenti