Homoparentalité: un tabou ?

Homoparentalité: un tabou ?

Préambule: VM et vous tous mes F en vos grades et qualités, avant de rentrer dans le vif du sujet, quelques petites précisions: ma réflexion n’est pas issue d’une quelconque démarche militante et je n’avais aucun avis préconçu sur la question avant d’écrire cette planche mais le sujet m’interroge depuis longtemps même si je suis personnellement peu concerné. En revanche, ce dont je peux vous assurer c’est de la difficulté de la tâche car les avis sont vraiment opposés comme vous pourrez le constater.

Homoparentalité: un tabou ?

Préambule: VM et vous tous mes F en vos grades et qualités, avant de rentrer dans le vif du sujet, quelques petites précisions: ma réflexion n’est pas issue d’une quelconque démarche militante et je n’avais aucun avis préconçu sur la question avant d’écrire cette planche mais le sujet m’interroge depuis longtemps même si je suis personnellement peu concerné. En revanche, ce dont je peux vous assurer c’est de la difficulté de la tâche car les avis sont vraiment opposés comme vous pourrez le constater.

Introduction: Loin de pouvoir être réduit à une opposition homophobie/homophilie, le débat sur l’homoparentalité soulève des difficultés réelles renvoyant à nos conceptions de la famille et de la filiation, du développement de l’enfant et de l’orientation sexuelle. Le débat a été indirectement relancé au mois de Juin 2011 par le rejet au parlement d’une proposition de loi sur le mariage homosexuel. Néanmoins, la question avait été envisagée par la majorité présidentielle, certaines mauvaises langues affirmant même que Nadine Morano , la ministre qui confond Renaud le chanteur énervant avec le constructeur automobile , voulait aborder le statut de « beau-père » pour régulariser la situation du chef de l’état par rapport aux enfants de sa femme dont il n’est pas le père.
Régulièrement donc, ce point fait l’objet de vives controverses. Afin d’essayer d’apporter un éclairage sur ce sujet, je me propose d’abord de définir l’homoparentalité et de préciser les problèmes que cette notion peut engendrer. Dans un deuxième temps, je m’efforcerai de confronter les points de vue divergents et d’apporter quelques éléments de réponse. Enfin, il conviendra de donner mon interprétation et mon avis en tant que maçon avant de conclure.

Définition et problèmes: L’homoparentalité désigne le lien de droit ou de fait qui lie un ou des enfants à un ou deux parents homosexuels. Elle partage avec la parentalité hétérosexuelle les notions de couple et de procréation. Comme dans la famille recomposée, elle connaît la coexistence des parents biologiques et des parents sociaux, qui n’ont pas conçu l’enfant mais tiennent effectivement le rôle de parents. La vie sexuelle, là comme ailleurs, ne préjuge pas des compétences parentales. Le psychanaliste Jean Pierre Winter distingue la parenté et la parentalité renvoyant l’homoparentalité à une réalité virtuelle.
Il définit la parenté comme un système de places centré sur la différence des générations, c’est à dire sur la réalité pragmatique de la procréation: pour faire un enfant, il faut la rencontre de deux êtres, porteurs d’un gamète mâle et d’un gamète femelle. Si ces deux êtres deviennent parents, ils auront alors le devoir d’élever l’enfant. La parentalité met l’accent presque exclusivement sur cette fonction éducative. Elle postule que deux personnes peuvent décider de devenir parents indépendamment de ce qui se passe au lit entre elles et que seule compte leur capacité à aimer et à éduquer des enfants. Il ajoute qu’on assiste là à une novlangue familiale qui substitue un terme à un autre et opère un déni de réalité.
Il y a plusieurs cas d’homoparentalité qui recouvrent des situations familiales différentes:
            1er cas de figure: l’enfant est né d’une relation hétérosexuelle précédente puis l’un des deux parents décide de vivre sa différence sexuelle et annonce son homosexualité à son/ses enfants, c’est la situation comparable à un couple divorcé recomposé.
            L’enfant est né dans le cadre d’une procréation entre un homme et une femme, l’ un des deux (ou les deux) étant homosexuel(s). L’enfant est ensuite gardé à tour de rôle par les deux parents/couples et est bien conscient d’avoir un père et une mère. Là encore c’est une situation comparable à un couple divorcé et recomposé.
            L’enfant est né par insémination artificielle. C’est interdit en France. Cette situation est plus difficile pour l’enfant quand il ne connaît pas son père. Dans certains cas, le donneur est connu et peut côtoyer l’enfant. C’est une situation comparable à un couple stérile où l’enfant ne connaît pas forcément son père biologique.
            Le cas de l’adoption(impossible pour un couple mais légalement autorisé pour un célibataire) pose problème. Un célibataire peut théoriquement adopter sans discrimination sur sa sexualité mais en pratique il est conseillé de taire son homosexualité. Toute la question est de savoir si l’homosexualité du candidat influe négativement sur le cadre d’éducation et de développement qu’il peut offrir à l’enfant. La loi ne se prononce pas dans ce domaine. C’est donc aux responsables de la procédure d’agrément puis en dernier recours au juge de se prononcer. Ces derniers ne le font nécessairement qu’au vu des convictions morales, pédagogiques ou politiques qui leur sont propres. Ceci pose problème car la question : « l’homosexualité du parent est-elle préjudiciable à l’intérêt de l’enfant? » est tranchée par ceux qui n’ont ni compétence ni légitimité particulières pour le faire d’où des réponses différentes donc contradictoires. La loi est donc insuffisante et la Cour Européenne des droits de l’Homme elle-même se garde bien de trancher en rétorquant qu’elle n’a pas en la matière à décider à la place des Etats. Cette position favorise le maintien d’un statu quo renforcé par l’argument d’absence de consensus au niveau européen et le nombre insuffisant d’enfants à adopter. En attendant, des arrêts parfois contradictoires ont été rendus ici ou là parfois cassés par d’autres juridictions ce qui n’apporte pas de clarté au débat mais permet actuellement à des parents de même sexe d’être reconnus parents adoptifs en France s’ils ont obtenu ce droit à l’étranger!

Des avis divergents, des conceptions opposées:
On peut classer les différentes objections à l’homoparentalité selon qu’elles se réclament de normes naturelles ou morales, de l’intérêt de la société ou celui de l’enfant. Plusieurs arguments sont donc utilisés:
a- L’homoparentalité est immorale/monstrueuse/anormale: La forme la plus courante de cet argumentation est la dénonciation du caractère contre-nature de l’homoparentalité: il serait donc anti-naturel de concevoir une filiation homosexuelle ou une homoparentalité dans quelque cadre que ce soit. Les objections à un tel raisonnement reposent sur de nombreux présupposés éminemment contestables:
            la légitimité morale ou même juridique d’une pratique dépend de son caractère naturel ou non: ce qui n’est pas « naturel » n’est pas bon. L’adoption homoparentale ne serait pas naturelle donc nocive pour l’enfant.

b- L’homoparentalité est dangereuse pour la société: c’est l’argument employé grossièrement par le psychanalyste Jean Pierre Winter précédemment cité. Au fait que plusieurs pays européens ont légalisé l’homoparentalité il répond que la société occidentale est en train de mettre en place une forme d’ultralibéralisme économique qui va de pair avec l’ultralibéralisme des moeurs, l’un étant au service de l’autre. Le premier, affirme-t-il, a besoin de ce qu’il appelle des idiots utiles qui croient s’opposer au capitalisme mais en réalité se mettent au service de ce système délirant. Sur le terrain social, l’homoparentalité relève du même type de problème que la bulle financière: elle fonctionne et se développe indépendamment de la réalité économique jusqu’à ce que la réalité la fasse exploser . Réduire la parenté à la parentalité c’est la ramener à une réalité virtuelle ajoute-t-il. Il déclare même, dans une interview au Nouvel Observateur, que l’homoparentalité est un symptôme parmi d’autres du malaise actuel de notre civilisation.
Pour d’autres opposants, la perpétuation de l’espèce repose jusqu’à présent sur des pratiques hétérosexuelles de reproduction. L’homosexualité représenterait donc un danger réel pour la société car sa banalisation pourrait mettre en danger cette perpétuation. Pire même! L’homoparentalité risquerait de déterminer les enfants concernés vers l’homosexualité. Argument réfuté par les études scientifiques de Golombok(1995) et du Dr Williams car rien ne montre que les enfants de parents homosexuels deviendraient plus souvent homosexuels que les enfants de parents hétérosexuels ni même que cela influe sur sur leur acceptation de l’homosexualité dans leur future vie sociale.
Autre argument fallacieux: la dissociation de la filiation biologique et de la filiation sociale par le biais de l’homoparentalité encouragerait à l’homosexualité. Il n’y a aucun lien établi comme on l’a vu entre homoparentalité et homosexualité. De plus, les différents modèles de sexualité (et particulièrement du modèle hétérosexuel) invalident une vision caricaturale disant que les enfants d’homosexuels sont eux-mêmes automatiquement homosexuels. Pour aller plus loin, on présupposerait que l’hétérosexualité serait dictée uniquement par le besoin de reproduction. Il convient donc de dissocier clairement pratiques sexuelles et pratiques reproductives pour réfuter l’idée d’un péril social. Si tout le monde était homosexuel, on serait bien obligé de passer par d’autres moyens comme l’insémination artificielle pour assurer la reproduction de l’espèce. Elle ne serait donc pas forcément en voie de disparition.

c- L’homoparentalité est dangereuse pour l’équilibre de l’enfant: ce type d’argument ne vise pas l’homosexualité mais bien directement l’homoparentalité. Il y a en fait deux affirmations en une. Tout d’abord:
            1ère affirmation:l’homoparentalité est dangereuse pour la santé psychologique de l’enfant:c’est l’argument le plus courant et le plus difficile à évaluer. Nombre d’opposants dont JP Winter disent qu’un enfant a besoin d’un père et d’une mère pour se structurer psychologiquement. Certaines études menées par les militants catholiques de « No es Igual » en Espagne affirment que les enfants élevés par des couples homosexuels auraient plus de chances de développer des troubles psychiques au cours de leur adolescence ou que les homosexuels sont moins aptes à élever un enfant que les couples hétérosexuels. Mais, de nombreuses études dont celles du Pr Nadaud ont montré qu’il n’existe pas de différence significative entre les enfants de couples dits conventionnels et ceux élevés par des homosexuels. Le fait que les parents sociaux soient les parents biologiques ou non a moins d’influence que les types d’autorité utilisés dans l’éducation ou la dynamique familiale. De plus, d’autres familles dans d’autres cultures (les Na en Chine) confient leurs enfants à vie à d’autres. Enfin, la majorité des couples homoparentaux sont en fait des couples co-parentaux où l’enfant a un papa et une maman, l’ami(e) de la maman, l’ami(e) du papa.
            2ème affirmation:L’homoparentalité est dangereuse pour l’intégration sociale de l’enfant:
Ces craintes sont fondées mais en réalité les réactions négatives des camarades à l’école sont nettement influencées par les discours entendus à la maison. Il existe un danger social de stigmatisation dans une société globalement réfractaire à l’homoparentalité qui pourrait exposer des enfants tout au long de leur développement à un effet de marginalisation. Le problème ici est que l’enfant subit les conséquences d’un choix effectué par ses parents et que ce n’est pas acceptable. Il conviendra donc de se rapprocher des enseignants pour expliquer la situation: quelle belle leçon de tolérance à enseigner!

On le voit bien, on peut opposer un contre exemple à chaque argument des réfractaires à l’homoparentalité mais le chemin est encore long à accomplir.

Le point de vue maçonnique: Pris entre l’équerre et le compas, le maçon que je suis ne peut traiter un tel sujet sans rechercher une partie de la vérité ou essayer de trouver la solution la plus juste si elle existe. À mon sens, un seul objectif doit nous guider dans cette affaire: l’intérêt de l’enfant. On le sait l’hétérosexualité – le modèle dominant – n’engendre pas forcément des compétences parentales. Une bonne part des pères hétérosexuels d’aujourd’hui ne sont pas pères et ne s’occupent pas de leurs enfants. Alors dans ce cas, pourquoi s’opposer à ces désirs de parentalité de couples homosexuels? Le principal n’est-il pas que le couple parental (même éloigné ou séparé) soit stable et que les parents soient attentifs? En tant qu’ homme libre et de bonnes moeurs (on ne dit pas de quelles formes!), il me semble important de refonder la parentalité et de repenser la filiation au lieu de se faire peur avec l’homosexualité. Il faut absolument éviter l’immobilisme et éviter d’écrire comme l’a fait Edwige Antier dans son rapport de la mission d’information sur la famille et les droits des enfants en 2006: « Il faudra beaucoup plus de recul avant de décider que ces couples d’hommes ou de femmes pourraient devenir « parents ». Sinon, on prend un risque » Quel risque? Elle ne le précise pas… Sûrement le risque de prendre en pleine face les reproches des intégristes de tous poils , de la bien pensance ou des électeurs…
Pourquoi alors ne pas inventer un nouveau contrat et dépasser la question épineuse de l’homoparentalité? On pourrait imaginer un acte de déclaration de parentalité signé par deux parents (un homme et une femme, deux hommes, deux femmes) qui s’engagent après avoir reconnu l’enfant, biologique ou non, à l’éduquer sur une longue durée. L’ Etat serait le garant de la qualité de cette éducation. Je crois que cette idée peut faire largement consensus et permet de mettre tout le monde au même niveau. On créérait en quelque sorte un CDI de la parentalité.

Conclusion:Il faut bien le reconnaître:les familles homoparentales existent déjà en France. L’adoption est possible au Danemark, en Hollande et dans certains états américains. Le plus gros danger est la réaction de la société face à ces différences mais les peurs et rejets pourront être désamorcés par une bonne information.
La famille homoparentale n’est certes pas la vision idéalisée de la famille mais cette vision idéale existe-t-elle vraiment à une époque où la diversité des familles et des modes d’éducation n’ont jamais été aussi prégnants. L’important n’est pas de savoir si c’est une bonne conception de la famille mais c’est bien que les enfants soient le plus heureux possible. Et les études montrent que les enfants des familles homoparentales ne sont pas plus malheureux que les autres. Alors…j’ai dit VM.

 Lu le 21/11/2011 | Appren

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