Mécréants
Nous serions donc tous des mécréants. C’est ainsi que ces « fous de Dieu » nous dénomment. C’est ainsi qu’ils désignent leurs futures victimes. C’est ainsi qu’ils appellent les femmes et les hommes qui défendent notre devise républicaine. L’autre soir, j’ai entendu, sur France Inter (1), de jeunes français djihadistes clamer et proclamer leur désir forcené de mort envers cette civilisation qu’ils avaient pourtant côtoyée voire appréciée, avant leur conversion. Ils se félicitaient, « ils jubilaient » dirais-je, du massacre parisien ; répétaient, psalmodiant une prière noire, que leurs « frères » viendraient, tôt ou tard, au nom de leur Diable de Dieu, réitérer leurs mitraillages, leurs horreurs. Mais « Diu vivant », comment peut-on se réclamer du Ciel pour tuer ainsi ? Comment peut-on massacrer, au nom du sacré, la jeunesse, l’espoir d’un monde meilleur ? Je crois que leur Dieu est mort à l’instant même où ils ont appuyé sur la gâchette de leur AK47. Je crois qu’ils sont et resteront à jamais le visage hideux de cette « secte fasciste », qui hait la fête, la frivolité, l’amour aux mille visages, la liberté dont nous avions oublié, jusqu’au 13 novembre dernier, la fragilité. Naguère, le 12 octobre 1936, José Millán-Astray, général franquiste, devant l’université de Salamanque, cria « Viva la muerte », à la face de Miguel de Unamuno, le célèbre auteur de « Le sentiment tragique de la vie ». Le philosophe lui répondit : « Je viens d’entendre le cri nécrophile « Vive la mort » qui sonne à mes oreilles comme « A mort la vie ! » Et bien, au nom de la vie, je vous le confesse, sans offenser la foi des uns et des autres, je me sens « mescredent ». Je fais mien ce qu’a si bien écrit Boualem Sansal (2) : « La religion fait peut-être aimer Dieu mais rien n’est plus fort qu’elle pour faire détester l’homme et haïr l’humanité. »
28 11 2015
1. http://www.franceinter.fr/emission-un-jour-dans-le-monde-sur-la-piste-des-filieres-djihadistes
2. Boualem Sansal, 2084, La Fin du monde, Gallimard, 2015.