Une histoire populaire de la laïcité.
Pour une laïcité d’émancipation, par Marceau Pivert.
Préfacé par Eddy Khaldi
mardi 2 juin 2015
Par Bernard Treper
Co-animateur du Réseau Éducation Populaire (REP).
Ce livre (Editions Demopolis 2015, 205 pages, 19 euros) est une réédition du livre de Marceau Pivert de 1932. En lisant ce livre, tous les militants de la laïcité et tous les militants de la gauche de transformation sociale et politique apprendront quelque chose. Car la connaissance de l’histoire des luttes est un impératif catégorique pour mener les bons combats aujourd’hui. La ligne directrice de ce texte est qu’il y a un lien charnel entre le combat laïque, le combat social et le chemin de l’émancipation humaine.
C’est d’abord et avant tout un livre d’histoire des rapports entre l’Eglise et la laïcité dans les luttes sociales en partant des origines jusqu’à l’alliance de la bourgeoisie et de l’Eglise du vivant de Marceau Pivert en passant par le christianisme dans l’Empire romain, le moyen âge , la Réforme, la Révolution française, l’Empire, la Restauration, la loi Falloux, la Commune de Paris, les lois laïques du début de la troisième République. Dans une deuxième partie plus courte, c’est ensuite un travail doctrinal sur le catholicisme social comme idéologie de l’Eglise contre le prolétariat et un travail de clarification entre la laïcité bourgeoise de Jules Ferry, la laïcité ouverte (eh oui, c’était déjà un concept clérical : il a été repris depuis les années 1970 par la Ligue de l’Enseignement, la Ligue des droits de l’homme et la gauche néolibérale, puis par la droite néolibérale avec Sarkozy) de l’abbé Desgranges et bien sûr une conception de la laïcité qu’il qualifie d’émancipation.
L’auteur montre très bien la capacité de la mobilisation de l’Eglise catholique contre la loi de 1905 puis dans sa bataille contre la loi, puis son accommodement lorsqu’elle s’allie avec la bourgeoisie contre le prolétariat. Il explique bien l’action conjointe de la droite, de l’extrême droite et de l’église à partir de 1918 grâce à l’Union sacrée pour reconquérir le terrain qu’ils ont perdu entre 1905 et 1914. On mesure là que l’Eglise a bénéficié de l’assassinat de Jean Jaurès le 31 juillet 1914, lui qui s’opposait à l’Union sacrée…
Il explique en détail la mobilisation massive de l’alliance de la droite, de l’extrême droite et de l’église contre le Bloc des gauches en 1924 contre l’application de la loi de 1905 en Alsace et en Moselle.
Il montre que de tout temps depuis le IVe siècle, l’Eglise a été du côté des puissants contre le mouvement progressiste et contre la volonté du peuple de s’émanciper. Il montre pourquoi les structures religieuses, toutes les structures religieuses, sont des adversaires de la révolution et du progressisme.
Quel beau livre à opposer à la partie actuelle de la gauche et de l’extrême gauche qui accepte les alliances avec les tenants de la doctrine sociale des églises ou avec les islamistes obscurantistes et réactionnaires, car ils pensent que les « musulmans » ont remplacé la classe ouvrière dans le schéma marxiste (en utilisant un mot d’ordre mortel pour le prolétariat : les ennemis de mes ennemis sont mes amis) et que la lutte contre les discriminations a remplacé la lutte des classes devenue obsolète pour eux.
Quelle belle occasion de remarquer que les arguments contre le principe de laïcité d’avant 1932 sont les mêmes aujourd’hui – réactualisés bien sûr avec les mots de notre époque – tant chez les adeptes de la laïcité d’imposture fréquents dans la gauche solférinienne et aussi dans l’Autre gauche, que chez les adeptes de l’ultra-laïcisme anti-laïque de la droite et de l’extrême droite. La reprise des écrits des cléricaux de l’époque permet facilement de faire ce parallèle.